» Je ne vois pas de limites à notre équipe « 

Après quelques mois d’adaptation, l’acien médian de Charleroi a forcé les portes de l’équipe première.

On l’avait un peu perdu de vue, depuis son passage en Angleterre. Après avoir constaté le fossé existant entre un club belge (Charleroi) et un de Premier League (Wolverhampton), et fourbi ses armes pour le combler, Geoffrey Mujangi Bia est revenu en Belgique. Tout doucement, le Belgo-Congolais a réussi à s’intégrer dans le onze de base du Standard et commence même à se montrer décisif. Il n’a rien perdu des qualités entrevues dans le Hainaut auxquelles il a ajouté un sens du collectif. Rencontre avec celui qui en a fait du chemin en deux ans.

Comment expliques-tu ton entrée tardive dans l’équipe ?

Geoffrey Mujangi Bia : J’ai souffert de quelques pépins physiques : j’ai récolté un hématome au mollet, puis une élongation. J’ai raté 20 jours de préparation. Ce qui explique mon absence lors des premiers matches. Ensuite, j’ai eu une élongation à la cuisse et pour combler un déficit musculaire, j’ai dû faire un travail d’endurance musculaire. Tout cela a été effectué dans l’ombre et petit à petit : j’ai enchaîné les entraînements, puis les bouts de matches et enfin j’ai reçu ma chance.

As-tu douté de tes qualités ?

Non, jamais. Je sais que j’en possède pour évoluer dans cette équipe. Mais avant d’être titulaire, il y a un travail à faire. Cela ne se fait pas comme cela. Il faut le mériter et bosser.

Tu trouvais donc normal ton statut de remplaçant ?

Non, pas normal mais j’avais appris en Angleterre que quand tu es remplaçant, cela ne sert à rien de se justifier. Il faut d’abord regarder ses prestations, corriger certaines choses avant de dire que tu mérites de jouer. Tant que je n’avais pas réalisé une prestation de haut niveau, je ne pouvais prétendre à rien.

Maintenant que tu es rentré dans le onze de base, quel sera ton prochain défi ?

Je ferai le bilan à la fin de l’année. Et comme mes objectifs sont basés sur le long terme, je ne peux pas encore me montrer satisfait aujourd’hui. Je peux encore améliorer beaucoup de choses dans mon jeu, surtout la régularité dans les efforts. J’aimerais arriver à les enchaîner sur le terrain, pouvoir attaquer et défendre au même rythme. Quand tu vois les grands joueurs, ils sprintent pour attaquer et ils sprintent de nouveau pour défendre. Le tout, dans un championnat dans lequel le rythme est encore plus élevé. Cela, ça demande un bagage physique énorme.

Tu étais un transfert de l’ancienne direction. Tu n’as pas craint la fin de l’ère D’Onofrio ?

Non. Je voyais qu’on ne parlait jamais de moi dans les journaux mais je n’ai pas paniqué. Une direction ne change pas un joueur. Ce sont les entraînements, le travail et la préparation qui comptent.

 » A Charleroi, on était beaucoup dans le chacun pour soi « 

Tu es quand même un survivant : tous les autres transferts de l’ancienne direction ont été prêtés…

Il y a quelques différences. Les autres joueurs provenaient des divisions inférieures alors que moi j’avais déjà un passé au niveau national. Je connaissais aussi Jean-François de Sart de l’équipe nationale. Cela m’a aidé.

Qu’est-ce qui a fait pencher la balance entre Genk et le Standard ?

Genk, c’était surtout au mois de janvier. Cela a capoté pour une histoire de timing car on était le 31 janvier. Mais, avec du recul, j’ai eu le temps de regarder pour la nouvelle saison et de faire un choix. Et celui-ci s’est dirigé vers le Standard.

Personne n’a jamais douté de tes qualités mais de ton sens collectif…

En Angleterre, j’ai acquis beaucoup de maturité. C’est en tout cas ce que je constate dans mon jeu. Il faut aussi voir le contexte. Mon état d’esprit à Charleroi était différent. On était beaucoup dans le  » chacun pour soi « . Tout le monde tentait des actions individuelles pour se faire remarquer. Collectivement, il n’y avait pas vraiment d’objectifs. Au Standard, les statistiques ne sont pas individuelles mais on vise davantage des objectifs communs comme gagner des titres, etc.

Que penses-tu de ta dernière saison carolo ?

Les dossiers sportifs et extra-sportifs ont été mal gérés et cela explique qu’on ait connu une période trouble. Chacun pensait à des choses auxquelles il n’aurait pas dû penser. Parfois des bêtises mais cela nous empêchait de nous concentrer sur le foot. Cela a joué sur mes prestations.

Cela ne te surprend donc pas de voir le club en D2 ?

Si Charleroi se retrouve en D2, c’est davantage à cause de la gestion du club que du niveau des joueurs. Comment expliquer qu’aucun joueur n’arrive à être régulier ? Comment expliquer que la plupart – je peux citer Cyril Théréau, Habib Habibou ou Pelé Mboyo – s’épanouissent une fois partis de Charleroi ?

 » Le manager des Wolves insistait beaucoup pour que j’améliore mon end product « 

L’Angleterre a également modifié ton jeu ?

J’y ai appris à être plus concret. A Charleroi, je tirais parfois dix fois au but par match. Au bout de l’année, j’avais tiré 200 fois mais je marquais moins de cinq buts. A Wolverhampton, j’ai compris qu’il valait mieux tirer moins et cadrer davantage.

Finalement, ton passage à Wolverhampton, tu le considères comme un échec ou pas ?

Non car j’ai été souvent blessé et je n’ai pas vraiment pu me montrer. Je ne prends pas cela comme excuse mais quand j’ai reçu ma chance, j’ai toujours récolté des commentaires positifs même si physiquement, je n’étais pas prêt pour l’Angleterre. Depuis tout petit, je voulais évoluer en Premier League ; même cinq minutes. J’ai donc eu la chance d’y arriver. Evidemment, je me suis vite rendu compte qu’il y avait encore beaucoup de travail. Si techniquement, j’étais à l’aise, physiquement, je ne l’étais pas. Il fallait enchaîner des entraînements de haut niveau. Le manager a également beaucoup insisté pour que j’améliore ce qu’ils appellent le end product, à savoir la finition. En Angleterre, aux entraînements, on tient des statistiques. On comptait le nombre de passes réussies, de tirs cadrés, de buts, etc… On m’a également donné beaucoup de conseils sur les centres ou mes actions individuelles. Avant, je courais la tête baissée. Maintenant, j’essaye de voir si au bout de mon action, il y a une possibilité de passe ou de tir pour un coéquipier.

Quel est ton meilleur souvenir de Wolverhampton ?

Alors que je restais sur de longs mois sans jouer, j’étais rentré au jeu contre Manchester City à 10 minutes de la fin et j’avais offert une passe décisive. Dans la foulée, j’avais été titularisé en FA Cup lors d’un replay face à Doncaster (5-0). Une bien belle semaine.

Avec le recul, tu repartirais en Angleterre ?

Oui mais j’aurais dû travailler davantage avant de partir. A Charleroi, je ne l’ai pas fait car les demandes physiques étaient moindres. Un match de championnat belge, comme un entraînement d’ailleurs, n’a rien à voir. En Angleterre, les entraînements durent deux heures et sont bien plus soutenus. Quand je suis arrivé à Wolverhampton, lors des premiers tests, ils m’ont dit que j’avais les mêmes résultats physiques que les jeunes de 16 ans issus du club.

Jelle Van Damme n’a pas aimé Wolverhampton…

( Il coupe) C’est normal. Moi, je peux encore compter sur une action individuelle. Mais lui, il est tributaire du collectif. ( Il réfléchit) D’un autre côté, on sait que c’est un club qui vient de D2 et qui a pour objectif le maintien. Peu importe la manière, il faut se maintenir. Cela passe nécessairement par des matches où tu dois dégager le ballon. Moi, cela ne m’a pas dérangé.

 » Riga a prôné un jeu qui correspondait parfaitement aux joueurs à sa disposition « 

As-tu considéré ton retour en Belgique comme un pas en arrière ?

Si je regarde le standing du club, non. Mais si l’on tient purement compte du championnat, oui, c’est un pas en arrière. J’avais des possibilités en D2 anglaise mais ce n’était pas une solution. Je préférais revenir ici pour effectuer un travail physique important pour pouvoir enchaîner des matches. Maintenant, ça m’a fait une boule de quitter l’Angleterre car c’est là que tout se passe mais je ne peux pas dire que j’en profitais pleinement puisque je ne jouais pas. Il y avait un manque. Je me disais que je n’étais pas là au bon moment.

Comment as-tu vécu le chamboulement dans le noyau du Standard ?

Il était temps pour certains de partir car ils avaient fait le tour de la question. Les nombreux départs n’ont pas déstabilisé le groupe. Je peux même dire que c’est motivant, pour les nouveaux arrivants comme moi, de voir que ceux qui passent par le Standard sont courtisés par des grands clubs.

Qu’a apporté Riga au groupe ?

Il a fait le nécessaire pour que le noyau l’accepte et le respecte. Il a prôné un jeu qui correspondait parfaitement aux joueurs à sa disposition et cela a plu. Il faut bien dire que le fonds de jeu du Standard de l’année passée, ce n’était pas ça. C’était avant tout une machine physique. Aujourd’hui, on essaie de repartir de l’arrière et de jouer au sol. Cela demande du travail.

Ce Standard-là peut viser le titre ?

Je ne vois pas de limites à notre équipe. On ne peut qu’évoluer. On a joué contre les équipes du top et on a pu juger notre niveau.

Et à l’extérieur, vous avez encaissé de lourdes défaites ?

Oui mais à un moment où il n’y avait pas encore de base à cette équipe. Quand je vois la manière avec laquelle on a réagi, collectivement, aux critiques, c’est assez impressionnant. Et moi, je le vois dans mon jeu. Si je suis collectif, c’est parce que je me sens intégré dans un collectif.

 » Il ne faut pas demander quel est l’objectif du club mais quelle est sa philosophie « 

Maintenant qu’une base est là, avez-vous changé d’objectif ?

Non, on continue à prendre match par match et à essayer de gagner le plus de rencontres possibles.

Il n’y a donc pas d’objectif ?

Je n’ai pas dit cela. Pour être champion, que faut-il faire ? Gagner le plus de matches possibles et prendre plus de points que l’adversaire. A chacun sa stratégie. A Charleroi, on disait partout qu’on voulait être champion ( Il rit).

C’est ce que le président disait…

Donc, l’objectif du club était d’être champion. Cela prouve bien que  » l’objectif du club « , cela ne veut rien dire. Il ne faut pas demander quel est l’objectif du club mais quelle est sa philosophie. Nous, on bosse et on va essayer d’arriver le plus loin possible, proportionnellement à nos qualités.

Depuis quelques matches, tu formes le flanc droit avec Goreux et cela fonctionne plutôt bien entre vous deux…

On se connaissait déjà avant. Avant le match, on se parle beaucoup et on sait ce que l’autre va faire. La communication entre nous est facile et cela se ressent sur le terrain.

Est-ce que tu es surpris du fait que le Standard soit qualifié pour les 16es de finale de l’Europa League, terminant de surcroît premier de son groupe ?

Non car je ne vais pas dire que le tirage au sort était facile mais on a hérité d’équipes du même niveau. On a évité des gros clubs. Si Copenhague et Hanovre sont difficiles à man£uvrer, ils étaient à notre portée. Et on l’a prouvé à merveille.

En championnat, quelles équipes t’ont impressionné ?

Anderlecht est sans doute la meilleure formation mais je pense qu’on ne doit pas trop regarder notre match là-bas. Il s’agissait d’un jour sans. Cela ne se reproduira pas une seconde fois. Si offensivement Anderlecht a été surprenant, je peux vous dire qu’il a des failles. Je ne dirai pas lesquelles mais il en a ( Il rit). Bruges possède de bons joueurs mais ils ne m’ont pas impressionné.

PAR STéPHANE VANDE VELDE – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Physiquement, je n’étais pas prêt pour l’Angleterre.  »  » Il faut bien dire que le fonds de jeu du Standard de l’année passée, ce n’était pas ça. « 

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