« Je ne suis pas fini ! »

Pourquoi le grand Franco-Congolais n’est plus considéré à Sclessin.

Il y a un an, Ali Lukunku revenait au Standard. Pour rien,… ou presque en comparaison avec ce qu’il avait pu gagner auparavant. Son seul but était de se refaire une santé, de prouver qu’après des tas d’ennuis et deux ans d’absence (suspension pour dopage, grosse intervention chirurgicale au genou), il pouvait encore évoluer au plus haut niveau de notre football.

Pari gagnant : après qu’il ait inscrit sept buts, le Standard décidait de lever l’option sur un an de contrat supplémentaire. Aujourd’hui, Lukunku doit cependant se contenter de bribes de matches et pour l’instant il est blessé. Il est de plus en plus clair qu’il quittera Sclessin à la trêve. Pas pour n’importe où, cependant.  » Récemment, un agent m’a proposé l’aventure en Chine. J’ai dit non tout de suite : ils sont petits, rapides et pas démocrates. En plus, je ne comprends rien « .

Lorsqu’Ali nous avait rejoints à la salle d’interview de l’Académie Robert Louis-Dreyfus, il venait juste de se blesser à l’entraînement. Une élongation à la cuisse qui le tient éloigné des terrains pour quelques semaines. Mais il en fallait beaucoup plus pour lui faire perdre le sourire :  » Avec tout ce qui m’est arrivé, je suis blindé. Avant, je ne rigolais jamais trop à l’entraînement. Maintenant, j’aime bien mettre l’ambiance. C’est bien simple, quand je me suis blessé lors d’une frappe au but, tout le monde a cru que je déconnais « .

Lukunku se disait que sa blessure ne tombait pas à un trop mauvais moment. En principe, il sera rétabli à temps pour la préparation hivernale, ces séances qu’il a si souvent détestées mais dont il comprend aujourd’hui l’utilité. La seule chose qu’il ne savait pas encore, c’est s’il la fera avec le Standard ou dans un autre club. Mais s’il le peut, il optera pour la deuxième solution…

 » Tout le monde a envie de jouer « , affirme-t-il aujourd’hui.  » Ce qui me fait le plus mal, c’est qu’en mars, juste avant que le Standard ne lève l’option, j’avais été contacté par une très bonne équipe du championnat de Belgique qui voulait m’offrir 3 ans de contrat. Honnêtement, je ne pouvais pas refuser cette option car le Standard avait été formidable avec moi. Pas seulement le club, mais les personnes. Luciano d’Onofrio a toujours pris de mes nouvelles, même à propos de ma mère. Ce sont des choses que je n’oublie pas et qui font que je suis attaché au Standard plus qu’à un autre club. Mais ce qui est dommage, c’est que j’ai très vite compris que je ne jouerai pas beaucoup « .

Par la suite, Saint-Trond, Belenenses et un club qatari vinrent aux nouvelles.  » Saint-Trond, c’était hors de question « , insiste Lukunku.  » De plus, nous allions avoir la préparation et nous partions tous sur un pied d’égalité. Le Qatar j’ai dit non aussi, plutôt pour des raisons personnelles : au cours de ma rééducation, je n’ai pas vu beaucoup grandir ma fille de quatre ans. Aujourd’hui, je me dis que j’aurais peut-être bien fait d’y aller. Mais je voulais confirmer dans un bon championnat que j’étais bien revenu dans le coup. Belenenses, c’était intéressant mais il y a eu des fuites. Je ne sais pas si c’est cela qui a fait capoter l’affaire mais je n’ai plus rien entendu « .

 » Je suis bien obligé de faire mon boulot… « 

A ce moment-là déjà, il avait senti qu’il ne jouerait guère à Sclessin :  » Si des clubs m’appelaient, c’est qu’ils avaient eu l’autorisation du Standard de le faire « .

Lukunku ne réclame rien. Au contraire, il est le premier à louer les qualités du trio Milan JovanovicIgor de Camargo-Dieumerci Mbokani :  » Ils sont sans doute meilleurs que moi. On les a un peu accusés du manque de rendement du Standard ces dernières semaines mais je trouve ça exagéré : Milan rentre de blessure, Igor et Dieumerci marquent tout de même. C’est le premier but qui tombe difficilement et ça finit par mettre la pression sur la défense. C’est pourquoi il est important d’être bien concentré et c’est peut-être là que je pourrais jouer un rôle si je jouais plus souvent : ce serait de la saine concurrence. Maintenant, il y a peu de remise en question. Comme le poste d’attaquant est celui où on peut pratiquer le plus de changements, je m’attendais tout de même à jouer un peu plus que dix minutes quand tout va bien. Que puis-je apporter dans ces conditions ? Marquer un but quand on joue aussi peu, c’est juste de la chance, un ballon qui vient bien. Comme la saison dernière contre Bruges. A part ça, il m’a toujours fallu au moins 25 minutes de temps de jeu pour marquer. La saison dernière, les titulaires avaient peur, ils savaient qu’ils avaient intérêt à rester en éveil. Et puis, ils ne sont pas à l’abri d’une blessure. L’an dernier, j’ai recommencé à jouer lorsque Jovanovic était blessé et De Camargo, suspendu « .

Même s’il s’en doutait depuis un certain temps, c’est lors du match européen contre le Zenit que le grand Ali a définitivement compris qu’il n’avait plus grand-chose à attendre de cette saison à Sclessin. Ce soir-là, alors que le Standard devait inscrire trois buts pour espérer jouer les prolongations, Michel Preud’homme tenta un coup de poker en alignant Oguchi Onyewu au centre-avant :  » Il y a quelques années, j’en aurais fait une déprime. Maintenant, je me dis qu’il y a des choses plus graves que ça dans la vie. Je me suis fait une raison. Mais il y a quelques jours, l’entraîneur est venu me dire qu’Igor et moi étions ses deux meilleurs joueurs de tête. J’aurais pu me fâcher, ça m’a plutôt fait rire. Je ne veux même pas parler de ma situation avec l’entraîneur. Que va-t-il faire ? Me donner un calmant ? Il n’y a de toute façon aucune franchise dans le milieu du foot. Alors, je fais mon boulot le mieux possible, je n’ai rien à me reprocher. Et ce n’est pas pour cela que j’exige de jouer « .

 » Travailler physiquement est même devenu un plaisir « 

Lorsqu’il est arrivé au Standard, il y a neuf ans, Lukunku a eu des difficultés à se faire accepter par le public. Sa sensibilité et sa réussite devant le but le transformèrent, en quelques mois, en superman de Sclessin. Des maillots à son nom fleurissaient aux quatre coins du stade. Aujourd’hui, à 31 ans seulement, il est retombé dans un anonymat relatif :  » Je le vis bien. Quand l’entraînement est fini, je rentre. Je ne me laisse plus tenter par le fait de lire des choses sur moi. Mais je ne suis pas non plus en train de dire que c’est fini pour moi. En juin 2006, quand je suis parti en rééducation à Cap Breton, j’ai bien cru que c’était la fin car j’avais vraiment trop mal au genou. J’étais tellement loin que j’avais tout oublié de l’ambiance d’un stade. Quand je suis monté au jeu contre Anderlecht, le bruit me faisait mal à la tête. J’ai vraiment été très surpris de marquer sept buts aussi vite. Mais honnêtement, je n’ai pas cherché à savoir pourquoi. « 

Si les différents événements ont changé Lukunku en tant qu’homme, ils l’ont aussi transformé sur le plan physique. L’épaisse carcasse qui déménageait tout sur son passage s’est transformée en un athlète beaucoup plus fin.

 » C’est vrai que j’ai séché, j’ai perdu de la masse graisseuse « , précise-t-il.  » Je fais attention à mon alimentation et, surtout, je m’entretiens bien. Avant, je détestais le vélo, par exemple. Je préférais me prélasser Place Cathédrale. Maintenant, j’en ai un à la maison et il m’arrive régulièrement d’en faire une heure après l’entraînement, au rythme de la musique. J’ai aussi une petite salle de gym avec un trampoline et une planche de proprioception. Je préfère même un bon entraînement, même physique, à ces matches d’entraînement contre des D3 ou des Promotions, qui sont dangereux. A Cap Breton, j’ai pris conscience que tout cela était important. Et puis, j’ai pris l’habitude. Pour la première fois depuis le début de ma carrière, cet été, je n’ai pas souffert pendant la période de préparation. Travailler physiquement est même devenu un plaisir. Plus on en donne à son corps, plus il en demande « .

Son jeu aussi, a changé.  » Ça, c’est un peu dû au fait que je joue moins, Et puis, j’ai cessé d’être un bourrin. Avec l’âge, on réfléchit, on fait moins de choses inutiles. Avant, les autres jouaient pour moi. Maintenant, j’essaye de jouer pour les autres. Je suis moins spectaculaire mais plus efficace « .

par patrice sintzen – photo : michel gouverneur

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