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 » Je passe mon temps à improviser « 

Mardi, Courtrai dispute le match retour des demi-finales de Coupe face à Genk. Glen De Boeck explique comment il a réussi à redresser la barre :  » C’est le noyau le plus complet avec lequel j’ai travaillé.  »

Glen De Boeck ne manque jamais de faire remarquer que l’ADN de Courtrai lui convient et qu’il y a rapidement trouvé ses marques. Étonnant, pour quelqu’un qui a joué pendant 12 ans à Anderlecht, y a entamé sa carrière d’entraîneur et passe pour un coach très exigeant sur tous les plans alors qu’il doit maintenant travailler dans un stade désuet qui manque de place et dont le terrain principal est un champ de patates, tandis qu’il a déclaré voici peu qu’il ne mettrait pas ses vaches sur le terrain B.

 » Et pourtant, je me sens bien « , dit-il.  » C’est surtout mental : j’ai pu emmener mon staff et je savais que ce n’était pas un grand club, donc j’étais préparé à ceci. J’essaye de professionnaliser le club mais je dois tenir compte des moyens financiers. Je dois sans cesse trouver des solutions, même pour trouver un endroit où discuter tranquillement avec le groupe. Si je veux faire un exercice un peu plus compliqué, je dois aller sur le synthétique du centre de formation car ici, c’est impossible. La saison prochaine, les terrains seront refaits mais en attendant, il faut improviser.  »

 » Les gars doivent comprendre que jouer à Courtrai, c’est un privilège  »

Dans ces cas-là, on apprend à avoir le sens des réalités et à faire preuve de flexibilité.  » C’est ce que je répète sans cesse à mes joueurs : ils doivent tenir compte de la réalité, s’adapter, ne pas dépenser d’énergie à s’énerver sur des choses sur lesquelles ils n’ont pas d’emprise. Après la trêve hivernale, pendant trois jours, nous avons fait un team building. Alors que d’autres s’entraînaient au soleil, nous avons travaillé dans le froid, à Nieuport.

Je les ai sortis de leur zone de confort mais demandez à un vieux routier comme Christophe Lepoint à quel point il était content de pouvoir mettre le nez dehors après avoir passé trois mois en salle de fitness. Et Elohim Rolland, qui est encore en rééducation pour un certain temps, serait tout content de pouvoir jouer sur un champ de patates. Tout le monde doit comprendre que jouer à Courtrai, c’est un privilège, que des millions de gens voudraient pouvoir être à leur place, quitte à manger sous la tribune et à se cogner la tête au plafond à chaque fois qu’ils se lèvent (il rit).

Il y a longtemps que je ne rêve plus. J’ai appris à accepter le fait que le métier d’entraîneur était instable.  » Glen De Boeck

Ces gens-là feraient leur boulot, même s’ils n’étaient pas certains de jouer le match suivant. Les pros ne comprennent pas toujours et je dois souvent le répéter. C’est un boulot en soi. Je passe 80 % de mon temps à faire du management de ressources humaines. La société a changé, les joueurs sont de moins en moins exigeants envers eux-mêmes, ils cherchent la facilité mais je ne cède pas. C’est la raison pour laquelle j’ai amené un staff très fort, très différent : je veux veiller à ce qu’on ne se plaigne pas et qu’on travaille.

La saison prochaine, j’aimerais avoir un coach mental qui me soulage un peu. Je suis hypersensible et je comprends parfois qu’un joueur ne va pas bien mais ils n’aiment pas montrer leur fragilité. Mais je sais aussi que, si on parvient à les remettre en selle, ils sont reconnaissants.  »

Cela vaut d’ailleurs pour lui aussi.  » J’ai appris à voir les choses de façon positive, à ne pas m’accrocher à ce qui ne va pas. Cela n’a pas toujours été le cas, surtout au Cercle. Je débarquais d’Anderlecht, où tout était réglé comme du papier à musique, et je trouvais qu’on ne progressait pas assez vite. Pareil au Beerschot et à Venlo. La frustration n’est jamais bonne conseillère et ce groupe doit encore évoluer en la matière. En football, on passe souvent trop de temps à discuter de l’action précédente au lieu de passer à la suivante.  »

 » Le noyau courtraisien est le plus complet avec lequel j’ai travaillé  »

Pourquoi Courtrai va-t-il mieux depuis qu’il a changé d’entraîneur ?

GLEN DE BOECK : Quand on reprend une équipe en cours de saison, on a peu de temps. Donc on doit mettre rapidement le doigt sur ce qui ne va pas et prendre des décisions. Ce n’est peut-être pas un hasard si, tant à Waasland Beveren, qu’à Mouscron ou ici, j’ai gagné mon premier match. Il faut détecter les problèmes tout en pensant à la philosophie qu’on veut implanter. J’ai opté pour un autre système et une autre composition que mon prédécesseur. J’ai changé huit joueurs mais le groupe est resté le même. C’est d’ailleurs le noyau le plus complet avec lequel j’aie travaillé. Un chouette groupe, très homogène. Il y a peu de problèmes et quand il y en a, je les résous. Je viens ainsi d’envoyer Vladimir Kovacevic dans le noyau B parce que, pendant trois jours, il n’a pas respecté les consignes. Je ne peux pas laisser passer. J’espère qu’il comprendra, s’excusera et reviendra plus fort. Sans quoi ce sera difficile. Mais, je le répète : c’est un bon groupe. Il y a des caractères spéciaux mais je préfère ça à pas de caractère du tout. À moi de gérer et à faire en sorte que les caractéristiques de chacun apportent quelque chose au groupe.

Quelle a été votre intervention la plus importante ?

DE BOECK : Je pense que j’ai apporté aux joueurs la reconnaissance qu’ils attendaient. Jérémy Perbet constitue une garantie de buts : dans un club comme Courtrai, il doit jouer. Idir Ouali a toujours été un bon joueur, je suis donc allé le rechercher dans le noyau B et son comportement est exemplaire. Gary Kagelmacher était en conflit avec le coach précédent parce qu’il ne voulait pas jouer arrière droit : c’est le meilleur défenseur central du noyau. Un coach doit veiller à la complémentarité, faire en sorte que son équipe ait des capacités athlétiques, de la présence au duel aérien, de la technique et de la course. Pour moi, la meilleure place de Teddy Chevalier, c’est sur le flanc droit. Pas collé à la ligne car c’est un buteur. Il faut lui laisser de la liberté, à condition qu’il remplisse sa mission défensive, comme tout le monde. J’en ai beaucoup parlé avec lui.

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 » On ne peut rien contre les étiquettes  »

Comment viviez-vous lorsque vous n’aviez pas de boulot ?

DE BOECK : J’étais plus relax, évidemment. C’était l’été, il faisait beau, je jouais au golf et je voyageais. Mais après un bout de temps, ça m’a repris. Début novembre, c’était l’idéal pour reprendre un club car il commençait à faire mauvais (il rit). Un entraîneur sait qu’il peut se retrouver sans boulot. Parfois, il prend volontairement une année sabbatique car ça fait parfois du bien de se ressourcer et de se recycler. J’ai notamment suivi des cours de gestion des ressources humaines. Même quand on n’a pas de boulot, on essaye d’évoluer mais le plus important, ça reste la pratique, bien entendu. Avant Courtrai, j’avais eu quelques touches ailleurs mais ce club a choisi quelqu’un d’autre.

J’ai appris à voir les choses de façon positive, à ne pas m’accrocher à ce qui ne va pas. Ça n’a pas toujours été le cas.  » Glen De Boeck

Le Cercle ?

DE BOECK : Oui, je suis allé à Monaco et deux jours avant l’intronisation de Franky Vercauteren, tout portait à croire que je serais l’entraîneur du Cercle. Puis j’ai reçu un SMS de Filips Dhondt. Il y a manifestement eu un retournement de situation au cours des 48 dernières heures, pour une raison que j’ignore.

Et la saison prochaine ? Vous parlez de Courtrai mais votre contrat prend fin en juin.

DE BOECK : Si je ne suis plus ici la saison prochaine, l’entraîneur tirera profit de mon travail. Je dois préparer le stage estival. Si je ne le faisais pas dès maintenant, je ferais mal mon boulot. Donc, je remplis mon contrat. Je suis venu pour assurer le maintien et, même si ça ne s’est pas encore traduit par une prolongation de contrat, je pense qu’ils sont contents du travail du staff.

Le président a dit récemment que vous aviez déjà fait preuve de vos qualités d’entraîneur mais que, désormais, vous sembliez aussi très motivé. Ce n’était pas le cas avant ?

DE BOECK : Je pense que si mais on ne peut rien contre les étiquettes. Avant, ça m’énervait mais j’ai appris à ne plus y accorder d’importance. Quatre-vingt pour cent des gens qui ont travaillé avec moi seraient prêts à le faire demain encore. Il y a sans doute une raison à cela.

 » Avant, j’attendais que les joueurs soient aussi perfectionnistes que moi  »

Dans quel domaine avez-vous le plus progressé ?

DE BOECK :Avant, je voulais trop souvent que les gens fonctionnent comme moi, qu’ils soient perfectionnistes à l’extrême. J’accordais trop d’importance aux détails. Je suis plus relax maintenant, je me concentre sur l’ensemble. On ne s’en aperçoit peut-être pas mais je compte bien plus de réussites que d’échecs. Maintenant, j’aimerais rester plus longtemps dans un club. Les dirigeants doivent bien cerner leurs ambitions et évaluer le travail du coach. Je crois qu’à Courtrai, c’est possible.

Ce qui m’a fait le plus mal à Mouscron, ce n’est pas mon limogeage en soi. Ça, je pouvais le comprendre. Mais certaines personnes ont influencé les supporters. Au retour de Mouscron, j’ai retrouvé ma voiture barricadée et aspergée d’oeufs. Là, j’ai compris que les choses allaient trop loin. C’est comme quand René Weiler a été attaqué en rue avec sa femme et que les supporters réclamaient son limogeage alors que son équipe menait ici à Courtrai.

Était-il normal que je sois limogé ? Oui car la situation n’était plus tenable. Était-ce juste ? Non car c’est la direction qui était responsable des mauvais résultats. Mais le plus dur, ce fut de prendre congé d’un très bon staff, de gens avec qui j’avais tissé des liens forts et avec qui nous avions bien travaillé en fonction du matériel mis à notre disposition. Ici aussi, nous nous entendons bien et ce serait dommage de briser ça.

Quel rêve aimeriez-vous encore réaliser ?

DE BOECK : Il y a longtemps que je ne rêve plus. J’ai appris à accepter le fait que le métier d’entraîneur était instable. Bien sûr, j’aimerais remporter un trophée mais je veux surtout évoluer en tant qu’homme et en tant qu’entraîneur. J’aimerais aussi travailler à l’étranger.

 » De manière générale, les gens sont trop négatifs  »

Vous demandez régulièrement aux journalistes de se montrer positifs. On a été trop négatif envers vous ?

DE BOECK : Je trouve qu’on est trop négatif en général. Pas seulement la presse. Je pense que si on mettait davantage l’accent sur le positif, les choses iraient mieux. Ça ne veut pas dire que les médias ne peuvent pas se montrer critiques mais à condition que ce soit pour vraiment changer les choses, pas critiquer pour critiquer. Zulte Waregem mérite un coup de chapeau. Aucun entraîneur n’aurait survécu à un 3 sur 33 mais Francky Dury a été maintenu et le club a effectué trois transferts ciblés. C’est formidable et j’espère que de nombreux dirigeants prendront exemple. Ça ne veut pas dire qu’on ne doit jamais limoger un entraîneur. Ici, les choses étaient claires et la preuve en est qu’avec le même matériel, ça fonctionne. Hein Vanhaezebrouck a fait de l’excellent boulot à Gand mais il avait fait son temps et Yves Vanderhaeghe a tout de suite redressé la barre. Mais parfois, on limoge l’entraîneur avant d’avoir analysé la politique de transferts.

 » Je suis hypersensible  »

Au cours de l’interview, Glen De Boeck a fait remarquer qu’il était hypersensible.  » Je le sais parce que j’ai fait des tests « , dit-il.  » Je le sentais et j’avais lu beaucoup de choses à ce sujet. L’avantage, c’est que je ressens beaucoup de choses, notamment l’énergie que dégage une personne. Dans mon métier, c’est important, je peux m’en servir. Pour un entraîneur, c’est un don intéressant. Mais il y a aussi un inconvénient : je prends beaucoup sur moi, y compris du négativisme, ce qui est parfois fatigant. Je dois veiller à ne pas me laisser envahir car ça se ressent à mon comportement. J’ai donc appris à ne plus le faire.  »

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