» Je ne suis pas une racaille « 

Mais qui se cache réellement derrière le gamin de 21 ans qui a vociféré les termes fils de p*** ? Entretien-vérité avec un joueur qui n’a pas sa langue en poche.

De tout son début de saison, beaucoup ne retiendront que son geste de mauvaise humeur face à Courtrai. Rencontré un mois après ces incidents, le Bruxellois déballe tout et montre qui il est vraiment derrière l’étiquette de racaille qui lui colle désormais aux basques.  » Mes paroles me poursuivent « , explique- t-il.  » Ça fait désormais plus d’un mois et on en parle encore à chaque match, à chaque but.  »

On peut tout de même se demander quelle mouche t’a piqué pour tenir de tels propos !

Cette insulte résulte simplement d’un moment de frustration. J’aurais très bien pu dire m**** mais j’ai dit fils de p*** et je le regrette. Tenir ces propos fut une erreur, surtout vis-à-vis des jeunes enfants présents.

Pourquoi es-tu apparu si énervé après ton but ?

Auparavant, j’avais eu une discussion houleuse avec Mehdi Bayat. Il m’a clairement expliqué qu’il ne comptait plus sur moi car financièrement, je ne lui apporterais aucune plus-value. Dans le même temps, il m’annonce chercher une alternative à mon poste. C’était la première fois de ma vie qu’on ne comptait plus sur moi. Ça m’a fait énormément de mal d’entendre les propos du directeur général au vu du boulot que j’abattais. Depuis, je ne lui ai plus jamais parlé.

Ton geste était donc uniquement destiné à Mehdi Bayat ?

J’ai voulu lui répondre sur le terrain. Je l’ai fait par mon but et par ce geste.

Tu le regrettes ?

Absolument pas, je l’assume entièrement. Je voulais lui faire passer un message clair : –ouvrez les yeux !.

Donc tu ne visais pas le staff ou même ton agent comme dit dans la presse…

Je vais couper court à toutes ces rumeurs. Premièrement, Mogi Bayat n’a rien à voir avec mon prêt dans les rangs carolos. Mon agent est Jacques Lichtenstein et lui seul est responsable de mes intérêts. Deuxièmement, je n’ai jamais eu de problème avec le staff et je respecte Yannick Ferrera. D’ailleurs le bisou après mon but face à Gand était un signe fort vis-à-vis des rumeurs. Si j’insulte quelqu’un, je ne l’embrasse pas après, ce n’est pas mon style.

 » On ne retient que mon geste, pas mes prestations  »

Tu penses qu’un joueur d’apparence plus sage aurait fait un tel tollé ?

On n’en aurait même pas parlé. Les gens m’ont pris pour un présomptueux car je n’ai encore rien prouvé. Des joueurs plus connus de Jupiler League ont fait bien pire que moi sans subir de pareilles conséquences.

Ton image en a pris un coup, c’est incontestable !

Je n’y ai pas pensé au moment de mon geste. Je suis un gars honnête : quand j’ai quelque chose à dire, il faut que ça sorte ! Malheureusement, on ne retient pas mes prestations mais uniquement mon geste. L’étiquette qu’on me colle ne reflète pas ma personnalité. Je ne suis pas une racaille ! Il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé l’an passé. Johan Vermeersch m’a relégué en réserve car je partais pour Anderlecht. J’ai vécu 6 mois de galère mais jamais je n’ai moufté. Je pense que c’est une preuve d’humilité.

Tu penses que les footballeurs font plus de conneries qu’une personne lambda ?

C’est une idée reçue. Tout le monde fait des erreurs mais celles de certains sont plus médiatisées que d’autres. Un pas de travers et ces gars sont taxés de racailles, une image qui fait vendre. Il suffit de leur parler un peu pour saisir que cette image est trompeuse. Le stéréotype du frimeur en voiture de luxe entouré de filles colle à la peau de certains. Mais il en faut de la force mentale pour gérer tous les à-côtés du football tels que la pression, l’argent ou l’entourage.

Quel est ton rapport à l’argent ?

Je n’en gagne pas énormément. Il n’y a qu’à voir ma voiture, c’est la plus pourrie du club. Riche ou pauvre, je ne changerai pas d’un iota. Les grosses bagnoles et l’étalage de fric, très peu pour moi. Je ne ressens pas le besoin de me montrer hors du terrain. OK, j’aime les fringues mais je suis modéré dans mes achats. Le bien-être et la sécurité de ma famille passent avant tout. Dès que je monte sur le terrain, je pense à eux. Je sais d’où je viens.

 » Johan Vermeersch est un vrai tueur  »

Justement, d’où viens-tu ?

J’ai grandi à Schaerbeek dans une famille nombreuse et peu aisée, à deux pas de la gare dans un quartier pas très joyeux mais que j’adore. J’ai commencé le football à 5 ans au Crossing Schaerbeek avant d’être repéré par Anderlecht 2 ans plus tard. À 13 piges, j’ai décidé d’arrêter pour me concentrer au futsal. Par après, je suis revenu sur ma décision et dès mes 15 ans, j’étais aligné en P2 avec le Crossing. Deux saisons plus tard, le Brussels me donnait ma chance en D2. À l’époque, je passais ma vie avec un ballon, que ce soit au club ou au parc avec mes potes. J’y vais d’ailleurs encore de temps à autre pour le fun.

Tu as su suivre au niveau scolaire ?

À 17 ans, je suivais deux entraînements quotidiens au Brussels, un horaire impossible à combiner avec l’école. Arrêter en 5e humanité était un pari risqué, mais je me suis battu pour réussir.

Tu évoques ton passage au Brussels, un club spécial, à l’image de son président…

Johan Vermeersch est un fou furieux, un vrai tueur. Pourtant, je le remercie de m’avoir fait confiance. J’ai eu de la chance avec lui car il m’appréciait. Même lors de ses fameuses descentes dans le vestiaire, il me lançait des fleurs. Par contre, il n’a pas hésité à me rétrograder en équipe B lors de ma signature à Anderlecht.

Pourquoi avoir choisi Charleroi ?

Le football est ma vie, je voulais obtenir un temps de jeu que je n’aurais pas eu à Anderlecht. Au Sporting, j’étais quasiment le 77e homme sur la liste. J’ai longtemps été en contact avec Yannick Ferrera qui me disait de garder patience et finalement mon agent m’a appelé le 31 août en me disant que la situation était débloquée.

Tu as tout de même galéré avant d’être finalement aligné…

Je suis arrivé à Anderlecht après 6 mois de compétition avec la réserve du Brussels et pour seul test, on m’a offert 45 minutes d’un match de préparation, à Diegem, au poste d’avant-centre. J’espérais trouver du temps de jeu à Charleroi. Je devais passer par certaines étapes, j’en avais conscience, mais je ne m’attendais pas à me retrouver en tribune. Je n’y avais jamais goûté et je n’y retournerai plus jamais. J’y pense à chaque fois que j’entre sur le terrain.

Tu étais peut-être un peu limite pour la D1 en début de saison ?

Non, mes performances à l’entraînement étaient bonnes. Avant le 4-4-2 actuel je n’ai eu droit qu’à des bribes de match à des positions qui n’étaient pas la mienne. Dans ces conditions, je ne pouvais pas vraiment faire la différence.

 » Je ne connais pas le stress, je joue dans une bulle  »

Tu te sens plus à l’aise en jouant aux côtés de Giuseppe Rossini ?

Pino monopolise deux défenseurs et gagne beaucoup de duels, ce qui me permet de profiter des espaces. Second attaquant n’est pourtant pas ma meilleure place car je préfère jouer au numéro 10, poste où je touche énormément de ballons. J’ai besoin de me sentir impliqué dans la majeure partie des actions, ne serait-ce que par une déviation.

Les heures passées au parc t’aident à l’heure actuelle ?

Ça me permet de me sortir de certaines situations de manière plus naturelle mais j’ai énormément mûri depuis. Désormais, je sens mieux le jeu. Je sais quand réaliser un geste technique, quand donner le ballon ou quand faire la différence. Même blessé je donne toujours le meilleur de moi-même sur le terrain. Certains me taxent d’égoïste mais ceux-là ne voient pas mon travail défensif. Il faut arrêter de vouloir me casser. De toute manière, les critiques ne m’atteignent pas, elles m’aident à me reconcentrer.

Tu ne ressens pas le poids du public ?

Je m’enferme dans une bulle. Le stress est une chose que je ne connais pas, qu’il y ait 10 ou 50.000 supporters, je ne vois pas de différence tant je suis dans mon monde. À l’entraînement, par contre, je suis loin d’être le dernier à plaisanter. Que le club soit dans une bonne passe ou non, j’ai toujours le sourire.

À seulement 21 ans, tu as encore une belle marge de progression et une longue carrière devant toi…

Je l’espère sincèrement. De là à savoir de quoi mon avenir sera fait, c’est autre chose. Je viens de Bruxelles et jouer à Anderlecht est un objectif. Je rêve aussi d’Arsenal et de la Liga mais n’exagérons pas.

Tu penses avoir le niveau pour évoluer à Anderlecht ?

Si je montre l’étendue de mes possibilités chez les Zèbres pourquoi n’en serais-je pas capable au Parc Astrid ? C’est presque plus facile de jouer chez les mauves car je n’aurais pas un tel boulot défensif à abattre. Dans un futur proche, je chercherai prioritairement du temps de jeu. Je ne sais pas si Anderlecht suit mes performances de près mais je l’espère. S’ils ne comptent pas sur moi, je prendrai certaines décisions.

PAR ROMAIN VAN DER PLUYM – IMAGES: IMAGEGLOBE

 » J’assume entièrement mon geste. Je voulais faire passer un message clair à Mehdi Bayat : -ouvrez les yeux ? !  »

 » Je ne gagne pas énormément. Il n’y a qu’à voir ma voiture, c’est la plus pourrie du club.  »

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