» Je ne suis pas un bad boy « 

De retour à Anderlecht, l’attaquant congolais entend se réhabiliter auprès de toute la famille mauve. Même s’il dit que beaucoup d’histoires racontées à son propos sont pures balivernes.

Dieumerci Mbokani est un personnage-clé de l’histoire moderne du RSCA. Avant le passage de l’avant congolais au Standard en 2007, le Sporting avait toujours eu l’ascendant sur son grand rival liégeois. Non seulement sur le terrain, avec un palmarès des plus fournis côté bruxellois, et quasiment vierge de l’autre. Mais aussi en coulisses, où les Rouches la jouèrent souvent profil bas. Comme à l’intersaison 2006, lorsque confrontée à un Mémé Tchité qui refusait de rempiler, la direction du club principautaire n’eut d’autre alternative que de proposer son buteur à Anderlecht, seul disposé à mettre 1,5 million d’euros sur table et qui profita bien de l’aubaine.

Grâce à l’apport de Dieu à Sclessin, l’année suivante, la donne allait changer, sous la forme de deux titres d’affilée auxquels le nouveau venu ne fut certainement pas étranger. Et tandis que les Mauves, avec une division offensive composée des jeunots Kanu et Matias Suarez, étaient évincés au dernier tour préliminaire de la Ligue des Champions par les Biélorusses de BATE Borisov, le Standard, fort de son puncheur africain, se mettait en évidence sur la scène européenne avec des matches d’anthologie contre le FC Liverpool et Everton, avant de briller encore contre Séville, le Partizan Belgrade et la Sampdoria.

 » J’ai vu le buteur qui nous fait cruellement défaut « , observa Ariel Jacobs à l’époque.  » Malheureusement, il est actif au Standard au lieu d’être toujours présent chez nous. « 

Le même jugement aurait fort bien pu être étendu la saison passée, suite à la présence de Jelle Van Damme chez le rival. D’accord, la mutation ne s’était pas faite en ligne droite, puisque le joueur était passé à Wolverhampton avant d’aboutir rue de la Centrale. Mais personne n’aura oublié que, quelques mois plus tôt, le gaucher avait déjà fait l’objet d’une cour assidue de la part des Liégeois, au point d’envisager un avenir en bord de Meuse. Au final, la venue de l’international se sera soldée par un nouveau coup gagnant des Standardmen sur les Bruxellois. Car tandis que les Rouches allaient se battre jusqu’au bout pour le titre, Anderlecht tombait de son piédestal pour terminer troisième. Ce qui ne s’était plus produit depuis 2002.

Avec le recrutement de Mbokani, joint à la venue de son ex-compère liégeois Milan Jovanovic, le Sporting a repris un avantage moral sur les Rouches. Sans compter qu’il avait déjà infligé un uppercut au Club Bruges en attirant dans ses rangs l’artificier vénézuélien Ronald Vargas. Voilà qui peut compter à l’aube d’une campagne où le titre sera synonyme d’accession directe aux poules de la Ligue des Champions.  » J’y ai goûté une fois avec le Standard, je veux revivre la même chose avec Anderlecht  » souligne le dernier transfuge des Mauves.

 » Je reviens chez moi  » as-tu dit lors de ta présentation officielle au Sporting.

Dieumerci Mbokani : Je n’ai jamais oublié qu’Anderlecht avait été le premier club étranger à m’accorder une chance. Aussi, le Sporting est ma maison. J’aurais aimé y signer un bail de longue durée car je m’y sentais vraiment bien avec tout le monde : dirigeants, partenaires et supporters. Le seul qui ne pouvait pas me piffer, c’était l’entraîneur de l’époque, Frankie Vercauteren. Et malheureusement, c’est lui qui a obtenu gain de cause.

Pourquoi ce phénomène de rejet envers toi ?

Je n’ai jamais compris pourquoi il me snobait. J’avais beau inscrire des buts à la pelle en Réserves, il m’ignorait toujours superbement. Je pensais avoir marqué des points en inscrivant trois buts contre Beveren lors du dernier match de la saison 2006-2007. En lieu et place, j’ai été prié de libérer mon appartement au profit de Bouba Saré et de sa maman. Ce jour-là, j’ai réalisé que je n’avais plus d’avenir au Parc Astrid.

Tu signes alors au Standard. Que représente-t-il pour toi par rapport au RSCA ?

Si Anderlecht est ma maison, le Standard est ma deuxième résidence en Belgique. A cette nuance près que j’y ai habité plus longtemps qu’à Bruxelles et que j’y ai remporté deux titres. Au Sporting, je n’avais pas eu cette chance.

 » Je n’ai jamais cherché à chambrer le public anderlechtois « 

Mercredi passé, tu t’es excusé en conférence de presse pour avoir  » volé  » ces deux titres aux Mauves.

C’est un peu mon sentiment. Je n’ai pas seulement privé Anderlecht de deux sacres. Je les ai surtout raflés en pesant de tout mon poids sur le verdict : deux buts lors de la rencontre décisive en 2008 et un goal prépondérant encore lors des test-matches un an plus tard. J’étais toujours hyper-motivé à l’idée de défier mes anciennes couleurs. Beaucoup plus que contre n’importe quel autre adversaire, réputé ou non.

Pour quelle raison ?

Je voulais tout simplement prouver qu’Anderlecht avait eu tort de se séparer de moi. J’étais tellement content que je suis parfois tombé dans une certaine exagération, je l’avoue. Comme cette fois où j’ai fait un tour d’honneur avec les Rouches alors que j’étais sous contrat avec l’AS Monaco. Mais si j’ai manifesté mon bonheur, je n’ai jamais cherché à chambrer le public. Je suis prêt à assumer mes erreurs, mais il faut aussi que certains arrêtent de dire ou d’écrire n’importe quoi à mon sujet.

Par exemple ?

Que j’ai fait un doigt d’honneur au public d’Anderlecht après avoir marqué quelques instants après la blessure de Wasilewski. Ce soir-là, j’ai effectué un petit pas de danse devant le kop, c’est tout. Non pas pour me moquer mais parce que j’étais heureux d’avoir marqué. Certains trouvent que j’aurais dû faire preuve de plus de retenue, vu ce qui s’était passé juste avant. Mais dès l’instant où la partie continue, n’est-il pas normal de donner le meilleur de soi-même et de manifester sa joie après un but ?

Comprends-tu les réticences d’une frange des supporters anderlechtois à ton encontre ?

Oui et non. Je me mets évidemment à la place des fans, qui voient en moi l’un des principaux artisans des deux titres du Standard. Qu’y puis-je ? A partir du moment où je défends les intérêts d’un club, il est logique que je me défonce corps et âme pour lui. Ce n’est pas à moi qu’il faut en vouloir mais à Vercauteren qui a tout mis en £uvre pour que le Sporting se sépare de moi. La vraie cible du public devrait être lui.

Avec son successeur, Jacobs, tu es manifestement mieux tombé ?

J’ai cru comprendre qu’il m’avait à la bonne et je vais tout mettre en £uvre pour ne pas le décevoir. J’ai toujours bien fonctionné avec des coaches à 100 % derrière moi. C’était le cas au Standard avec Michel Preud’homme, Laszlo Bölöni et Dominique D’Onofrio. Ce dernier a été très important pour moi. Au moindre problème, il me portait toujours une oreille attentive et s’efforçait d’y trouver une solution.

D’après lui, tu as besoin d’être serré de près.

J’ai fait des erreurs dans le passé mais quelques-uns ont beaucoup d’imagination dans les médias. J’ai lu récemment que ma mise à l’écart, à Anderlecht, était notamment liée à l’organisation d’un barbecue dans mon… appartement. Comment aurais-je pu faire ça, dans la mesure où je ne possède même pas le matériel ? Sorry, mais je n’ai jamais fait de BBQ chez moi lors de mon année au Sporting. D’autres médias ont dit que j’aurais fait griller des saucisses à même le sol. Et la salade alors, je l’ai mélangée au plafond, sans doute ? C’est complètement insensé !

 » A Monaco, on jouait pour ne pas perdre « 

Qu’est-ce qui est vrai, dès lors, dans tout ce qu’on raconte sur toi ?

Certains retards. A Anderlecht, j’avais encore droit à des circonstances atténuantes. J’habitais le quartier du Bon Air et je me rendais aux entraînements à vélo. Il suffisait que je confonde le stade et Neerpede pour ne pas être à l’heure. Au Standard, je n’avais vraiment plus d’excuse, j’étais motorisé. Mais ça planait pour moi à cette époque et j’avais la tête dans les nuages. Aujourd’hui, il n’y a plus de problèmes à ce niveau. Je me suis discipliné et, surtout, je me suis adapté. Car quelle est la différence entre un Européen et un Africain ? Un Européen a une montre tandis qu’un Africain a le temps ( il rit). A présent, je porte une montre qui me donne l’heure exacte.

Comment expliques-tu ton échec à Monaco ?

Une erreur de casting. Si j’avais abouti dans un club où l’on va de l’avant, comme Lille, je suis convaincu que j’aurais réussi. Après deux expériences à Anderlecht et au Standard, où l’on joue pour gagner, j’ai dû composer avec un club où le mot d’ordre était de ne pas perdre. J’étais esseulé en pointe, tandis que le reste de l’équipe se trouvait derrière le ballon. Mon plus proche partenaire était à quinze ou vingt mètres. Impossible d’être performant dans ces conditions. Je m’en suis ouvert au coach, Guy Lacombe, mais il n’a jamais voulu modifier ses conceptions. Il était imperméable à toutes les remarques. Ce fut sa perte puisqu’il a été remplacé en cours de saison par Laurent Banide. Mais il était déjà trop tard et l’AS fit la culbute.

Toi-même, tu avais été cédé à Wolfsburg lors du mercato 2011. Sans succès.

Pour qu’un joueur réponde à l’attente, une certaine stabilité s’impose. En Allemagne, j’ai tout connu sauf ça. En l’espace de six mois, j’aurai eu trois entraîneurs là-bas : d’abord Steve McClaren, puis Pierre Littbarski et enfin Felix Magath. Avec le premier, je n’avais pas eu véritablement ma chance. Pour avoir peu joué avec les Monégasques, j’étais à court de compétition et de rythme à l’occasion de mon arrivée là-bas. Je ne suis entré dans le vif du sujet qu’au moment où l’Anglais a été remplacé par Litti. Celui-ci a tenu 6 semaines à peine entre le début février et la mi-mars avant de devoir céder sa place à l’homme toujours en place. Comme l’équipe était en mauvaise posture, Magath avait décidé de réduire l’effectif à 18 éléments pour sauver ce qui pouvait l’être. Une fois encore, on a travesti la vérité à mon propos, en affirmant que je n’avais pas le niveau. Je n’ai jamais vu un journaliste belge à Wolfsburg, alors qui peut émettre un jugement pareil ? La vérité, c’est que je n’avais pas la tête au football. Mon épouse venait de mettre au monde un enfant prématuré, et toutes mes pensées allaient à lui. David était né après une grossesse de 6 mois à peine et son état de santé inspirait des inquiétudes. Heureusement, tout s’est normalisé.

Avec le recul, que retiens-tu de ces deux échecs ?

Le plus important, c’est d’arriver dans le bon club au bon moment. Ce qui ne s’est vérifié pour moi ni à Monaco ni à Wolfsburg, puisque les deux étaient sur la pente descendante. Pour autant, je n’ai pas le sentiment d’avoir perdu tout à fait mon temps. Dans un cas comme dans l’autre, j’ai eu l’opportunité de jouer et de m’entraîner avec des noms. Je songe à Daniel Niculae ou Diego Perez à Monaco ou à Grafite et Diego à Wolfsburg. Je reste persuadé que j’aurais pu faire mon trou en Ligue 1 ou en Bundesliga si j’avais pu bénéficier d’un contexte un peu plus favorable. Qui sait, je pourrai peut-être le prouver un jour ? Quand je serai arrivé au terme de mon contrat à Anderlecht, je n’aurai jamais que 28 ou 29 ans.

 » Jova et moi sommes faits pour jouer ensemble « 

En quittant la Belgique l’année passée, tu avais juré tes grands dieux de ne pas y revenir. Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ?

D’une part, j’avais l’impression d’avoir vécu l’essentiel avec le Standard. De l’autre, j’étais déçu par le manque de considération pour moi qui s’était traduit par une 6e place au Soulier d’Or en 2008 et une 4e au Soulier d’Ebène l’année suivante. Si je l’avais réellement voulu, j’aurais pu tenter une nouvelle aventure à l’étranger, car les offres ne manquaient pas. Mais après cette année sans, je voulais relancer la machine. Et le meilleur moyen d’y parvenir était de me retremper dans un environnement familier. C’est pourquoi j’ai privilégié la piste du Sporting.

Où tu as été accueilli à bras ouverts par la direction.

La transition aura été énorme. A Monaco, l’ambiance était vraiment feutrée. A Wolfsburg, les gens étaient distants. Ici, la chaleur est présente partout. Du préposé au terrain jusqu’au président, en passant par Herman Van Holsbeeck, tout le monde a tenu à me serrer dans les bras à mon retour. Tu ne peux pas savoir à quel point ça me booste. C’est très simple : je veux le titre avec Anderlecht, dès cette saison. Avec la perspective de flamber en Ligue des Champions la saison prochaine.

Jovanovic a déclaré récemment à ton propos :  » Je ne passerais pas mes vacances avec Dieu mais, sur le terrain, je n’ai pas envie de me passer de lui. « 

La réciproque est vraie. Je ne me vois pas meubler l’intersaison avec lui, dans la mesure où nos goûts sont complètement différents. Mais sur le plan du football, nous sommes sur la même longueur d’onde. J’ai côtoyé pas mal d’excellents joueurs jusqu’ici, mais Jova c’est le meilleur. Nous sommes faits pour jouer ensemble.

Tu as gardé le 25, qui était déjà ton numéro à Wolfsburg. Tu n’es pas superstitieux ?

J’ai foi en mes qualités. Le 25 ne réfère pas à un échec mais à mon âge. Mes plus belles années sont encore à venir.

Que t’inspire le Sporting ?

Il n’y a pas à dire, il a de la gueule. Avec Jova, Vargas, Suarez et Legear entre autres, plus Biglia en soutien, j’ai la nette impression qu’on va se régaler devant. Je me sens prêt et j’ai hâte de commencer.

PAR BRUNO GOVERS – PHOTOS: REPORTERS/ VAN DER HASSELT

 » Le public devrait en vouloir à Vercauteren, pas à moi. « 

 » La différence entre un Européen et un Africain ? Un Européen a une montre tandis qu’un Africain a le temps (il rit). « 

 » Je n’avais pas la tête au foot à Wolfsburg car mon fils, prématuré, se battait alors pour rester en vie. « 

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