» JE NE SUIS PAS AU MEXIQUE POUR ME LA COULER DOUCE « 

Désormais joueur de Cruz Azul, l’un des grands clubs mexicains, comment se porte le footballeur pro de l’année 2015 ? Récit des premières semaines de Victor Vazquez dans son nouvel environnement.

On avait quitté VictorVazquez sur un choc et une grosse déconvenue, à domicile, face à Anderlecht, le 20 décembre dernier (1-4). La dernière de ses prestations sous le maillot bleu et noir, qu’il a défendu avec brio pendant quatre ans. On le retrouve deux mois plus tard, très loin de l’hiver flamand, sous le soleil de Mexico, à disputer un autre choc, entre Cruz Azul, son nouvel employeur, et le puissant América, au coeur du mythique stade Azteca, cette gigantesque enceinte anoblie par l’accueil de deux finales de Coupe du Monde (1970 et 1986).

Lors de ce clasico dit  » joven « , joué devant près de 80.000 spectateurs, Vazquez, sorti à la 65e minute, n’a pas brillé, et Cruz Azul a arraché le nul sur la pelouse de son voisin (3-3). Pour l’Espagnol, il s’agissait seulement de sa deuxième titularisation en LigaMX, nom du championnat mexicain, qu’il a pris en route, la faute à un transfert qui a tardé à se concrétiser, et à une remise à niveau physique nécessaire.

Pour le footballeur pro de l’année 2015, le changement de décor ne pouvait être plus drastique. Vazquez a quitté le plat pays pour vivre désormais perché à 2240 mètres au-dessus de la mer, dans une mégalopole qui compte deux fois plus d’habitants que la Belgique, et où la circulation est si dense qu’un simple trajet domicile-travail peut prendre deux heures de temps.

Un grand écart toutefois facilement digéré par l’Espagnol.  » Je suis très heureux ici « , nous dit-il d’entrée.  » Débarquer dans un pays où l’on parle l’espagnol a évidemment facilité mon adaptation, et celle de ma famille, qui est également très contente. Depuis plusieurs mois, je n’ai pas caché que je pensais avoir tout donné pour Bruges, que j’avais besoin d’un nouveau défi et Cruz Azul me l’a offert.  »

Officiellement transféré le 9 janvier, après des négociations qui ont tourné au feuilleton de fin d’année, Vazquez a signé un contrat de trois ans avec les cementeros, surnom d’une équipe qui appartient et porte le nom des ciments Cruz Azul, une multinationale des matériaux de constructions.

Dans ce club prospère, l’Espagnol côtoie des internationaux colombiens, équatoriens, paraguayens, et mexicains. Témoin de son haut pouvoir d’achat, le club celeste avait déjà fait son marché en Europe l’an dernier en signant l’ancien du Bayern Munich, RoqueSantaCruz.

Trop souvent trahi par son corps, le Paraguayen n’avait toutefois que très peu joué, mais il touchait 300.000 euros nets par mois, le plus haut salaire de la LigaMX avant l’arrivée de l’international français, AndréPierreGignac, aux Tigres. Vazquez jure toutefois que l’argent n’a pas été sa principale motivation.

 » J’ai un bon contrat « , reconnaît-il.  » Le club a fait un effort pour moi lors des négociations, mais je ne suis vraiment pas venu pour me la couler douce, c’est le défi sportif et la perspective de faire découvrir un nouveau pays à ma famille qui m’ont attiré.  »

UN BEAU COUP

Que l’un des quatre grands clubs historiques du football mexicain (avec América, Chivas, et Pumas) signe le meilleur joueur de la dernière Jupiler League, a été considéré comme un très bon coup par la presse locale. Au sein d’un effectif qui porte beau, Vazquez n’est toutefois pas considéré comme le sauveur, et son entraîneur, TomasBoy, a pu se donner le luxe de prendre son temps avant d’en faire un titulaire.

L’ex du Club a ainsi dû patienter jusque la sixième journée de LigaMX, le 13 février, face à Querétaro, pour prendre sa place dans le onze de départ des cementeros. Face à l’ancien employeur de Ronaldinho, Cruz Azul l’a emporté (1-0) et Vazquez, aligné comme milieu gauche, a joué sur le registre qu’on lui connaissait : habileté à se glisser entre les lignes et orientation savante du jeu agrémentée de quelques pénétrations dans l’axe.

 » Boy m’utilise un peu comme MichelPreud’homme, renseigne Vazquez.  » Quand l’adversaire a la balle, je dois faire des efforts défensifs dans mon couloir, mais quand on a la possession, je suis assez libre. Physiquement, le championnat mexicain est plus faible que le belge, le pressing moins fort, j’ai donc un peu plus d’espaces, mais techniquement c’est au-dessus, tout le monde veut jouer au football, on peut dire que je prends un peu plus de plaisir.  »

Selon Vazquez, son nouvel employeur, titré huit fois nationalement, pourrait être considéré comme un équivalent mexicain du Club Bruges.  » C’est l’un des trois meilleurs clubs du pays « , assure-t-il.  » Les infrastructures sont excellentes et tout est fait pour que tu te sentes bien. C’était aussi le cas à Bruges, sauf qu’avec la barrière de la langue tout n’a pas été si facile à mes débuts, tout simplement parce que je ne comprenais pas les gens.  »

A Mexico, pour aider à son adaptation, Vazquez peut, de surcroît, compter sur l’aide de son compatriote, Marc Crosas, qui évolue depuis six mois à Cruz Azul. Ex de la Masía, comme Vazquez, ce joueur passé par l’Olympique Lyonnais a eu une influence non négligeable sur la décision finale de son compatriote.

 » Quand Cruz Azul m’a contacté, je l’ai appelé « , confirme Vazquez.  » Et il ne m’a dit que des bonnes choses du Mexique, que ce soit au niveau football ou de la vie qu’il y mène. Cela fait trois ans et demi qu’il est ici, et il compte y rester.  »

Avant de signer à Cruz Azul, Crosas, également passé par le Celtic Glasgow, a évolué dans deux autres clubs mexicains : Santos Laguna et Leones Negros.  » Marc m’a aussi dit que le style de vie se rapprochait de l’espagnol et que je devrais me plaire dans cette ambiance latino « , ajoute Vazquez.

ZONE SÉCURISÉE

Reste que, dans un pays qui fait trop souvent parler de lui pour ses tueries et autres disparitions, mieux vaut prendre ses précautions. Vazquez s’est ainsi installé dans un coquet quartier fermé, ces zones sécurisées avant tout destinées aux classes aisées, si courantes dans les agglomérations latino-américaines.

 » Evidemment, il y a plus de risque à vivre au Mexique qu’en Belgique « , consent Vazquez.  » Mais s’il y a plus d’insécurité à Mexico qu’à Bruges, c’est aussi une très jolie ville où l’on peut bien vivre.  »

Finalement, pour Vazquez, la seule réelle difficulté rencontrée dans son adaptation fut d’apprivoiser l’altitude. Dans la foulée de la signature de l’Espagnol, le préparateur physique de Cruz Azul avait ainsi déclaré que l’Ibérique devrait attendre quelques semaines avant de pouvoir disputer 90 minutes, même s’il ne souffrait d’aucun pépin physique.

Lors de ses débuts, à l’occasion de la troisième journée de LigaMX, le 23 janvier, Vazquez a ainsi dû se contenter d’une entrée en fin de match, sur le terrain de León. Trois jours plus tard, le milieu de terrain disputait bien son premier match comme titulaire, mais il ne s’agissait que d’un modeste rendez-vous de Coupe du Mexique (CopaMX), une compétition où les cadors ont coutume d’aligner leur équipe B.

En choisissant le Mexique, Vazquez a pris le grand large, mais l’objectif reste peu ou prou le même que celui qui lui était assigné à Bruges : donner un titre de champion à un poids lourd national qui n’a plus été sacré depuis trop longtemps. Depuis 1997, plus exactement. Une attente qui rendrait les supporters cementeros presque envieux de ceux du Club Bruges qui ne désespèrent, eux,  » que  » depuis onze ans.

Pour son incapacité presque rocambolesque à conclure – cinq finales perdues depuis leur dernier titre – le nouvel employeur de Vazquez est même devenu un objet de moquerie dans tout le pays d’El Chicharito. Son dernier échec, qui remonte à 2013, illustre parfaitement la poisse qui accompagne le club. Dans les arrêts de jeu, les celestes ont ainsi encaissé un but inscrit par le… gardien de l’América.

Un but synonyme de prolongations, avant une séance de tirs au but qui sera fatale aux infortunés cementeros…. Avec ce passif, plus rien n’est pardonné à Cruz Azul. Ainsi, quand le club a publié sur son site, début janvier, que Vazquez provenait du championnat de Bulgarie (!), la toile s’est déchaînée. Pour aggraver son cas, Cruz Azul a commis un autre impair le 23 janvier, jour du début de Vazquez en CopaMX, face aux Venados Merida, club de deuxième division.

Au terme de la rencontre, le car celeste a tout simplement oublié l’Espagnol et son coéquipier, Fabio Santos. Pour rentrer à la maison, Vazquez a alors été contraint d’aller prendre un taxi dans la grande avenue adjacente à l’estadio Azul, où des supporters ont profité de l’occasion pour prendre leur selfie avec la recrue-star…

LA CONQUÊTE DU MEXIQUE

Actuellement, Cruz Azul se situe au huitième rang d’un championnat semestriel, dont la saison régulière compte 17 journées et qui se conclut par une phase de play-offs (voir cadre). Alors, le milieu de terrain qui a conservé son numéro 7 fétiche, connaîtra- t-il davantage de réussite avec son employeur mexicain qu’avec son ex-belge ?

 » En fait, je crois qu’avec Bruges on a surtout manqué de chance « , estime Vazquez.  » Deux fois, on a été très proche, mais Anderlecht puis Gand ont fini par nous supplanter.  » Quoi qu’il en soit, l’Espagnol espère que cette saison sera la bonne, malgré son absence.

 » Je suis les matches du Club « , indique- t-il.  » Pour le moment, leur saison est excellente : ils sont leaders du championnat et en finale de la Coupe, je leur souhaite le meilleur.  » Après quatre ans en Belgique, Vazquez assure d’ailleurs être attaché à jamais aux Blauw en Zwart.

 » Pour moi, Bruges c’est comme le Barça, c’est ma maison « , confie- t-il.  » C’est le club qui m’a permis de décoller à un moment critique de ma carrière, je ne l’oublierai jamais.  » A 29 ans, Vazquez entame une nouvelle aventure. Sans doute la dernière de sa carrière. La conquête du Mexique.

PAR THOMAS GOUBIN À MEXICO – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Pour moi, Bruges, c’est comme le Barça : c’est ma maison.  » – VICTOR VAZQUEZ

Vazquez s’est ainsi installé dans un coquet quartier fermé, ces zones sécurisées avant tout destinées aux classes aisées.

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