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 » Je ne suis pas le type hautain qu’on croit « 

Démoli en Belgique la saison dernière, Bjorn Engels revit en Ligue des Champions avec l’Olympiacos.  » Je progresse et je l’ai confirmé face au PAOK, à la Juventus ou à Barcelone « , dit-il.  » J’envisage à nouveau l’avenir avec optimisme.  »

C’est le jour de Belgique – Japon que nous rencontrons Bjorn Engels dans un restaurant au pied de l’Acropole mais l’équipe nationale, ce n’est pas son sujet de conversation favori.

BJORN ENGELS : En fait, ça ne m’intéresse pas du tout. Selon moi, j’ai très peu de chances d’aller à la Coupe du monde. On verra bien ce qui arrivera mais l’équipe nationale, ce n’est pas mon plus grand rêve. À Bruges, déjà, je donnais toujours priorité à mon club. J’ai même choisi de disputer le match du titre contre Anderlecht avec une infiltration tellement ma déchirure à l’aine me faisait souffrir. Du coup, la blessure s’est aggravée et je n’ai pas pu participer à l’EURO en France.

Après l’EURO, vous nous avez dit :  » Aller en France, ça aurait été fantastique et, avec le recul, je me dis que j’y aurais même eu ma chance. Mais je suis réaliste : c’est peut-être trop tôt. Je pense que je dois encore progresser.  » Où en êtes-vous, un an et demi plus tard ?

ENGELS : Je ne peux pas rivaliser avec des garçons comme Kompany, Alderweireld ou Vertonghen. Ils sont bien plus avancés que moi. Le plus important, c’est que je confirme ici. Je sens que je retrouve mon niveau et c’est ce que je voulais. Lorsque je suis arrivé ici, je n’étais pas encore à 100 % mais face au PAOK, à la Juventus ou à Barcelone, j’ai confirmé que je progressais. Je me sens bien et j’envisage à nouveau l’avenir avec optimisme.

Vous veniez à peine d’arriver lorsque Besnik Hasi a été limogé. Or, c’est lui qui vous avait fait venir, tout comme Vadis Odjidja, Silvio Proto, Guillaume Gillet et Mehdi Carcela.

ENGELS : C’est dommage et, selon moi, c’était injustifié mais manifestement, c’est comme ça que ça marche ici. La saison dernière, l’Olympiacos a consommé quatre entraîneurs. Je me sentais bien sous la direction de Besnik Hasi et son préparateur physique, Steven Vanharen, est excellent. Mais on sait que ce sont des choses qui arrivent. Il nous appartient dès lors de trouver la faille lors de chaque match car la plupart des équipes que nous affrontons bétonnent. Les Grecs savent défendre. Il y a plus de duels qu’en Belgique et on a parfois affaire à des crapules qui, même quand le ballon n’est plus là, vous donnent encore un coup. Mais jusqu’ici, je n’ai pas trop à me plaindre. Pourvu que ça dure ! Face à la Juventus, on m’a quand même appliqué six points de suture à la lèvre après un duel aérien avec Chiellini et Sandro. On ne méritait pas de perdre là-bas mais notre meilleur résultat, c’est bien entendu le match nul face à Barcelone. Il y avait cinq ans que le Barça n’était plus resté muet dans un match de poule de Ligue des Champions. Avant le match, Silvio m’a dit :  » J’espère ne pas en prendre cinq  » mais on a très bien joué, on était bien en place et on a beaucoup travaillé l’un pour l’autre. J’étais content de mon match. Le danger, avec le Barça, ce sont les ballons entre les lignes mais j’en ai intercepté quelques-uns grâce à des tacles opportuns. C’est l’un des points culminants de ma carrière. Après la blessure au genou qui, il y a deux ans, m’a écarté des terrains pendant plus d’un an et m’a fait craindre pour la suite de ma carrière, jouer contre des attaquants comme Dybala, Mandzukic, Costa, Higuain, Messi ou Suarez, c’était le rêve. Tout simplement fantastique.

Ça doit vous faire plaisir après les problèmes que vous avez connus à Bruges la saison dernière et au début de cette saison.

ENGELS : Tout à fait. D’autant que certaines personnes ont considéré mon transfert à l’Olympiacos comme un pas en arrière parce que j’avais dit que je rêvais de jouer en Angleterre. La saison dernière, à chaque mauvais match, on me ressortait cette déclaration. C’était too much. Je n’étais qu’un jeune joueur et on me faisait passer pour un type hautain parce que j’avais osé dire que mon rêve, c’était la Premier League. Toute l’équipe jouait mal mais c’était moi qu’on pointait du doigt, qu’on jugeait sur cette déclaration. Qu’aurais-je dû répondre quand on m’avait interrogé au sujet de mes ambitions ? Que je voulais jouer toute ma vie en Belgique ? Je n’avais pas le droit de vouloir progresser ?

Fin juillet 2016, dans Sport/Foot Magazine, vous disiez :  » Je pense qu’un transfert en Premier League ou le fait de disputer la Ligue des Champions avec Bruges peuvent m’aider à franchir un palier.  » Vous déclariez aussi qu’en Angleterre, vous préféreriez aller dans un club qui ne fasse pas partie du top 8.

ENGELS : C’est bien la preuve que j’étais réaliste. Je n’avais d’ailleurs pas dit ça comme ça : à ce moment-là, un club était intéressé et avait même fait une offre : environ le double du prix pour lequel le Club m’a vendu l’été dernier.

Quinze millions ?

ENGELS : Oui mais ça n’a jamais été publié, parce que je ne suis pas comme ça. D’ailleurs, je ne vous dirai pas de quel club il s’agissait mais je voulais absolument y aller. D’autant que je savais que c’était bon pour Bruges aussi car je ne pense pas que beaucoup de clubs belges aient déjà touché 15 millions d’euros pour un défenseur. C’est pourquoi j’ai mis la pression sur la direction. Mais j’ai continué à m’entraîner alors que, dans un cas pareil, certains joueurs ne viennent plus au club, comme Trebel, ou qu’ils menacent de faire appel à la Loi de 78, quand ils ne rentrent pas carrément dans leur pays. Bruges n’a pas voulu me laisser partir en raison de la Ligue des Champions et il a brisé mon rêve. Ça m’a poursuivi pendant très longtemps puis, à la mi-septembre, je me suis blessé à l’épaule contre Leicester et je peux vous assurer que c’était grave. Tout était déchiré, je n’avais jamais autant souffert. Quand je suis revenu, j’avais peur d’aller au duel, ce qui n’avait pas été le cas après ma blessure au genou. J’ai connu des moments très difficiles et avec tout ce qui a été écrit à mon sujet à l’époque, je pourrais écrire un livre. Après le match de PO1 contre Anderlecht, Aad de Mos m’a démoli. Il est vrai que j’avais été mauvais ce jour-là et que j’étais en partie responsable de la défaite. Mais personne n’avait bien joué. Le capitaine actuel du Club avait été exclu et nous avait laissé dans la mouise. Mais celui qu’on pointait du doigt, c’était moi.

 » Ceux qui me connaissent savent que je suis sobre et réaliste  »

Même Gert Verheyen a dit :  » En jouant de la sorte, Bjorn Engels n’est même plus suffisamment fort pour le Club Bruges. Alors, il ferait mieux de ne pas crier trop fort qu’il rêve de jouer plus haut.  »

ENGELS : Ça aussi, ça m’a fait mal. Surtout que ça venait d’une icône du club, un consultant que j’apprécie. Je ne sais pas pourquoi il m’a attaqué personnellement ni par qui il avait été influencé mais j’ai trouvé ça très bizarre. J’avais dit que j’aimerais évoluer un jour en Angleterre et on a retiré cette phrase de son contexte, on l’a mise en évidence et tout le monde l’a reprise. Je trouvais étrange qu’on m’accorde aussi peu de crédit, surtout après une blessure aussi grave. Ça a été une période très dure pour ma famille et mes proches aussi. L’image qu’on leur donnait de moi ne correspondait pas à la réalité et ça leur faisait mal car ceux qui me connaissent savent que je suis sobre et réaliste.

Lior Refaelov nous avait dit :  » Le jour où Bjorn mettra de l’ordre dans sa tête, ce sera un grand joueur, titulaire en équipe nationale. Mais parfois, il réfléchit trop. Il doit comprendre que, dans la vie, il y a des moments difficiles. Lui, il baisse trop vite les bras quand ça arrive.  »

ENGELS : Il a sans doute vu ma tête quand tout ça m’est tombé dessus. Je pense qu’il n’était pas anormal que je sois découragé et mal dans ma peau. Mais c’est vrai que je réfléchis trop, que je prends les choses trop à coeur. Je veux être parfait et quand ce n’est pas le cas, je suis déçu. C’est dans ma nature : je veux toujours faire le mieux possible. Ma femme le dit aussi :  » Avec toi, c’est noir ou c’est blanc, jamais gris.  » Je suis un perfectionniste et ce n’est pas toujours facile. Je revois plusieurs fois les images de mes matches, surtout les mauvaises phases. J’y passe parfois la nuit.

Est-ce que vous ne risquez pas de déprimer encore plus en faisant ça ?

ENGELS : Je veux voir où je peux progresser et savoir si je suis coupable ou non. J’essaie de faire mieux à tous les niveaux : en matière d’alimentation, je me fais conseiller par Céline Castelain de KPNI Foodie. Ma copine a même pris des cours de cuisine chez elle et nous sommes en contact avec elle toutes les semaines par Whatsapp. Est-ce que ça fait de moi un type hautain ?

Que vous apporte Rudy Heylen, votre coach mental ?

ENGELS : Quand je suis trop négatif, il m’aide à être plus positif. Il m’a aussi fait comprendre qu’on ne peut pas être très mauvais un jour et excellent la semaine suivante : il y a des étapes à franchir, il faut se fixer des objectifs intermédiaires. Ça m’a beaucoup aidé ces dernières années.

 » Ceux qui rigolent de l’Olympiacos devraient venir jeter un coup d’oeil ici  »

Que s’est-il passé exactement cette saison lors de la préparation avec le Club Bruges ?

ENGELS : Je m’entraînais mais je n’étais pas repris pour les matches amicaux. Parfois, le nouvel entraîneur m’interdisait même de participer aux entraînements collectifs. Dans les journaux, on semblait dire que je ne voulais pas jouer parce que j’avais peur de me blesser et de compromettre un transfert mais ce n’était pas vrai : je voulais jouer pour attraper le rythme car, que je parte ou que je reste, je voulais être prêt. Puis soudain, lorsque Poulain s’est blessé, j’ai pu m’entraîner et j’ai même dû jouer en Coupe d’Europe alors que je n’avais pas eu de véritable préparation. Lors du stage aux Pays-Bas, je n’avais pas joué une seule minute : comment pouvais-je être prêt ? Heureusement, c’était l’époque où je suis devenu papa. Ça m’a aidé à rester calme lorsque je voyais que je n’étais pas repris pour les matches. Je rentrais chez moi, je prenais Jack dans les bras et j’oubliais tout ça. Puis je suis parti à l’Olympiacos et tout le monde a rigolé. Qu’ils viennent jeter un oeil ici. À part l’Aspire Academy au Qatar, je n’avais jamais vu un centre d’entraînement comme celui-ci. Avant de signer, on m’a examiné sous toutes les coutures. Là, j’ai ouvert les yeux : c’est un grand club, à tous les niveaux. Je m’y sens bien, ma famille est heureuse et, sportivement, je progresse. Ça ouvre des perspectives pour l’avenir.

Comment s’est passé votre départ de Bruges ?

ENGELS : Il n’y a pas eu d’adieux. Je devais être tôt le matin a l’aéroport et, lorsque je suis venu vider mon armoire, il n’y avait encore personne au club.

Le président et le manager vous ont souhaité bonne chance ? Vous êtes quand même un jeune du cru, vous avez participé à la conquête du titre après onze ans de disette et vous avez rapporté 7 millions d’euros.

ENGELS : Hélas, ça ne s’est pas très bien terminé. Dommage pour tout le monde qu’on ne m’ait pas laissé partir un an plus tôt.

La presse grecque est convaincue que vous ne resterez pas longtemps à l’Olympiacos. Comment voyez-vous votre avenir ?

ENGELS : (il rit) Ne comptez plus sur moi pour parler de mes ambitions, sans quoi d’autres médias vont retirer ça de son contexte, faire un gros titre et me faire passer pour un clown. Donc, je veux rester toute ma vie à l’Olympiacos ou rentrer en Belgique. Voilà.

par Christian Vandenabeele à Athènes – photos Belgaimage

 » L’équipe nationale, ce n’est pas mon plus grand rêve.  » Bjorn Engels

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