« Je ne renoncerai jamais »

 » Je suis plus philosophe qu’avant mais aussi plus déterminé !  » Se laisser faire n’a jamais été le genre de la maison. Ni sur le terrain ni en dehors.

On l’attendait depuis longtemps, mais elle est enfin là, l’interview de Roger Vanden Stock. Une interview mains libres. Celle d’un dirigeant qui sait exactement où il va et qui a appris à faire le tri entre l’indispensable et l’accessoire. A quel point êtes-vous déçu des deux matches de reprise d’Anderlecht : élimination en Coupe à Malines et défaite à domicile contre le Cercle Bruges ?

Roger Vanden Stock : Déçu ? Evidemment, on le serait à moins. Surtout que les deux fois, dans notre esprit, on doit normalement gagner les matches. Surtout en championnat.

Ceci étant dit sans faire référence à des approximations arbitrales ?

Absolument. Quand je perds, je ne dis jamais que c’est à cause de l’arbitrage. Non, on a eu des occasions dans les deux matches et surtout contre le Cercle. D’ailleurs, Glen De Boeck a reconnu qu’il avait effectué un véritable hold-up au Parc Astrid. Je ne dois rien ajouter. Finalement, j’étais moins déçu par la défaite à Malines. Parce qu’il y avait des conditions qui rendaient notre mission difficile : le fait de reprendre un match après une trêve et d’avoir à faire à 11.000 spectateurs déchaînés. Très logiquement, on savait qu’on courait un risque à Malines. Et quand en plus la balle ne roule pas pour toi, tu es sorti. C’est simple.

Cette reprise vous fait-elle penser à celle de l’été passé et à cette élimination des coupes d’Europe contre Borisov ?

Des reprises qui se passent mal et on parle à nouveau de nous en termes négatifs ! Je suis étonné quand on évoque 2008 : on parle toujours de l’annus horribilis d’Anderlecht. Pourtant, nous terminons deuxièmes du championnat, gagnons la Coupe de Belgique et sommes champions d’automne. Bien sûr, nous sommes malheureusement éliminés sur le plan européen… Et voici que 2009 commence mal : nous sommes directement éliminés en Coupe, mais nous étions toujours en tête du championnat avant le match remis contre Gand et, malgré tout, on nous enfonce. Je suis toujours très étonné de ce type de commentaires…

La BD de Padr d’il y a deux semaines était bien vue ? C’est impossible pour vous de courir trois lièvres à la fois ?

Non, Anderlecht doit toujours courir trois lièvres à la fois. Toute la Belgique nous attend en championnat, en Coupe et sur le plan européen. Cela dit, on sait très bien que ce n’est jamais facile. Tout le monde parle actuellement d’un Standard exceptionnel, mais attention, le fait de jouer en Coupe de l’UEFA va lui coûter des points. Ce qui m’énerve aussi, c’est que tout le monde dit que ce Standard si exceptionnel est parti pour gagner la coupe d’Europe alors que l’an dernier, Anderlecht était éliminé en huitièmes de finale et c’était considéré comme lamentable… Je pense qu’on n’est pas jugé de la même manière. Finalement, c’est positif d’être si sérieusement critiqués. Cela nous tient éveillés.

On dit toujours que l’outsider a les faveurs du public parce qu’il est plus sympathique que le numéro un…

Pas d’accord : nous sommes outsiders, maintenant, et le Standard est favori. La saison passée, tout le monde suivait le Standard. Pas champion pendant 25 ans et tout ça. On a vu… Et en plus, on retrouve dans cette équipe toute une quantité de jeunes en même temps. C’est aussi un aspect sympathique à l’affaire… qu’on n’est pas parvenu à réaliser au Sporting. De toute manière, dès que le Standard ou le Club Bruges connaît un succès quelconque, on les compare à nous. Nous restons la référence et donc on nous critique. Mais je le répète : ça nous tient éveillés. C’est l’histoire du club qui met Anderlecht dans cette position. Pour continuer à bien faire, il faut toujours être champion une fois sur deux et passer l’hiver en coupe d’Europe.

La presse vous a reproché d’avoir d’abord dit que le Standard était favori pour le titre. Et d’affirmer ensuite qu’Anderlecht serait champion et que vous conseilliez à vos amis de parier sur les Mauves. Vous auriez vraiment changé d’avis ?

Non pas du tout : le Standard reste favori. Il va normalement garder tous ses joueurs pour le deuxième tour, à l’exception du seul Dante, mais ce n’est pas lui qui faisait la différence. Fondamentalement, le Standard garde la même équipe… mais nous serons champions. Tout simplement parce que la coupe d’Europe va lui faire perdre des points. Anderlecht n’a plus que le championnat à disputer et ne va plus perdre beaucoup de points.

Quelles mauvaises reprises !

Vous ne renoncerez donc jamais…

Bien sûr que non. Jamais. Depuis le début, je suis convaincu que le Standard est meilleur mais qu’il va perdre des points idiots. D’un autre côté, j’ai aussi dit directement que je n’aurais peur ni de Bruges ni de Genk.

Sur quoi basez-vous ces avis ?

Uniquement sur la qualité des joueurs.

Et pas sur celle des entraîneurs ?

Non, je pars toujours du principe que tous les entraîneurs sont bons. Seulement, ils sont jugés sur les résultats. Et s’ils finissent par sauter, c’est parce qu’on peut plus facilement se passer d’un entraîneur que de toute son équipe. C’est une évidence que les supporters et les gens qui ne vivent pas le club de l’intérieur ne comprennent pas. Les hommes d’affaires ne comprennent pas ça non plus. Ils disent : -Untel ne convient pas ? Dehors ! En football, ça ne se passe pas comme ça…

Anderlecht se prépare-t-il mal aux reprises ?

Parlons d’abord de Borisov. C’est vrai, on a mal évalué cette équipe qui a prouvé après nous avoir éliminés qu’elle était finalement meilleure que nous l’avions pensé. Mais ce n’est pas toujours facile de juger un club par le biais de ses matches de championnat. Sa compétition n’est pas nécessairement de bonne qualité et l’équipe joue à l’aise. Cela dit, nous aurions dû mieux cerner ses qualités. A notre décharge, nous sommes éliminés en jouant à chaque fois à dix contre onze et en encaissant un penalty inexistant pour une faute en dehors du grand rectangle. Le ballon n’a pas roulé pour nous cette fois-là non plus. Je me souviens d’ailleurs que leur gardien avait arrêté un but tout fait… de la figure !

Bref, c’était la même donne contre Malines et le Cercle… Votre équipe ne s’est-elle pas entraînée trop durement en Espagne à la trêve ? En se disant peut-être qu’elle n’était pas prête l’été dernier et que ça n’allait plus arriver ?

Quand on perd, on a toujours tort. Mais je sais une chose : si on souhaite terminer la saison en boulet de canon comme on veut le faire, cela se passe parfois aux dépens des premiers matches après la trêve. Et historiquement, si Anderlecht termine toujours ses saisons en force, il n’est jamais bon en janvier et février. Par contre, les équipes menacées qui doivent prendre des points le plus vite possible terminent complètement à plat. Cela, le grand public ne le comprendra jamais.

OK, mais le champion d’automne était quand même méconnaissable début 2009…

Oui, mais on a dû intégrer Tom De Sutter dans l’urgence et ça ne marche pas tout de suite. On rate des buts et on en prend des bêtes comme le deuxième du Cercle qui est absolument impardonnable… ou le deuxième de Malines, quand Asaré slalome sur tout son flanc. On sait que c’est le meilleur joueur de Malines mais quand même ! Le laisser faire comme ça…

Il vous intéresse ce back gauche ?

Tous les bons joueurs m’intéressent toujours. C’est une réalité… Maintenant je ne dis pas qu’on va l’engager. Surtout que le marché est hyper calme, pas florissant et qu’Anderlecht n’a pas d’argent pour l’instant. On prétend toujours que le marché se lance dès qu’un club ou l’autre amorce la pompe. Mais ce n’est sûrement pas Anderlecht qui va le faire. On est éliminé de la coupe d’Europe et de la Coupe de Belgique et on a quand même fait de gros efforts en 2008 avec les transferts de Guillaume Gillet et de De Sutter. On doit penser à la saison suivante…

Quand le club est critiqué de l’intérieur

Vous doutez actuellement de votre staff ?

Je reste toujours très longtemps derrière mon entraîneur et je ne change éventuellement qu’en toute dernière extrémité… On me le reproche d’ailleurs. Voilà ma position malgré les mauvais résultats à la reprise.

La préparation physique a-t-elle été trop intense en stage en se disant qu’on n’avait quand même pas de coupe d’Europe à jouer…

Non, il faut arrêter. Anderlecht s’entraîne toujours de la même manière en hiver. C’est traditionnel. Aucun entraîneur mauve (qui est responsable de tout son staff, je précise…) n’a jamais fait autre chose

On a l’impression que vous avez du mal à construire une équipe quand on enregistre les malheurs des Frutos, Zitka et Suarez. Anderlecht ne fait plus que réagir aux événements ?

D’abord, je dois souligner qu’on voulait De Sutter depuis longtemps. Depuis qu’on est certain que Frutos ne peut pas jouer régulièrement… On n’a pas fait le transfert de De Sutter le 15 décembre ! Au contraire, on a longuement discuté avec le Cercle et très correctement. On s’est tellement bien entendu que notre Brésilien Kanu est parti jouer là-bas pour en principe six mois. Cela dit, il y aura toujours des facteurs qu’on ne contrôle pas. Silvio Proto part et notre gardien se blesse ? OK, je pense qu’on peut faire confiance à Davy Schollen jusqu’à la fin de la saison. Quant à Frutos, on connaît son importance : quand il est là, on gagne toujours plus facilement. Peut-être qu’avec De Sutter, ça ira de la même manière, mais avec Frutos c’était sûr. Tous nos malheurs (Bate Borisov, Malines…) surviennent toujours quand notre Argentin n’est pas là.

Beaucoup de gens du club et des supporters sont fous furieux sur lui : il est toujours blessé, en perpétuelle bagarre avec le service médical et ne croit que dans son gourou, Mendoza. Mais on est presque obligé de le croire et de le suivre autrement il vous échappe. Je ne connais pas un autre joueur aussi important pour l’équipe. En plus, c’est quelqu’un de très attachant. C’est un des joueurs avec lequel j’ai le plus de contacts.

Outre les critiques de Frutos, le club a dû subir celles d’Olivier Deschacht à l’égard du stage en Espagne. Où en sont les sanctions ?

Frutos a reçu une amende sous condition suspensive de la victoire finale en championnat. Mais comme il ne va plus jouer cette saison, on ne peut pas la lui infliger. Deschacht a aussi reçu une amende et vu qu’il joue, il va la payer…

Avant la trêve, Ariel Jacobs s’est plaint de la mentalité du groupe. Comment jugez-vous la résistance mentale de vos joueurs ?

On avait encaissé des défaites contre Westerlo et Zulte Waregem mais les joueurs se sont bien repris. Seulement, nous n’avons pas un leader agressif, méchant. Nos joueurs sont trop gentils. Jan Polak pourrait jouer ce rôle mais ce n’est pas le cas ; il n’est sans doute pas apte à le faire du fait de la langue. Et Gillet est trop jeune pour le faire. Juhasz est un parfait équipier qui montre l’exemple mais qui ne sait pas secouer les autres… Il nous manque un Zetterberg qui grâce à son talent et son passé est capable de dire – Maintenant ça suffit. Voici ce qu’il faut faire ! Evidemment, on a un Deschacht qui râle et qui tempête. Mais j’ai beaucoup de compréhension pour lui : il se bat toujours. Il n’avait pas les plus grandes qualités et a souffert de son image de fils à papa. Parfois, les arbitres arrêtent des matches pour faits de racisme. Très bien, mais ils devraient faire de même quand les supporters adverses traitent Deschacht d’homo. Même les supporters d’Anderlecht sont durs avec lui, mais quand ils ont appris qu’Olivier devrait payer son amende et Frutos pas, ils ont trouvé ça injuste ! Tant mieux pour Olivier…

Le club avait pensé à Frankie Vercauteren comme directeur technique. Et puis à Pär Zetterberg. Finalement, il n’y en a toujours pas.

Je n’ai jamais parlé de ce poste de directeur technique. Anderlecht n’en a pas besoin. Tant que je suis là, on aura un entraîneur responsable du sportif et les choix de transferts seront décidés par la présidence et le directeur général, Herman Van Holsbeeck, qui fait ça très bien. Pas question, non plus, de manager à l’anglaise ici. Cela dit, on demande toujours à notre entraîneur de donner son avis sur ce qui manque dans son équipe. Après ça, il ne s’occupe plus du transfert. Il y a une organisation de recrutement en place pour ça. En Belgique, c’est la meilleure solution.

Plus de sentiments pour le Soulier d’or

Ce que vous avez vécu l’an dernier en dehors du sport (ndlr, le deuil de ses deux parents) vous a rendu plus philosophe ?

Certainement. Et plus déterminé encore. Je prends les avis des autres pour les choses qui me tiennent à c£ur, mais personne ne va m’empêcher d’entreprendre ce que je veux entreprendre. D’un côté, je pense à la qualité de la vie ; de l’autre, je veux me battre. Cela a toujours été le genre de la maison : le risque calculé.

Au même moment, le président du Club Bruges dit vouloir arrêter.

Le jour où je parlerai comme Michel D’Hooghe, je serai fini. Evidemment, son club n’a pas de résultats et il doit se sentir en faute puisqu’il en est le président. Mais ses motivations exactes, je ne les connais pas. Ce n’est plus une personne que je vois encore beaucoup…

Par contre, vous vous entendez bien avec Luciano D’Onofrio !

Oui. On est honnête l’un avec l’autre, même si on est ouvertement concurrent et qu’on en a eu gros sur la patate dans les transferts de Mémé Tchité et de Dieumerci Mbokani. Mais tout s’est toujours fait ouvertement et correctement.

Fortis sera encore votre sponsor à l’avenir ?

Je ne sais pas. Comme tout le monde, j’attends toujours l’assemblée générale du 11 février. Je n’ai aucun contact, tout est gelé pour le moment.

Pas de contact avec un autre sponsor potentiel ?

Non et je ne veux pas entendre parler de contacts pour le moment. On a cité Belgacom et Coca Cola mais je veux d’abord voir s’il existe une solution pour Fortis. Quand je suis marié pendant trente ans, je reste fidèle.

Vous n’étiez pas à la soirée du Soulier d’Or ?

Non, depuis l’année passée je n’y vais plus.

Vous l’avez suivie à la TV ?

Non plus, je n’ai plus aucun sentiment pour ce prix. Il est de plus en plus dévalué. Il n’appartient qu’à un seul journal (ndla : Het Laatste Nieuws) et une seule TV le retransmet dans le pays. C’est malheureux par rapport à l’histoire de ce prix. Enfin, c’est comme ça.

Vous trouvez le referendum du Footballeur Pro plus juste ?

Oui, parce que ce sont les joueurs qui votent et pas les journalistes en majorité ! Cela dit, cela ne m’empêchera pas de dire qu’Axel Witsel était mon favori. C’est mon type de joueur.

Vous avez trop de joueurs pour terminer la saison : est-ce une raison pour mettre fin à des contrats anticipativement ? Mettre des joueurs dans un noyau C pour les dégoûter ou quelque chose dans ce genre ?

Non, à Anderlecht on ne fait pas ça. C’est clair qu’on a trop de joueurs mais on va garder la base de notre noyau. On doit penser à la saison prochaine, on doit déjà préparer la Ligue des Champions. Michel Platini nous a bien aidés avec le nouveau règlement, hein ! Le champion de Belgique jouera directement les poules de la Ligue des Champions et le deuxième ne jouera qu’un tour pour y accéder. Tout ça est très positif par rapport aux autres années…

par john baete

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