« Je ne suis pas Emile »

Il a savouré sa première titularisation chez les Diables Rouges mais demeure réaliste.

Titularisé pour la première fois chez les Diables Rouges en l’absence d’Emile Mpenza, Wesley Sonck n’a pas raté ses grands débuts. Déjà auteur d’un premier but sous la vareuse tricolore à St-Marin en juin, il a confirmé face à l’Ecosse tout le bien que Robert Waseige pensait de lui. Il s’est dépensé sans compter, a offert le premier but à Nico Van Kerckhoven et a eu droit à une double sortie sous les applaudissements en fin de match.

« Marc Wilmots venait d’être blessé à la tête », se souvient-il. « Le sang giclait et le coach fédéral s’est demandé s’il n’allait pas devoir procéder au remplacement du capitaine. Je suis donc retourné sur la pelouse pour quelques instants supplémentaires. Ce fut l’un des plus grands moments de ma jeune carrière et je l’ai pleinement savouré ».

Avec le recul, quel regard jetez-vous sur le match de mercredi passé?

Wesley Sonck: Je suis assez satisfait de ma prestation. Je n’aurais pas pu faire mieux. Il n’a manqué que la cerise sur le gâteau: un but personnel. Mais l’essentiel est que l’équipe ait gagné en ayant livré une bonne prestation collective. Les Diables Rouges ont joué intelligemment. Nous ne nous sommes pas précipités vers l’avant les yeux fermés. A une exception près, sur coup-franc, les Ecossais ne se sont jamais montrés dangereux. Le mérite en revient à notre organisation.

Par quels états d’âme êtes-vous passé depuis l’officialisation de votre titularisation, le mardi?

Je n’étais pas trop nerveux. Sur ce plan-là, je m’attendais à pire. J’ai surtout trépigné lors de la présentation des équipes, un peu trop longue à mon goût. Le Roi s’est fait présenter tous les joueurs, et avec les hymnes nationaux qui ont suivi, ce n’était pas l’idéal pour les muscles: on sort d’un bon échauffement et on doit rester dix minutes sur place. Mais, dès que le coup d’envoi a été sifflé, je n’ai songé qu’à me donner à fond.

Un très beau but

Racontez-nous le premier but…

J’ai reçu le ballon de Johan Walem. En pivotant, je me suis immédiatement aperçu qu’il y avait de l’espace entre le dernier défenseur écossais et le gardien de but. J’ai vu Nico Van Kerckhoven s’engager et j’ai transmis le ballon dans l’espace. J’ai tout de suite senti que la passe était bien calibrée. Nico l’a exploitée à la perfection. Un très beau but, tant à la construction qu’à la concrétisation.

Il y avait une telle synchronisation dans ce premier but que l’observateur étranger a pu penser que vous jouiez ensemble depuis des années, Nico Van Kerckhoven et vous. Or, vous ne vous connaissiez pratiquement pas.

Je ne connaissais pratiquement personne dans le groupe. Mais nous avons eu la chance de bénéficier de dix jours de préparation. Entre footballeurs, on sent parfois instinctivement comment il faut servir son partenaire.

Ce fut a-t-il servi de déclic? Car, jusque-là, vous étiez entré dans le match assez difficilement.

J’ai mal négocié mes deux premiers ballons, je le reconnais. J’ai reçu le premier de Nico et il a ricoché dans la mauvaise direction. J’ai touché le deuxième à la faveur d’une rentrée en touche. Il m’est parvenu à la hauteur de la tête et ce n’était pas facile d’en faire bon usage. Toute l’équipe est entrée difficilement dans le match. Nous n’étions pas bien positionnés. C’est, en fait, après le tir-fusée adressé par Marc Wilmots que tout le monde a pris la position assignée par le coach. Le véritable déclic s’est produit à ce moment-là.

Seul en pointe

Votre rôle n’était pas facile. Vous vous êtes souvent retrouvé seul en pointe.

Marc Wilmots a essayé de m’apporter son soutien en qualité de deuxième attaquant mais il avait aussi un rôle défensif à remplir. La plupart du temps, je me suis retrouvé seul au milieu de trois Ecossais. Je pense leur avoir donné pas mal de fil à retordre. J’ai d’ailleurs senti qu’ils me craignaient, car au fil du match, leur marquage s’est distancié: ils avaient peur que je leur fausse compagnie sur un brusque démarrage. C’étaient de grands gaillards pas nécessairement très rapides sur les premiers mètres. Ma vivacité plaidait en ma faveur. Robert Waseige ne m’avait pas donné de consignes particulières. Il m’a demandé de jouer mon jeu, tout simplement, en restant bien en pointe, dans l’axe central, et en essayant de conserver le ballon en attendant le soutien des milieux de terrain. Outre mon rôle offensif, j’ai essayé de gêner les défenseurs écossais dans leur relance, en les empêchant d’adresser de longs ballons vers l’avant. J’ai beaucoup couru, je me suis précipité de gauche à droite chaque fois qu’un défenseur écossais avait le ballon, alors qu’à Genk je peux me contenter de gêner l’adversaire par mon jeu de position. Il était temps de me remplacer, car j’étais sur les genoux. Si j’étais demeuré au jeu plus longtemps, j’aurais moi-même sollicité le changement. J’ai senti en effectuant mon dernier sprint que je devais puiser dans mes réserves.

Que pouvez-vous encore améliorer dans votre prestation?

Tout! Si je pouvais disputer davantage de matches de ce niveau-là, je pourrais acquérir davantage d’expérience. Si j’étais plus fort physiquement, mon rendement s’en trouverait accru également. A ce niveau-là, c’est une question de vitesse d’exécution. Ma principale satisfaction est d’avoir constaté, après dix jours d’entraînement, que j’avais les capacités pour évoluer à ce niveau. Mais je ne suis pas encore Emile Mpenza. Je demeure réaliste: je sais que, lorsqu’Emile sera rétabli, il sera titularisé. Il a plus de qualités que moi: il est plus costaud, plus rapide, évolue dans un championnat plus relevé. Mais je me tiens prêt à dépanner une nouvelle fois Robert Waseige lorsqu’il aura encore besoin de moi.

Grâce à Genk et à lui

Début juin, avant le double affrontement contre la Lettonie et St-Marin, vous vous apprêtiez à partir en vacances lorsque le téléphone avait retenti…

Cette première sélection avait constitué une surprise pour moi. Mais, dans le championnat de Belgique, il n’y a pas beaucoup d’attaquants qui entrent en ligne de compte pour l’équipe nationale. Dans la plupart des clubs, ces postes sont occupés par des étrangers. La saison dernière, j’étais le deuxième buteur belge derrière Gert Verheyen. Lorsque Gilles De Bilde aura retrouvé son meilleur niveau, il reposera sa candidature, lui aussi. Mais le choix, pour Robert Waseige, n’est pas très étendu.

Vous aviez attiré l’attention du sélectionneur alors que Genk ne tournait pas.

Oui, c’est assez rare. Il avait sans doute constaté que, moi-même, je tirais mon épingle du jeu dans un contexte difficile. Depuis janvier, j’évolue à un très bon niveau et je trouve régulièrement le chemin des filets. J’ai poursuivi sur ma lancée en ce début de saison. Je vis une période faste. Tous mes rêves sont en train de se réaliser. Lorsque j’étais gamin, j’adorais jouer au football mais je n’avais jamais pensé pouvoir devenir footballeur professionnel. J’envisageais plutôt une carrière dans l’enseignement, comme professeur d’éducation physique ou quelque chose ainsi. La D1 m’apparaissait également comme un lointain mirage. Lors de ma première saison avec le RWDM, j’ai inscrit onze buts. Aujourd’hui, je suis international. Mon objectif est de confirmer.

A qui devez-vous votre réussite actuelle?

D’abord à moi-même, car j’ai beaucoup travaillé pour arriver là: j’ai rapidement compris que le football était un moyen de réussir dans la vie et je me suis donné à fond pour y parvenir. A mon épouse également, qui me soutient à chaque instant. Mais aussi aux conseils de gens comme Marc Degryse et Franky Van der Elst qui, au GBA, m’ont beaucoup aidé. Et, actuellement, à Sef Vergoossen qui m’accorde toute sa confiance. Il est vraiment l’entraîneur dont Genk avait besoin. Son calme déteint sur le groupe et sur l’ambiance. C’est le jour et la nuit par rapport au contexte de la saison dernière. Le reste est une question de confiance.

Fort mentalement

Dans quel domaine êtes-vous plus fort qu’il y a quatre ans?

J’ai beaucoup progressé sur le plan mental. C’est la conséquence de l’expérience emmagasinée au fil des matches joués en D1. J’ai tiré les leçons des fautes que j’ai commises. Je ne suis plus le gamin impulsif d’autrefois, mon statut de père de famille m’a conféré de nouvelles responsabilités. Je conçois que je n’ai pas toujours été facile à gérer. Je suis très mauvais perdant. Pour un sportif, cela peut être considéré comme une qualité, mais c’est souvent perçu négativement par l’entourage. J’ai parfois été d’une humeur détestable, vis-à-vis de l’arbitre et de mes partenaires notamment, mais c’est mon caractère. J’ai réussi à me calmer quelque peu. J’ai compris que, lorsque l’arbitre se trompe ou qu’un partenaire m’adresse une mauvaise passe, il ne le fait pas exprès. L’erreur est humaine et la perfection n’est pas de ce monde. Je parviens dorénavant à me concentrer davantage sur mon jeu.

Qu’avez-vous programmé pour juin 2002?

(il rit) Encore rien, c’est beaucoup trop tôt! La Belgique n’est pas encore qualifiée, il faut encore prendre un point en Croatie. Quant à moi: une blessure ou une baisse de forme est vite arrivée. Mais je mentirais en prétendant que je ne songe pas à la Coupe du Monde.

Daniel Devos

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