» Je ne suis pas un héros ! « 

Bart De Wever est menacé de mort. Et pas seulement par des francophones. Il s’insurge contre les  » fausses étiquettes  » qui lui collent à la peau. Il se livre au Vif/L’Express.

Le Vif/L’Express : Il paraît que vous vous sentez menacé ? Que vous faites l’objet d’une protection policière ?

Bart De Wever : Je ne me sens pas menacé : je suis menacé. On vient récemment d’arrêter un type qui m’avait menacé de mort. Ce monsieur a déjà un crime à son actif. Il est considéré comme très dangereux par la justice, laquelle avait perdu sa trace pendant tout un temps. Je suis soulagé qu’il soit sous les verrous. Mais cela ne signe pas la fin de mon calvaire. Je suis assailli de menaces de mort. Je reçois régulièrement des paquets contenant des excréments.

Vous avez peur ?

Pas trop. Pourtant, je ne suis pas un héros. Je ne suis ni très courageux, ni d’un tempérament bagarreur. Mais je suis fataliste. Si les menaces visent à me faire flancher mentalement, c’est raté. Si on veut vraiment me tuer, je ne pourrai pas l’empêcher. Alors, ça ne sert à rien de s’en faire…

Le type qu’on a arrêté, c’est un francophone, je suppose ?

Oui, je crois. Mais ne croyez pas que tous mes ennemis sont francophones. J’en ai aussi en Flandre. Un jour, un gars a lancé à mon fils de 7 ans, qui sortait de l’école :  » Ton père va crever !  » C’était un Flamand.

Mais qui peut bien vous en vouloir, en Flandre ?

Les belgicains. Il y a des idiots et des fous partout, y compris en Flandre.

Du côté francophone, les critiques à votre égard n’émanent pas que des seuls  » belgicains « . Vous attisez la haine, non, en flirtant avec le négationnisme ?

Oh nooonnn ! Vous n’allez pas recommencer avec ça ! Je ne suis ni révisionniste, ni négationniste. Je ne me débarrasserai plus jamais de cette étiquette, et c’est de ma faute. J’ai pensé que je pouvais donner mon avis, dans la presse, sur un débat qui agite le monde scientifique –  » Peut-on, ou non, comparer la Shoah avec d’autres génocides ?  » -, et je n’aurais jamais dû le faire. Ce n’était ni le moment, ni la bonne manière. La presse est fatalement réductrice. Mais de là à me taxer de négationniste, ça, je ne l’accepte pas ! J’ai écrit, en tant qu’historien, des centaines d’articles sur la Collaboration, et je n’ai jamais édulcoré la réalité en faveur de la Flandre. Mais aucun de ceux qui m’accusent aujourd’hui ne les a lus ! Lisez-les, et puis revenez me voir.

On vous voit aussi, sur une photo, quand vous étiez plus jeune, au côté de Jean-Marie Le Pen…

Mais combien de fois devrai-je encore répéter que  » oui, j’ai assisté à une conférence de Le Pen, voici une quinzaine d’années, mais que je ne l’ai pas embrassé et que je n’ai pas posé à ses côtés. Le photographe visait Le Pen, et moi, malheureusement, je me trouvais dans le champ de la photo « .

Mais vous admiriez Le Pen, pour assister à sa conférence ?

Cette photo – publiée par des journaux francophones alors même que la  » fuite  » venait du Vlaams Blok : bravo pour la déontologie ! – prouve une seule chose : une fois dans ma vie, je me suis trouvé dans la même pièce que Le Pen. Je suppose qu’au Parlement européen on doit bien trouver une photo de José Happart avec Le Pen, puisqu’ils ont été tous les deux députés européens. Blague à part, à l’époque, Le Pen était un phénomène au sujet duquel tous les journaux français tartinaient. En tant que jeune universitaire, je trouvais normal et utile de me faire une idée, de visu, de la carrure du bonhomme. J’ai, d’ailleurs, été déçu. Pour votre information, sachez que j’ai également assisté à une conférence donnée par un communiste : suis-je stalinien pour autant ?

Et quid de votre présence aux funérailles de Karel Dillen, un des fondateurs du parti flamand d’extrême droite ?

La preuve que je suis un fasciste ? Allons ! C’est n’importe quoi. Mais je sais que c’est quasi impossible de faire comprendre cela aux francophones. Avant d’être une personnalité du Vlaams Blok, Dillen a été une figure marquante du Mouvement flamand. Oui, il y a quarante ans, il était connu en tant que nationaliste flamand. Mon père était également actif au sein du Mouvement flamand. C’est là qu’il a connu Dillen et qu’il est devenu son ami. Et puis, une frange des jeunes nationalistes ont voulu suivre l’exemple de Jean-Marie Le Pen. Ils ont créé le Vlaams Blok. Mon père ne les a pas suivis. Il est toujours resté à la Volks- unie, aux côtés d’Hugo Schiltz. Quand mon père est décédé, en 1996, j’ai été fort surpris de voir Dillen, alors député européen, dans l’assemblée. Il était pourtant déjà fort malade : on devait le soutenir. Moi, à l’époque, j’étais un membre inconnu de la Volksunie. Ce jour-là, j’ai remercié Dillen et je lui ai promis d’assister à ses propres funérailles, en signe de reconnaissance de la fidélité qu’il témoignait à mon père, malgré leurs divergences. J’ai tenu ma promesse. Je savais que cela me vaudrait des ennuis. Mais si c’était à refaire, je le referais.

Si Filip De Winter venait à mourir, vous iriez à son enterrement ?

Non. Je n’ai aucun lien avec ce monsieur. Ni politique, ni personnel.

Il se dit que l’on vous traitait déjà de  » nazi  » dans la cour de récréation, à l’école primaire : c’est vrai ?

Mais qu’est-ce qu’on va encore aller chercher ! ? Non, c’est faux, cela relève du délire. J’ai eu une enfance heureuse, avec ce qu’il faut de copains. Par contre, adolescent, j’étais assez perturbé. Certains matins, je me réveillais avec des idées politiques de droite et, le soir, après une lecture ou une conférence, je tenais un discours de gauche. Je basculais pour un rien. J’étais passionné et un peu con : comme beaucoup d’ados, non ? Un jour, j’ai été puni parce que je lisais la Pravda en néerlandais, en classe. Mais, vous savez, je ne suis pas un exemplaire unique. Frank Vandenbroucke (NDLR : ministre SP.A flamand) a fait partie, dans sa jeunesse, d’un mouvement de gauche extrême et totalitaire… Qui ne fait pas de bêtises à 17 ans ?

Puisqu’on parle de jeunes : vos enfants ne pâtissent-ils pas de l’hostilité que vous suscitez ?

Heureusement, ils sont encore trop petits pour ça ( NDLR : De Wever a deux fils, de 7 et 3 ans, et deux filles, de 5 ans et 11 mois). Les deux aînés entendent souvent :  » J’ai vu ton papa à la télé ! « , et c’est à peu près tout. Il n’y a eu qu’une menace grave, dont je vous parlais au début de l’interview. Je mentirais en disant que ma situation ne provoque aucune tension à la maison : ce que je vis n’est pas agréable et a évidemment des répercussions sur la vie de famille. Mais ma femme a beaucoup de recul par rapport à tout ça. Pour m’aider, elle a arrêté son travail de graphiste et s’occupe des enfants. C’est elle qui maintient l’équilibre familial.

Entretien : I. Ph.

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