» JE NE RENONCE JAMAIS « 

Les chemins de l’EURO sont pavés d’obstacles pour la Turquie mais elle a un guide expérimenté. Entretien avec Fatih Terim (62 ans), sélectionneur pour la troisième fois et toujours aussi motivé.

La route menant à l’EURO n’a pas été facile pour la Turquie. Elle s’est qualifiée de justesse, comme meilleure troisième. Pour assurer son voyage, elle ne pouvait pas perdre contre l’Islande, alors première de sa poule, lors de la dernière journée des qualifications. Sinon, les Pays-Bas prenaient sa place dans l’Hexagone.

Pour éviter les barrages, la Turquie devait gagner en espérant que le Kazakhstan, qui n’avait pas encore remporté le moindre match de cette poule, batte la Lettonie. Selcuk Inan a inscrit le but de la délivrance à la 89e.

Terim, qui a entamé son troisième mandat de sélectionneur le 22 août 2013, va disputer son troisième EURO à ce poste. En 1996, lors de sa première participation, la Turquie a été éliminée au premier tour. En 2008, Terim et les siens ont atteint les demi-finales. Il y a quatre ans, les Ottomans étaient absents du tournoi.

Quelle est la clef d’un bon tournoi ?

FATIH TERIM : Il faut comprendre le football turc et la mentalité des footballeurs turcs, leur imposer la discipline nécessaire.

On vous appelle souvent l’Empereur. Vous êtes vraiment le grand patron ?

TERIM : Je suis fier de ce surnom, même si je n’aspirais pas à l’obtenir. Je suis également fier d’avoir vécu quelques grands moments comme entraîneur et comme sélectionneur.

L’EURO 2008, avec une troisième place, figure parmi ces moments ?

TERIM : Oui. Il s’en est fallu de peu que nous ne créions la surprise en demi-finale contre l’Allemagne. Mais nous n’avons pas été favorisés par le sort. Nous avons été poursuivis par les blessures, au point que je n’avais plus que 14 joueurs en état de disputer cette demi-finale. Ils ont tout donné mais notre adversaire s’appelait l’Allemagne. J’ai souvent l’impression que les Allemands entament un tournoi comme des apprentis mais l’achèvent comme des professeurs.

D’AUTRES ARDA TURAN À VENIR

Vous vous sentez suffisamment armé pour obtenir un bon résultat à votre troisième tournoi européen ?

TERIM : Oui, bien que le contexte soit complètement différent. La troisième place de 2008 ne peut pas être notre plafond. Je ne pense pas que nous ayons atteint nos limites. Depuis, nous avons progressé. Les qualifications ont constitué une expérience intéressante. Nous avons appris qu’il fallait rester concentré jusqu’à la dernière seconde, à chaque match. Pendant l’EURO, mes joueurs devront conserver cette concentration pendant tout un mois, sans interruption.

Avec quel objectif ? En 1996, votre équipe n’a pas inscrit un seul but mais en 2008, elle a terminé troisième.

TERIM : La barre est placée haut mais nos possibilités ne sont pas extensibles. Nous ne pouvons aller loin qu’en travaillant et à condition que l’équipe fonctionne bien.

Comment pouvez-vous être aussi optimiste après tout le mal que vous avez éprouvé à vous qualifier ?

TERIM : Les résultats et la qualification montrent que l’équipe n’a jamais perdu son assurance ni sa foi en ses capacités. Personnellement, je ne renonce jamais et je veux transmettre cette mentalité à mes joueurs. Même si nos matches de qualification ont été difficiles, j’ai toujours cru en une issue favorable. Même si nous ne nous étions pas qualifiés via la troisième meilleure place, je suis convaincu que nous aurions réussi via les barrages.

Dans le cas contraire, vous seriez toujours en poste ?

TERIM : Je ne suis pas seulement sélectionneur mais aussi directeur technique. Une élimination aurait écorné mon crédit. Pour le reste, seule la fédération turque sait ce qui se serait passé.

On dit qu’Arda Turan est le seul footballeur de niveau international de votre sélection. Vous êtes d’accord ?

TERIM : Arda est notre star mais pas la seule. Vous allez assister, dans les années à venir, à l’éclosion d’autres talents.

LA BUNDESLIGA COMME VIVIER

Vous pouvez vous appuyer sur plusieurs footballeurs qui ont éclaté en Bundesliga.

TERIM : C’est notre richesse. La Bundesliga est animée par une autre culture du football que notre Süper Lig. Les jeunes talents se développent très bien en Allemagne et nous essayons d’en retirer un profit maximal en équipe nationale. Nous travaillons très bien en ce sens avec la fédération allemande.

Ömer Toprak, Hakan Calhanoglu et Yunus Malli ont été formés en Allemagne mais ont choisi la Turquie. Qui suivez-vous en Allemagne et comment ?

TERIM : J’ai une liste de footballeurs d’origine turque qui ont grandi à l’étranger et y jouent, pas seulement en Allemagne mais aussi en France, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suisse ou en Autriche. Nos scouts sont partout. Ils possèdent les coordonnées de tous les joueurs d’origine turque. Parfois, je me déplace moi-même pour les voir mais en général, ils sont suivis par quelqu’un d’autre.

En 2009, on vous a vivement critiqué parce que vous n’aviez pu empêcher des joueurs tels que Mesut Özil ou Serdar Tasci de préférer l’Allemagne à la Turquie. Ces critiques vous ont-elles touché ?

TERIM : Depuis, nous prenons très tôt contact avec les internationaux potentiels mais nous respectons le choix des joueurs. Ce sont eux qui décident pour quelle équipe ils vont se produire. Ce choix doit venir du coeur. Nous ne forçons personne, nous ne plaçons pas les joueurs sous pression. Et nous respectons leur choix final. Nous connaissons Özil et Tasci depuis qu’ils ont quinze ans. Ils ont opté pour l’Allemagne, ce qui était leur bon droit.

Y a-t-il parfois concertation entre fédérations, avant que les joueurs n’opèrent leur choix ?

TERIM : Il y a des contacts à ce sujet mais c’est au joueur que revient la décision finale. Depuis 1990, nous possédons une cellule développée de scouting dans toute l’Europe et nous en recueillons maintenant les fruits.

La Turquie a donc été troisième il y a huit ans. Peut-elle rééditer ce résultat maintenant ?

TERIM : Je l’ai déjà dit : nous n’allons pas en France pour terminer cinquièmes, sixièmes ou huitièmes. Nous sommes plus ambitieux. J’aimerais affronter l’Allemagne une nouvelle fois mais en finale, de préférence.

Vous serez encore en poste après ce tournoi ou vous avez envie de retravailler à l’étranger ?

TERIM : Pourquoi pas ? Mais d’abord, je veux connaître le succès avec la Turquie.

PAR HARDY HASSELBRUCH – PHOTO BELGAIMAGE

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