« Je ne pensais pas le Club aussi fort « 

Rencontre avec l’ex-portier des Diables qui a multiplié les performances avec Bruges et les déclarations choc.

Pas de Stijn Stijnen dans le but durant le petit match qui clôture l’entraînement brugeois. Il ne se trouve pas non plus avec les autres Diables Rouges du Club à Bruxelles, où l’équipe nationale va être battue de justesse par la Croatie le soir. Stijnen, qui a encore répété, de retour de Valence, qu’il ne se produirait pas pour l’équipe nationale tant qu’elle serait entraînée par Dick Advocaat, est suspendu pour le match de championnat suivant, suite à sa carte jaune à St-Trond. Geert De Vlieger doit donc s’affûter et est, lui, dans le but…

Pendant qu’on attend Stijnen, un jeune supporter interroge Adrie Koster au FCB-Café. Quand celui-ci lui demande qui est, selon lui, parmi les meilleurs gardiens de Belgique, Koster ne doit pas réfléchir longtemps :  » Stijn Stijnen est en bonne voie. Il a déjà gagné beaucoup de points pour nous. « 

Une minute plus tard, Stijnen (29 ans) entre. Sa carte jaune et ses déclarations à propos de l’équipe nationale ont fait sensation. Stijnen est étonné :  » Qu’y a-t-il de choquant dans mes propos ?  » Allait-il suivre, le soir, le match des Diables à la télévision ?  » Pourquoi pas ? J’essaie toujours de visionner le plus de matches possible en direct. « 

Qu’est-ce qui vous procure le plus de satisfactions ? Les commentaires élogieux de la presse espagnole après votre performance à Valence, alors que vous avez été éliminés, ou les critiques positives sur votre match à St-Trond ?

Stijn Stijnen : Signer une performance à Valence a plus de panache pour le monde extérieur. J’en retire de la satisfaction mais j’en ai aussi éprouvé après le match à St-Trond. Pour certains, c’est le jour et la nuit mais pour un joueur, c’est pareil.

Il y a cinq ans, la presse étrangère vous avait déjà loué. Les journaux italiens avaient été dithyrambiques quant à votre match contre la Juventus…

Cela m’avait un peu dépassé mais je sais maintenant comment ça fonctionne. Tout le monde aime être reconnu, même si l’essentiel est de plaire à son employeur.

Vous souvenez-vous encore de ces louanges après le match contre la Juventus ?

C’était un moment-clef. Je ne serais pas ici si la soirée s’était mal passée. Selon les clichés, on n’a rien à perdre lors de son premier grand match mais en réalité, c’est tout le contraire car c’est la première impression que vous laissez à votre club. C’est dans des moments pareils que vous devez vous montrer afin d’acquérir du crédit. Je le savais. Si j’avais échoué, le Club aurait pu me louer ailleurs. Gérer la pression est encore plus important pour un gardien que l’aspect technique de sa tâche. Certains trucs aident mais selon moi, c’est inné.

Un débutant est aussi dépendant des défenseurs postés devant lui

Ils ont commis quelques fautes mais j’ai bien saisi les deux premiers ballons. J’étais lancé, en confiance. A chaque ballon dont je me saisissais, le stade explosait. C’est ainsi, quand vous êtes nouveau. Si vous disputez un bon match durant votre première saison, vous avez huit sur dix puis sept la deuxième saison et six la troisième.

Savez-vous rapidement si vous serez l’homme du match que vous jouez ?

Non. Parfois, on ne se sent pas bien du tout mais on réalise une intervention fantastique en dernière minute et on est élu homme du match. Ou vice-versa. De ce point de vue, j’ai un drôle de métier. Quelques millimètres de plus à gauche ou à droite peuvent faire la différence entre un arrêt de classe mondiale et une bourde.

Être hué ou applaudi fait-il une différence ?

Peu. C’est le soutien de mon entourage qui compte. Je ne puis m’imaginer prester si mes propres supporters ne m’aiment pas.

Un stade espagnol comble qui vous hait parce que vous interceptez tous les ballons, c’est…

Super ! Plus rien ne peut vous toucher. Je me sens puissant :  » Vous, à 50.000, convoitez quelque chose mais je vous barre la route.  » On sent la frustration croître chez l’adversaire et le public alors qu’on est de mieux en mieux, qu’on atteint le sommet.

Ce sont les matches qui vous apprennent encore le plus ?

Dans ces rencontres, on est concentré de la première à la dernière minute car il n’y a pas un instant de répit. En championnat, il y a beaucoup de mauvais contrôles, de mauvaises passes mais à Valence, tous les ballons arrivent. Les seuls moments calmes sont ceux où le ballon est sorti ou quand vous provoquez une faute. On est pris à la gorge. C’est là qu’on voit la différence de niveau entre l’Espagne et la Belgique.

Est-il plus facile d’être constamment sous le feu ou de devoir réaliser deux arrêts décisifs ?

J’aime avoir du boulot mais avec le Club, je dois généralement intervenir deux ou trois fois. De ce point de vue, St-Trond est un adversaire plus difficile que Valence. Les Limbourgeois disputent leur match de Coupe d’Europe contre nous alors que nous sommes déjà vidés au coup d’envoi.

La lutte pour le titre

Votre élimination vous permet de vous concentrer sur la lutte pour le titre. Cela semble être un avantage par rapport à Anderlecht…

Physiquement oui, pas mentalement. Quand on atteint les poules et qu’on arrache un match nul à Donetsk, on a un coup d’adrénaline… Passer l’hiver en Coupe d’Europe nous a conféré de l’assurance, qui se reflète quand nous montons sur le terrain en championnat. Nous avons l’impression que rien ne peut nous arriver.

Cette campagne européenne a donc été une cure de vitamines ?

Oui, car je ne m’y attendais vraiment pas. Je ne nous pensais pas capables de réaliser de telles prestations, je le reconnais. Nous avons du talent mais nous sommes aussi capables de le traduire en résultats.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris ?

La rapidité avec laquelle nous avons compris ce que l’entraîneur voulait. Il veut jouer et construire au sol. Nous y parvenons tout en obtenant des résultats mais le Club a aussi réalisé de bons transferts : Perisic, Hoefkens, Donk, Kouemaha sont autant de réussites. Parfois, on peut estimer qu’un transfert soit réussi sur l’année, cette fois, nous en avons quatre. Je dois encore réaliser des interventions importantes mais voir l’équipe bien tourner est super. L’année dernière, c’était  » Oui, mais « , maintenant, c’est simplement  » Oui « .

Avant la saison, vous étiez-vous attendus à être le principal concurrent d’Anderlecht pour le titre ?

Pas du tout, mais vous voyez : quand tout le monde se rallie à un projet, cela marche.

Où et quand avez-vous compris que le Club lutterait pour le titre ?

Après la préparation. Cela n’allait pas bien mais la direction et le staff ont conservé leur sérénité. Pol Jonckheere et Luc Devroe rayonnaient d’un calme contagieux, à un moment où les joueurs commençaient à douter car rien n’allait. Quand on remarque que l’entraîneur doute aussi et commence à effectuer des changements, c’est fichu mais il est resté fidèle à ses principes. Nous avons compris que si nous les imitions, la situation basculerait.

Il y a eu un revirement de ce genre contre le Cercle. En infériorité numérique, vous étiez menés mais l’entraîneur a lancé un attaquant de plus et a arraché la victoire.

Parfois, il m’effraie mais ce jeu offensif constitue sa vision du football. Parfois, il doit nous pousser en avant. Je l’admets : nous voulons avant tout assurer la sécurité alors qu’il ose toujours aller de l’avant. Au début, nos visions se heurtaient. Cette tactique n’a échoué qu’une fois, contre Gand, mais ce n’est rien face aux nombreux matches réussis grâce à cette approche.

Avez-vous essayé de convaincre Koster de procéder moins offensivement ?

Quand votre entraîneur a une vision, qu’il est soutenu par la direction, vous n’avez pas le choix : vous y adhérez à 100 %. Les résultats et surtout la qualité du jeu lui donnent raison.

Le doute était plus présent les années précédentes.

Je pense que Jacky Mathijssen a obtenu le maximum avec deux troisièmes places. Nous n’étions pas capables de faire mieux. Quand il vous manque un brin de talent et que vous vous heurtez à un Standard déchaîné, vous êtes troisième. C’était notre place.

Que possède Anderlecht de plus que le Club ?

Frutos et De Sutter sont sur le banc… L’équipe est très complète, plus chevronnée que la nôtre mais nous aussi voulons être champion.

Vous êtes bien, derrière Hoefkens ?

Le coaching fait la différence car Carl parle et dirige constamment.

Un club populaire

Quand vous songez au jeune Stijnen qui a affronté la Juventus, voyez-vous un autre gardien ?

J’ignorais encore ce que m’apporterait l’avenir alors que je suis rasséréné, que j’ai le sentiment de contrôler les choses. Je suis ici depuis dix ans. Je suis le plus ancien. Seul Blondel est presque aussi ancien : il est Brugeois depuis sept ans.

Pouvez-vous imaginez achever votre carrière ici ou auriez-vous le sentiment d’avoir raté quelque chose ?

Je peux très bien imaginer finir ma carrière ici. Je m’y sens très bien, super ! Gert Verheyen ou Dany Verlinden ont-ils raté quelque chose ? Je ne pense pas. Il faut réfléchir à des options sérieuses mais on ne quitte pas le Club pour n’importe qui.

Qu’a-t-il de si spécial ?

Je m’y sens très bien. C’est resté un vrai club populaire. On ne voit plus beaucoup de grands clubs qui sont resté populaires. La gestion actuelle implique tout le monde. Je le sens et je le vois car cela transparaît chez chacun.

Où joueriez-vous si Luc Beyens, votre entraîneur à Hasselt, ne vous avait pas renseigné au Club ?

Un jeune a besoin de croiser la route de gens qui croient en lui. Luc m’a présenté à Fernand Goyvaerts. Sans cela, je serais peut-être à Lommel, qui me convoitait également. Ou je militerais en D3 ou en Promotion. Beaucoup d’éléments de ces divisions auraient tout aussi bien pu faire carrière en D1. On ne les a pas remarqués ou ils n’avaient pas assez d’ambition pour émerger. J’ai toujours su que je recevais une chance unique ici. J’ai décidé d’emblée de poursuivre tranquillement ma maturation tant que Dany Verlinden jouerait, afin d’être prêt quand il prendrait sa retraite.

Imaginez que Verlinden ait arrêté deux ans plus tôt. Auriez-vous été prêt ?

Non. J’ai eu la chance qu’il continue mais aussi que Sollied m’entraîne à mes débuts car il a toujours été correct avec moi. Il m’a dit que je n’étais pas prêt à devenir le numéro un mais comme il avait décelé de belles possibilités à l’entraînement, il m’a quand même aligné. Sollied m’a dit qu’à 27 ans, je serais toujours son gardien. Et il y a deux ans, quand il entraînait Heerenveen, il a essayé de me transférer. J’ai compris qu’il ne m’avait jamais menti.

Vous louez Sollied mais à l’époque, avez-vous ressenti aussi positivement sa remarque ?

Je suis resté calme, grâce à ma famille, qui ne manque pas d’expérience. Mon père, Jean-Pierre, a joué en D1 et j’ai fait preuve de patience. Sollied croyait en d’autres jeunes mais ils n’ont pas voulu attendre leur chance. Ne jouant pas, ils ont voulu partir. Hans Cornelis, Karel Geraerts… J’ai aussi vu partir des joueurs qui ont réussi ailleurs, ont gagné beaucoup d’argent mais aujourd’hui je ne sais pas où ils sont.

Combien de fois avez-vous failli quitter le Club ?

L’offre de Heerenveen était insuffisante et le club devait encore discuter avec moi.

Heerenveen vous a-t-il inspiré ?

Par Sollied, oui. J’étais prêt à relever le défi à condition d’obtenir davantage financièrement car sportivement, cela ne représentait pas un progrès par rapport au Club.

Kazan, c’était le jackpot !

Si le Club en avait profité et que j’avais pu réaliser une superbe affaire financière, j’aurais dû mettre mes émotions de côté. En jouant dans ces pays, vous assurez pratiquement l’avenir de vos petits-enfants. Donc, ça vaut la peine de mordre sur sa chique pendant deux ans.

Imaginez que Lecce, le représentant de la ville natale de votre mère, soit promu et vous soumette une offre. Que faites-vous ?

Hasselt sera en ébullition mais pas moi. Je suis déjà allé à Lecce. En vacances.

On entend souvent les jeunes prétendre ne plus rien pouvoir apprendre en Belgique. Que pouvez-vous encore apprendre ?

J’apprends tous les jours. C’est comme ça que je fais mes matches depuis des années !

L’éthique

La semaine dernière, vous avez rappelé que vous ne reviendriez pas en équipe nationale. Les footballeurs laissent généralement la porte ouverte. Pour revenir là-dessus, vous devez vraiment avoir été blessé…

Qui revient sur ce sujet ? La presse. On m’a posé une question : que ferais-tu si Advocaat voulait discuter avec toi. Après ma performance à Valence, j’aurais pu ouvrir la porte mais je ne reviens pas sur ma décision. On affirme que j’y ai été fort. Je ne trouve pas mais il est vrai qu’en Belgique, on est vite impressionné.

Vous vous êtes donc coupé toute issue.

C’était déjà le cas quand j’ai annoncé que j’arrêtais. Celui qui effectue un choix ne peut être frustré. Imaginez que je n’aie pas été sélectionné. C’eût été différent. J’ai été repris mais j’ai refusé ma sélection. Dans le football belge, seul le Club m’intéresse encore. Au Club, je peux prester car le calme le plus parfait y règne, il a une vision et il n’y a pas d’intrigues ni de rumeurs.

Vous vous ôtez la chance de participer à un EURO ou à un Mondial à l’avenir.

Une de mes qualités est d’écouter les gens qui, à mes yeux, ont réussi. Je ne parle pas que de René Vandereycken mais aussi d’autres qui ont beaucoup représenté pour le football belge et qui m’ont dit ce qui se passait. J’ai comparé ça à mes propres expériences et sur base des deux sons de cloche, j’ai effectué un choix.

Si cela tourne mal, vous pouvez opter pour l’étranger, afin d’y jouer sans soucis.

Mais c’est aussi possible au Club ! Quand j’y pénètre, je suis envahi par la sérénité. Cela me fait du bien.

Vous allez vous fixer ici, comme tant d’autres qui ont continué à vivre aux alentours de Bruges au terme de leur carrière ?

C’est possible. Ma fille est née à Bruges et je suis très fier de voir le nom de la ville sur sa carte d’identité. C’est très spécial.

« Je preste au Club car tout y est paisible. Il n’y a pas d’intrigues ni de rumeurs. »

« On ne lâche pas le Club pour le premier venu. « 

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