» JE NE SUIS PAS LA BELLE-MÈRE DE BRUGES « 

Porter le brassard est un honneur, diriger l’équipe son job et saluer le public un devoir : une équipe n’a qu’un capitaine. Il y a des exemples mythiques : Franz Beckenbauer au Bayern, Franco Baresi à l’AC Milan ou encore Carles Puyol à Barcelone. La légende du capitaine fait son chemin en Belgique. Première partie de notre série  » Le Capitaine « , Timmy Simons.

Un détail futile laisse immédiatement deviner qui porte la culotte à Bruges. Ce détail apparaît à chaque match du Club. Il est si manifeste qu’on ne le voit plus. C’est la poignée de main. La manière dont Timmy Simons approche quelqu’un. Que ce soit dans le rond central, avec l’arbitre et l’adversaire ou maintenant, à la sortie du vestiaire, Simons se dirige vers vous, se penche légèrement en avant, ouvre sa paume droite et vous la tend, avant de serrer fermement votre main.  » Bonjour, je suis Timmy.  » Le leader du Club estime cette poignée de main très importante. Elle lui permet de prendre la mesure de quelqu’un.  » Tout en montrant comment je suis.  »

Vous êtes très présent. Depuis trois ans, sur trois photos importantes. La victoire en Coupe, le titre et récemment la supercoupe. Le retour de l’ancien capitaine a ramené le Sweat andGlory à Bruges.

TIMMY SIMONS : Les photos avec le trophée sont un chouette plus mais elles donnent une fausse image. On y voit un capitaine qui rit en soulevant un trophée mais un capitaine a bien plus de responsabilités que celle de poser avec une coupe. La médaille a son revers.

C’est-à-dire ?

SIMONS : Je suis le relais de l’entraîneur, le porte-parole des joueurs et le leader sur le terrain. Il ne faut pas sous-estimer ces tâches mais je m’en acquitte avec plaisir. J’aime vraiment enfiler ce brassard.

Quelle est la principale tâche d’un capitaine ?

SIMONS : Souder le groupe. C’est la plus difficile. Il y a parfois trente joueurs, aux personnalités différentes, qui doivent fonctionner un an ensemble et être unis. Or, il n’y en a que onze qui jouent. Les autres sont déçus. La responsabilité n’incombe pas à moi seul, naturellement. Le staff technique, médical, le team manager, tout le monde oeuvre à l’unité.

Un capitaine a besoin d’un large soutien. Vous l’avez eu d’emblée. A votre retour de Nuremberg, chaque joueur a dû établir son top trois des capitaines possibles et vous avez obtenu la majorité des suffrages. Pour parler en termes politiques, vous être devenu Premier avec une large majorité.

SIMONS : En effet et cette confiance m’a fait plaisir. Je n’ai pas été nommé sur décision des entraîneurs ni sur base de mon âge ou du nombre de matches. C’était le choix du noyau. J’ai donc débuté dans d’excellentes conditions.

Sans lobbying ni  » discussions bilatérales  » ?

SIMONS : Pas du tout. Je n’en avais aucune envie, d’ailleurs.

LEADING BY EXAMPLE

La situation était très différente lors de votre premier passage. Vous avez obtenu le brassard suite à un conflit entre Gert Verheyen et Trond Sollied.

SIMONS : C’était une situation étrange. J’étais arrivé à Bruges de Diest, dans la camionnette de mon père. Je suis entré dans le vestiaire et j’y ai découvert des noms comme Gert Verheyen, Sven Vermant et Danny Verlinden, qui regorgeaient d’expérience. Donc, au début, je me suis tu. Au fil du temps, Sollied et Verheyen, le capitaine, sont entrés en conflit. Danny Verlinden a joué les négociateurs et a repris la tâche de Verheyen, en sa qualité de vieux serviteur mais ensuite, Sollied a voulu me confier le brassard. Pour préserver la paix, Danny est resté capitaine un an de plus. J’ai donc pu me préparer à ce poste, comme stagiaire, en quelque sorte. J’ai beaucoup appris, en voyant comment Verlinden et Verheyen géraient les conflits. Franky Van der Elst est mon exemple aussi. Quand intervenir ? Pourquoi ? J’étais prêt le moment venu.

On naît leader ou on grandit dans ce rôle ?

SIMONS : Je ne sais pas et ça ne m’a jamais préoccupé. Est-ce que j’étais un leader pendant l’enfance ? Non mais mon comportement m’a poussé dans ce rôle. J’ai toujours été à l’heure. Toujours présent, toujours motivé. Leading by example. Je ne suis pas capable de réaliser des trucs incroyables comme d’autres joueurs de l’équipe mais je suis toujours là et je me comporte bien.

Vous étiez capitaine en équipes d’âge de Diest ?

SIMONS : Oui mais malheureusement pas grâce à mes qualités footballistiques.

Délégué de classe à l’école ?

SIMONS : Non. Je n’étais pas fait pour l’école.

Et en amour non plus, hein ?

SIMONS : Pardon ?

C’est Davy Gilles, des Romeos, qui vous a poussé. Vous étiez encore un suiveur, pas un leader.

SIMONS : Euh, pardon ?

Vous étiez dans un bois à Rillaar avec votre première amourette. Davy Gilles était un peu plus loin, lui aussi avec sa copine. Il vous a crié :  » Tu n’oses pas l’embrasser, Timmy !  » Vous avez alors montré que vous n’aviez pas peur et vous l’avez embrassée.

SIMONS : Ha ha. Je ne confirme ni ne démens. Davy Gilles était beaucoup plus avancé que moi en la matière.

Donc vous confirmez.

SIMONS : Euh, oui. Autre question.

L’IMPORTANCE DE VORMER ET CLAUDEMIR

Retour au Club. Vous avez besoin de vice-Premiers, des hommes qui tiennent tout le terrain à l’oeil.

SIMONS : Pour le moment, ce sont surtout Ruud Vormer et Claudemir. Nous sommes en contact étroit. Ils sont proches des différents groupes de l’équipe et en préservent l’unité. Je ne pourrais pas bien faire mon job sans eux. Vormer et Claudemir sont très importants. Il y a quelques autres joueurs comme eux. Ils font aussi partie du conseil des joueurs qui négocie les primes avec la direction. Jusqu’à l’année dernière, Thomas Meunier en faisait aussi partie. Il faut aussi impliquer des jeunes.

La langue joue-t-elle un rôle important dans l’unité d’une équipe ? On remarque souvent qu’il y a des clans en fonction de la langue, de la culture ou de la nationalité. Lors de votre premier séjour au Club, Gert Verheyen et vous avez suivi des cours d’espagnol. C’était pour pouvoir parler aux joueurs hispanophones ?

SIMONS : Ce n’était pas l’objectif initial. Je pensais ouvrir un restaurant ou un café en Espagne, près de Benidorm, où nous allions en vacances avant. J’ai compris l’utilité de cette langue après. Ça me permettait de mieux communiquer avec quelqu’un comme Andres Mendoza, par exemple.

Et de mieux tenir le joueur ?

SIMONS : Ce n’était pas facile dans le cas de Mendoza !

Vous allez parfois jouer aux cartes avec les autres contre votre gré, juste pour voir comment le groupe vit ?

SIMONS : Non. Encore qu’il m’arrive de me joindre à eux mais grâce à Vormer et à Claudemir, je suis au courant. Claudemir est proche des hispanophones.

Ces infos restent au sein du groupe ?

SIMONS : Absolument. Je suis discret mais ça ne vous étonnera pas. Les infos délicates restent entre nous, elles ne sont pas transmises automatiquement au coach ou à la direction.

Donc vous êtes davantage le protecteur des joueurs que le relais de l’entraîneur ?

SIMONS : Oui. Je représente les joueurs, personne d’autre. Dans les négociations, je suis dur. Je suis joueur, pas dirigeant.

Et tactiquement ? Vous transmettez aux joueurs ce que Preud’homme vous souffle ?

SIMONS : Le coach ne parle pas tactique avec le seul capitaine. Il en parle à différents joueurs. Je remarque vite où il veut en venir pendant la préparation d’un match. Surtout Preud’homme. Il a posé des bases tactiques si solides que les discussions éventuelles portent sur des détails, des nuances, pas sur le concept.

Les jeunes de l’équipe vous appellent-ils toujours  » le vieux  » ?

SIMONS : Oui et je peux difficilement nier ce titre. 22 ans me séparent des joueurs de 18 ans. Ils pourraient être mes fils.

Ils écoutent Drake et Kendrick Lamar. Vous êtes ami avec Davy Gilles, des Romeos.

SIMONS : Mais on parle de football. Nous avons le même job. Nos jeunes sont raisonnables. Ils comprennent vite. Je les teste quand même quand ils intègrent le noyau A. Je les bouscule un peu à l’entraînement. Ça ne peut pas faire de tort. Je vois ainsi ce qu’ils ont dans le ventre.

Vous êtes un capitaine à l’ancienne. Vous ne jouez jamais avec une infiltration, vous avez longtemps mangé du pigeon avant un match et en sortant d’un restaurant, vous rentrez en courant pour éliminer les calories. Quels conseils donnez-vous aux jeunes ?

SIMONS : Il ne faut surtout pas les prendre par la main ! Un capitaine n’est pas responsable de tout. Il y a assez de personnes qui s’y connaissent en diététique au club. Je ne suis pas la belle-mère de l’équipe. Je ne me mêle pas de tout.

UN SEUL RETARD

Vous établissez le règlement pour l’équipe ?

SIMONS : Nous suivons des règles non écrites. Celui qui arrive en retard est puni.

Vous avez déjà été sanctionné ?

SIMONS : Une seule fois. Je suis arrivé avec deux minutes de retard à l’entraînement au PSV et c’était un cas de force majeure. Il neigeait. En arrivant, j’ai payé tout de suite, pour qu’on ne m’embête pas. Entrer, payer, accepter. Force majeure ou pas. Un match commence à 20 heures, pas à 20h05. C’est une question de mentalité. Il suffit de partir plus tôt. Un joueur n’a pas besoin d’une voiture de sport pour être ponctuel.

Il vous est déjà arrivé d’enfreindre les règles ?

SIMONS : : Soyez tranquille : j’ai été jeune aussi et j’ai parfois fait des choses limites.

Comme boire beaucoup ?

SIMONS : Je ne vais pas tout raconter mais j’ai parfois fait des choses qui ne sont plus permises, je pense.

Celui qui ne respecte pas la hiérarchie est aussi puni ? L’année passée, Abdoulay Diaby a voulu se charger d’un penalty alors que Lior Reafelov avait été désigné. On aurait dit que toutes les caméras étaient braquées sur vous. Que s’est-il passé ensuite dans le vestiaire ?

SIMONS : Je ne le dirai pas. J’aime la discrétion, comme le savent les joueurs.

Vous avez quand même engueulé Diaby ?

SIMONS : J’ai été assez direct.

En aparté ou devant tout le groupe ?

SIMONS : En aparté. On discute ce genre de choses tout de suite, pour faire table rase et éviter les rancunes. Mais le joueur concerné doit en tirer des leçons.

Vous êtes un capitaine sévère ?

SIMONS : Je ne crie pas, je n’insulte pas mais ça ne veut pas dire que je n’ai pas d’autorité. Il y a différents courants. Le calme de Phillip Cocu au PSV me plaisait bien. Raphael Schäfer était capitaine à Nuremberg et il volait dans les plumes des autres. Si ça ne marchait pas, il allait à la confrontation. Schäfer était très exigeant. Je suis calme. Davantage que durant mon premier passage au Club. Je ne m’énerve plus à propos de détails.

Vous avez grandi dans votre rôle. Mais vous vous êtes étonné de la nonchalance de Kompany en équipe nationale et Philippe Clement l’a critiquée dans la presse aussi.

SIMONS : Kompany avait été critiqué parce qu’il se présentait avec le mauvais sac à dos ou qu’il oubliait sa cravate. Il serait dommage de classer Vincent sur base de son comportement extra sportif. Je l’avais dit à l’époque. Regardez où il est maintenant. Le fait que les gens reviennent encore là-dessus montre qu’on n’a pas beaucoup de trucs de ce genre à raconter à mon sujet.

Dernière question. Vous auriez confié le brassard à Eden Hazard à l’EURO ?

SIMONS : Oui, certainement. Il est aussi un modèle de leading by example. Il est jouette en dehors du terrain mais il sait très bien ce qu’il veut. Il a déjà beaucoup gagné. Son CV force le respect.

PAR MATTHIAS M.R. DECLERCQ – PHOTOS BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

 » Je ne crie pas, je n’insulte pas mais ça ne veut pas dire que je n’ai pas d’autorité « . – TIMMY SIMONS

 » Je teste les jeunes quand ils intègrent le noyau A. Je les bouscule un peu à l’entraînement. Ça ne peut pas faire de tort « . – TIMMY SIMONS

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