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 » Je ne veux plus être loué « 

Charly Musonda Jr, Siebe Schrijvers, Zakaria Bakkali, Mathias Bossaerts, Andreas Pereira… Aucun joueur de cette prétendue levée en or de 1996 ne fait partie des plans de Roberto Martinez pour le Mondial. Pereira, qui signe une excellente saison à Valence, est le seul à s’approcher d’une sélection. Découverte.

Andreas Pereira (22 ans) ne peut dissimuler ses racines quand il ouvre la bouche. Il s’exprime dans un dialecte limbourgeois mêlé de flair brésilien. Il est né en Belgique, il a grandi à Lommel. Il est le fils d’un ancien footballeur professionnel brésilien, Marcos Pereira (Saint-Trond, Malines, KVSK United). De neuf à quinze ans, il a été formé par le PSV Eindhoven, avant de rejoindre Manchester United, auquel il a été lié pendant six ans, sans pouvoir souvent évoluer en Première, malgré les compliments de José Mourinho.

Nous nous dirigeons ensemble vers la Ciutat Esportiva de Paterna, le nouveau complexe d’entraînement de Valence. Manchester United loue le prometteur médian pour la deuxième saison d’affilée. L’année passée, Pereira a disputé 35 matches à Grenade. Il a inscrit cinq buts et délivré trois assists.

L’attaché de presse de Valence, qui nous suit, s’étonne du bagage linguistique de Pereira.  » Combien de langues parles-tu, Andreas ?  »  » Cinq : néerlandais, français, anglais, portugais et espagnol « , répond le jeune polyglotte en souriant. La saison passée, à Grenade, il a souvent servi d’interprète à l’entraîneur anglais Tony Adams. L’inexpérience et le handicap linguistique de l’icône d’Arsenal ont coûté cher au club andalou. Grenade a quitté la Primera Division.

 » Grenade a été une bonne école. Je sais désormais ce que ça fait de devoir se battre pour un point « , raconte Pereira, une fois installé à la table d’une des nombreuses petites salles de réunion.  » On se renforce physiquement et mentalement, quand on peut évoluer chaque semaine au plus haut niveau. On n’apprend rien en passant un an sur le banc. Ceci dit, je suis conscient de ne pouvoir revendiquer une place de titulaire à Manchester United. Il suffit de regarder le banc.  »

Bien que Mourinho ait déclaré cet été croire en Andreas Pereira et voir en lui un futur titulaire, le jeune talent a demandé à être à nouveau loué, durant un entretien particulier avec The Special One, confronté au peu de temps de jeu reçu pendant la préparation. Sa demande a été acceptée juste avant la clôture des transferts, contre le gré de Mourinho, qui comptait sur Pereira dans son système de rotation, en sa qualité de home grown player.

United a finalement trouvé un accord avec Valence.  » L’entraîneur me considérera d’un autre oeil si je reviens de Valence avec un bon bulletin. Je changerai ainsi plus facilement de statut que si je continue à guetter ma chance en tant que produit du cru.  »

Titulaire à Mestalla

Son intégration s’est parfaitement déroulée. Pereira est d’emblée devenu titulaire d’une équipe meilleure que prévu. Valence, lové parmi les quatre premiers, ne peut plus louper son billet européen. C’est une étape importante dans le rétablissement du club. Après un superbe début de siècle, marqué par deux titres, une Coupe UEFA et deux finales de LC de 2000 à 2005, Valence a traversé une crise sportivo-financière.

Pereira, international chez les jeunes, est considéré depuis longtemps comme un des most promising talents de Man U mais, jusqu’à présent, une place de titulaire semblait inaccessible. En Espagne, il a enfin eu le brin de chance nécessaire. Il l’a saisi quand ses rivaux se sont blessés en début de saison.

 » En Angleterre, on me répétait que je devais patienter, que je n’étais pas loin de l’équipe mais tous mes concurrents, des joueurs qui avaient coûté beaucoup d’argent, étaient en forme. Je savais qu’il me serait difficile de percer et j’en ai discuté avec Mourinho. Il me comprend. Kevin De Bruyne a vécu la même situation et il est devenu un tout grand joueur en empruntant un chemin de traverse.  »

La comparaison n’est pas tout à fait exacte. De Bruyne possédait déjà pas mal d’expérience et avait même un titre national en poche quand il a quitté la Belgique. Peut-être l’élite absolue vient-elle encore un peu trop tôt pour Pereira ? Il secoue la tête.  » C’est facile à dire. Peut-être vaut-il mieux émerger d’abord dans son pays mais quand on reçoit une chance pareille… Je rêvais de jouer pour Manchester United et je continue à en rêver. J’y suis toujours sous contrat : le club a prolongé mon bail jusqu’en 2019 cet été. La direction voit maintenant que je tiens mon rang à Valence, que j’ai le niveau requis.  »

Chez lui en Espagne

Le bagage technique et la vitesse d’Andreas Pereira font forte impression. Alors qu’à Grenade, il opérait surtout au dix, en soutien de l’attaquant, l’entraîneur de Valence, Marcelino Garcia, l’aligne plutôt sur le flanc de son 4-4-2, ce qui avait surpris Mourinho en hiver.

 » Il évolue à une position qui n’existe pas chez nous « , s’était inquiété le Portugais, doutant de l’efficacité de cette location. Pereira hausse les épaules.  » Je n’en tiens pas compte. Valence a en effet une tactique différente de celle de Mourinho à United. Le club insiste plus sur le jeu par les flancs alors que j’ai été formé à jouer en 4-3-3 et en 4-5-1 mais ça ne peut qu’être profitable à mon développement puisque je maîtrise différents systèmes. Je me considère toutefois comme un médian offensif, un numéro dix.  »

Mourinho aurait souhaité récupérer Pereira en janvier, pour pallier la vague de blessures qui affectait son noyau mais c’était contractuellement impossible. En plus, Pereira se plaît en Espagne.  » Les premiers mois à Valence ont été super. J’ai été souvent titularisé et on a beaucoup gagné. On a connu une baisse de régime en fin d’année et je me suis blessé, ce qui m’a écarté des terrains pendant deux mois, mais on s’est vite ressaisi.

D’emblée, l’entraîneur m’a fait confiance. On m’avait dit que je jouerais beaucoup. J’ai progressé. J’ai beaucoup joué la saison précédente aussi mais c’était différent : on luttait contre la relégation alors qu’ici, on joue pour les premières places, en développant du bon football.  »

Il poursuit :  » Technicien, je me sens comme chez moi en Espagne. J’ai ouvert de grands yeux en découvrant Bernabeu, le Camp Nou et même Villamarin car le Betis possède un stade impressionnant aussi mais ça passe vite. J’ai appris à me concentrer sur le match.  »

Sur ses gardes à Manchester

La vie en-dehors du football lui plaît tout autant. Son amie et lui vivent à Paterna, juste au-delà du centre, près du complexe d’entraînement.  » J’aime rester à la maison, jouer à la PlayStation, regarder une série TV ou me balader avec mes trois chiens.  » Cette vie de famille est un reste de son existence en Angleterre.

 » Il y a quatre bons restaurants à Manchester et les photographes y sont constamment aux aguets. Ils possèdent une liste de tous les joueurs de City et de United. J’étais constamment sur mes gardes car j’étais considéré comme un des grands talents de United. La presse espagnole s’intéresse moins à notre vie privée.

Par contre, en Angleterre, on éprouve du respect envers les grands clubs. Ici, les journaux sont devenus négatifs quand on a perdu quelques matches alors qu’on venait d’améliorer le record de victoires du club. Ça m’a interpellé.  »

Un autre aspect l’a effrayé : les habitudes alimentaires. Marcelino prône, certes, une hygiène de vie stricte mais il est confronté au style de vie espagnol. Pereira sourit :  » On ne mange presque rien ici ! Mais je remarque que ça profite à ma condition et que le noyau compte peu de blessures. Ça ne peut pas être du hasard. En fait, ce sont les heures des repas qui me posent le plus de problèmes : on s’entraîne souvent le soir, à six heures, et on mange après, à neuf ou dix heures.  »

La saison touche à sa fin et son bilan est positif. Le Belgo-Brésilien a une part non négligeable dans la qualification de Valence pour la LC.  » Le staff technique de Manchester United me suit de près. On se téléphone régulièrement ou on s’envoie des messages via whatsapp. Je communique aussi avec Mourinho.

Mon avenir à Valence dépend de Manchester. Toutes les options restent ouvertes mais je ne veux plus être loué. J’ai montré ce dont j’étais capable. En été, je veux de la clarté. Je veux pouvoir rester deux ou trois ans dans un club pour construire quelque chose.  »

Où est la classe 1996 ?

CHARLY MUSONDA JR

À seize ans, il a quitté Anderlecht pour Chelsea. En janvier 2016, il a été loué au Bétis pour six mois. Il y a disputé seize matches et sa location a été prolongée d’un an mais le médian est revenu à Chelsea en janvier 2017. Antonio Conte lui a accordé du temps de jeu mais jamais sa pleine confiance. Depuis cet hiver, il est loué au Celtic, où il fonctionne surtout comme joker.

ZAKARIA BAKKALI

À douze ans, il est parti du Standard au PSV Eindhoven. À 17 ans, il a réussi un hat trick pour l’équipe première du PSV, devenant le plus jeune joueur d’Eredivisie à le faire. Il a effectué ses débuts en équipe nationale à la même époque, dans un match amical contre le Maroc. Il a ensuite fléchi et en 2015, il a tenté sa chance à Valence, où il a signé un contrat de cinq ans. Après un excellent début, l’extérieur n’a participé qu’à la moitié des matches de la saison passée. Depuis cet été, il est loué au Deportivo La Corogne, qui l’utilise régulièrement mais comme joker.

MATHIAS BOSSAERTS

Il a quitté Anderlecht pour Manchester City à seize ans. Il n’a jamais dépassé le stade des espoirs et en 2016, il a signé pour trois ans à Ostende. Le défenseur a du mal à s’imposer au Littoral aussi. Il n’a participé qu’à dix matches la saison passée et il a complètement disparu du paysage cette année.

SIEBE SCHRIJVERS

Un des rares joueurs à être resté au pays, au KRC Genk, son club formateur. Il y a débuté en équipe première durant la saison 2012-2013 mais n’a émergé que deux ans plus tard : il a disputé plus de trente matches pour Genk en 2014-2015. Un an plus tard, le médian a été loué à Waasland-Beveren, dont il est devenu un pion majeur. Il est retourné cet hiver dans le Limbourg et il y est plus ou moins titulaire.

DAVID HENEN

Il a quitté Anderlecht à 17 ans. Loué à l’AS Monaco, il a joué un an en réserves. L’Olympiacos l’a transféré définitivement des Mauves en 2014 pour le louer à Everton et l’y vendre en 2015. Il a passé la saison suivante à Fleetwood Town, en division trois, et depuis la saison dernière, il rejoue pour les U23 des Toffees.

 » Le Brésil ou la Belgique ? Je ne sais pas encore  »

Johan Boskamp était particulièrement lyrique au sujet de la génération de Diablotins nés en 1996. Cette levée a maintenant 22 ans. Pourquoi son éclosion se fait-telle encore attendre ?  » C’est une question difficile « , réfléchit Andreas Pereira.  » Il n’y a pas qu’un seul motif. Peut-être s’est-on intéressé trop tôt à nous et nous a-t-on mis trop de pression ?

La réussite dépend de nombreux facteurs : le soutien de l’entourage, un brin de chance, le bon timing, la bonne mentalité. Le talent à lui seul ne suffit pas. Il est tout simplement difficile d’éclore dans un grand club, surtout dans le compartiment offensif, où les montants des transferts sont particulièrement élevés. On y est confronté à des joueurs qui valent des dizaines de millions. Si j’étais entraîneur, j’alignerais aussi ces footballeurs.  »

Bien qu’il ait été une valeur sûre dans les équipes nationales d’âge, Pereira a subitement opté pour le Brésil, à 18 ans. Il a même marqué pour la Seleçao, en 2015, dans la finale du Mondial U20 de Nouvelle-Zélande, perdue.

Pereira :  » Le vécu est différent au Brésil. Plus enthousiaste. J’ai joué en U23 brésiliens ces trois dernières années. L’expérience a été belle et utile. J’étais avec Gabriel Jésus, avec lequel je reste en contact, comme avec les Belges, Musonda et Bakkali en particulier.  »

Il attend maintenant une première sélection officielle. Mais pour quel pays ?  » Peu importe. Je n’ai certainement pas refermé la porte de la Belgique. Je reviens souvent à Lommel, où mes parents possèdent toujours une maison. Ma copine vient de là et j’y compte encore beaucoup d’amis.  »

DAVID HENEN
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MATHIAS BOSSAERTS
MATHIAS BOSSAERTS© BELGAIMAGE
Le Belgo-Brésilien a conquis les coeurs à Mestalla.
Le Belgo-Brésilien a conquis les coeurs à Mestalla.© BELGAIMAGE
Andreas Pereira s'est pleinement épanoui sous le maillot de Valence.
Andreas Pereira s’est pleinement épanoui sous le maillot de Valence.© BELGAIMAGE
CHARLY MUSONDA JR
CHARLY MUSONDA JR© BELGAIMAGE
ZAKARIA BAKKALI
ZAKARIA BAKKALI© BELGAIMAGE

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