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 » Je ne veux pas qu’on m’appelle le nouveau Bailey « 

Blessé, Jorge Manuel (42 ans) a dû rapidement renoncer au football pro mais son fils Benson (20 ans) est sur le point d’éclore à Genk, au même âge. Entretien chez les Manuel, avant le match contre le Standard.

Benson tient son caractère fort de son père, Jorge Hedilazio Manuel, et son réalisme bien belge de sa mère, Gina Pieters.  » Mes parents m’ont incité à être indépendant. A cinq ans, je nettoyais mes chaussures de football et je préparais mon sac. C’était normal : mes parents ne me tenaient pas la main sur le terrain, après tout. Si j’avais oublié mes jambières, ils ne me les apportaient pas. Pleurer ne servait à rien. Mais, la fois suivante, je vérifiais que j’avais bien tout mis dans le sac.  »

Tu ne t’es jamais plaint ?

BENSON MANUEL : Non, ils m’ont appris à devenir adulte. Je devais parfois me débrouiller pour aller à l’entraînement, par exemple.

JORGE MANUEL : Benson a toujours été autonome et a toujours su ce qu’il voulait. Un jour, je l’ai retrouvé en train de jouer avec des copains. Il m’a dit qu’il voulait jouer à Lokeren. Je l’ai affilié.

Des années plus tard, Anderlecht s’est présenté…

JORGE : J’ai refusé une première fois car je ne voulais pas l’arracher à son environnement pour le caser dans une usine. Anderlecht recrute des dizaines de joueurs et renvoie ceux qui ne satisfont pas au bout d’un an. Quand Benson a eu dix ans, j’ai accepté. Il a tout joué en U11 et en U12.

BENSON : Je participais à des tournois inaccessibles à Lokeren. Comme nous gagnions tout en Belgique, l’étranger constituait un défi.

Pourquoi avoir quitté les Mauves après deux ans pour l’académie de Jean-Marc Guillou ?

BENSON : Je jouais avec Tielemans, Leya Iseka, Ngoy. Nous gagnions souvent largement. C’était amusant au début mais petit à petit, j’ai sombré dans la facilité.

JORGE : Nous avons pensé que cette académie lui conviendrait. C’est une école dure mais nous sommes heureux qu’il y soit passé. Il n’aurait pas progressé autant ailleurs en l’espace de cinq ans.

Il y avait Denayer, Bongonda, El Messaoudi, Kasmi, Bougrine…

BENSON : Beaucoup de talents ! Je n’ai pas fait le mauvais choix, même si elle n’avait pas encore la réputation dont elle jouit maintenant. Mais j’avais confiance et je m’entraînais vingt heures semaine avec un objectif : passer pro.

 » Benson ira plus loin que moi  »

Jorge, vous retrouvez-vous dans Benson ?

JORGE : J’occupais aussi le flanc gauche, parfois l’attaque mais les comparaisons s’arrêtent là. Benson est un buteur alors que je misais sur ma force et ma vitesse. Je suis sûr d’une chose : il ira plus loin que moi.

BENSON : Si je suis à Genk, c’est grâce à mon père. Ayant été pro, il savait ce qu’il me fallait pour réussir. J’ai remarqué très tôt qu’il était différent des autres pères, le long de la ligne.

JORGE : Je lui ai donné des séances individuelles, grâce auxquelles il a notamment appris à jouer du pied gauche alors qu’il était droitier.

BENSON : Papa était très sévère. Je n’étais jamais assez bon. Il exigeait le maximum de moi.

Tu préférais que ta mère vienne aux matches ?

BENSON : Chacun m’encourageait à sa façon. Ma mère s’énervait, surtout contre l’arbitre. Je marquais peu en présence de mon père. C’est drôle, hein ? Mais je l’admirais. Il a été ma première idole. J’écoutais l’entraîneur mais moins que mon père. En jeunes, on changeait d’entraîneur chaque saison mais le père, lui, reste.

JORGE : Je suis parfois trop exigeant. Quand il marque un but, je lui dis qu’il aurait pu en réussir deux. Je ne veux pas qu’il cherche d’excuses après un mauvais match.

Benson, tu as inscrit ton premier but pro en mars 2016 contre le Patro Maasmechelen. A qui l’as-tu dédié ?

BENSON : Je n’étais que réserve au Lierse et je ne conserve donc pas de très bons souvenirs de cette période. Ce but était bon pour mes statistiques, c’est tout. Jusqu’à présent, un goal sort du lot : le but de la victoire contre le Standard en PO2. J’ai cherché le regard de mes parents, dans la tribune. Je n’avais jamais vu mon père aussi exubérant.

 » J’ai douté quand le Lierse est descendu  »

JORGE : J’étais sûr qu’il réussirait. Au Lierse ou ailleurs.

BENSON : Moi, j’ai douté quand le Lierse est descendu : les autres émergeaient en D1 alors que je me contentais de brèves entrées au jeu en D2. C’est Eric Van Meir qui m’a insufflé confiance, même si nous avons eu des divergences de vision.

Une bonne campagne en PO2 t’a permis de signer à Genk. Comprends-tu qu’on y attend beaucoup de toi ?

BENSON : Je connais mes qualités mais il ne faut pas sous-estimer l’ampleur du pas que j’accomplis. Si je fais banquette au début, tant pis. Je devrai être à 100 % à chaque séance pour jouer. Les supporters doivent comprendre que je ne suis pas le nouveau Leon Bailey. Nous sommes différents et je n’aime pas qu’on m’appelle comme ça.

JORGE : Nous établirons un premier bilan à la trêve hivernale puis, en fin de saison, nous procéderons à une évaluation avec Genk, en toute objectivité. Je veux que mon fils soit aussi travailleur qu’au Lierse et j’espère qu’il aura l’occasion de se montrer.

BENSON : N’oubliez pas que Genk est un grand club, malgré de moins bons résultats ces derrières années. Demandez à un étranger de citer cinq clubs belges et Genk sera dedans.

C’est pour ça que tu as refusé les offres de Dijon, Metz et Krasnodar ?

BENSON : Je n’étais pas prêt à m’expatrier.

JORGE : J’ai vu trop de talents se perdre à l’étranger. Il doit faire ses preuves à Genk avant de franchir un pas supplémentaire.

Benson, tu te plaignais des fautes commises sur toi en D1B. Ça ne sera pas plus facile à Genk.

BENSON : Comme je suis d’un naturel provocateur, je ne peux pas en vouloir aux défenseurs de me freiner fautivement. Je vis avec pour autant que les arbitres fassent leur travail.

JORGE : Il prendra encore des coups : les défenseurs n’aiment pas être ridicules.

par Alain Eliasy – photo Belgaimage

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