Je ne me vois pas quitter Gand pour un autre club belge

Entre effluves de champagne, rumeurs et spéculations pour l’avenir.

Il l’a fait ! Après avoir offert aux supporters du Standard un titre qu’ils attendaient depuis 25 ans en 2008, MichelPreud’homme a offert à ceux des Buffalos une deuxième place qu’ils attendaient depuis 55 ans (c’était en 1955, lorsque La Gantoise se glissa entre Anderlecht 1er et le Standard 3e) et y a ajouté une victoire en Coupe de Belgique qui se faisait attendre depuis 1984 (lorsque Gand battit en finale un Standard décimé par l’affaire Waterschei). Tes premières impressions, Michel ?  » Il n’y a rien à boire, ici ? Une petite bière, s.v.p.  »

Porto, l’AC Milan et les autres

Flash back. On est vendredi après-midi, à Gand, la veille de la finale. Alors que Bruxelles est encore blottie sous un ciel gris et un crachin digne de la Toussaint, la Cité d’Artevelde est baignée par les rayons du soleil qui lui confèrent une douce température printanière. Il n’y a pas que politiquement que la Belgique est coupée en deux.

 » Je veux bien répondre à certaines questions en néerlandais et à d’autres en français, mais certainement pas uniquement en anglais « , prévient Preud’homme.  » Je trouve stupide de s’exprimer dans la langue de Shakespeare… parce qu’on est en Belgique.  »

Preud’homme est souriant, détendu. Rien ne laisse présager qu’il se trouve à la veille d’une finale de Coupe.  » Mais… je suis toujours ainsi ! « , assure-t-il.  » Même pendant les matches…  » Et il part d’un grand éclat de rire.

Le plus difficile, pour lui, a sans doute été la constitution du groupe de 18 joueurs appelés à se déplacer à Bruxelles… et donc l’éviction de certains footballeurs qui n’ont pas démérité. Parmi les déçus, il y a LuigiPieroni, qui avait déjà été 19e homme il y a deux ans, lorsqu’il était Anderlechtois et que le Sporting avait affronté La Gantoise en finale.  » Je peux comprendre la déception de Luigi, mais je ne peux pas tenir compte du passé « , argumente Preud’homme.  » C’est moi qui suis allé le chercher à Valenciennes. De son côté, il a consenti un effort financier pour se relancer ici. Je lui ai beaucoup parlé. Je savais qu’il aurait besoin de temps pour s’habituer à mes méthodes de travail. Il ne les a pas encore totalement assimilées. Il a été titulaire à quatre reprises. C’est déjà bien. En principe, on peut l’attendre à un meilleur niveau la saison prochaine.  »

Comment Preud’homme élabore-t-il sa sélection ?  » Dans les grandes lignes, je commence à y travailler deux jours avant le match et il n’est pas rare que j’opère la sélection définitive au terme du dernier entraînement. J’ai un noyau assez large, et en fonction de l’adversaire, je sais que je pourrais avoir besoin de tel ou tel type de joueur. Ce sont surtout les deux ou trois derniers postes qui sont difficiles à pourvoir. Le 11 de base, je l’annonce seulement aux joueurs le jour du match, vers 17 h 45 au moment du briefing. Mais généralement, ils peuvent deviner, en fonction des entraînements, ceux qui commenceront ou pas. « 

Alors que Preud’homme est plongé dans la préparation de sa finale, les rumeurs de départ vont bon train.  » Ce sont des rumeurs positives « , relativise-t-il.  » Lorsqu’on entend que des grands noms s’intéressent à vous, on ne peut qu’apprécier. Cela ne me perturbe pas dans ma concentration. Je ne suis pas en train de négocier à gauche et à droite. « 

Porto figure parmi les clubs cités. Preud’homme, un Benfiquiste, se verrait-il chez l’ennemi héréditaire ?  » Vous voulez que je prépare déjà mon discours pour la conférence de presse de Porto ? », plaisante-t-il.  » C’est vrai, la rivalité est grande entre les deux clubs. Comparable à celle qui existe entre Anderlecht et le Standard, ou entre Anderlecht et Bruges. Nord-Sud. Sauf que là, c’est toujours le même pays !  » ( Ilrit).

Et Milan ?  » Ah ! L’AC Milan est intéressé aussi ? », s’étonne-t-il.  » On en a bien rigolé, dans la semaine. Cela promet lors des derbies de la saison prochaine, avec deux fous sur le banc : JoséMourinho d’un côté et moi de l’autre !  » ( Ilritencore)

Comment faire encore mieux ?

Mais il n’y a évidemment pas de fumée sans feu et le manager MichelLouwagie le sait.  » Preud’homme va-t-il s’en aller ? C’est à lui qu’il faudrait poser la question. Moi, tout ce que je sais, c’est qu’il a encore un an de contrat. Comme je ne suis toutefois pas né de la dernière pluie, je sais aussi que ce n’est pas l’assurance qu’il restera. Le football est ainsi fait : de nos jours, joueurs et entraîneurs vont d’un employeur à l’autre. A ceux qui me demandent ce que La Gantoise ferait sans lui, je réponds qu’on m’avait déjà posé la même question lorsque TrondSollied est parti. Ou lorsque GeorgesLeekens est parti. Ou lorsque des joueurs importants sont partis. On a toujours su rebondir. Aujourd’hui, j’ose affirmer que si l’on n’avait pas dû payer 20 millions pour le stade (je parle du stade actuel, pas du nouveau stade en construction et qu’on louera) alors que Bruges et le Standard ont reçu le leur gratuitement, La Gantoise serait au sommet du football belge. On a dû vendre des joueurs comme NicolasLombaerts, MbarkBoussoufa, GuillaumeGillet, BryanRuiz et MilosMaric pour apurer les dettes, et on est fier de présenter désormais un budget en équilibre. On en a souffert sportivement ? Oui, sans doute. Mais, au bout du compte, on termine 2e du championnat et vainqueur de la Coupe.  »

Précisément, ce sont peut-être ces bons résultats qui inciteront Preud’homme à partir. Ce qui l’intéresse, c’est un projet, davantage qu’un gros contrat. A Gand, il avait un projet de trois ans. Or, il le reconnaît :  » Au terme de deux années de travail, on se trouve déjà là où l’on voulait arriver au bout de ces trois ans. On voulait stabiliser La Gantoise dans les équipes de tête, réaliser de temps en temps un exploit, et éventuellement aller loin en Coupe. Structurellement, on avance aussi, mais sans doute pas au même rythme, pour ce qui est du centre d’entraînement, du terrain synthétique, des vestiaires et de la salle de fitness pour les pros, des locaux séparés pour les jeunes… Je voudrais aussi que l’on réaménage les vestiaires. On n’a pas entrepris les travaux, car on pensait que le nouveau stade serait opérationnel plus tôt, mais maintenant que l’on sait qu’il faudra encore patienter deux ans, ces aménagements me semblent nécessaires. « 

Faire mieux, c’est-à-dire être champion, sera difficile.  » Faire aussi bien serait déjà un succès « , admet Preud’homme.  » Pour être champion, il faudrait un concours de circonstances favorables : une très bonne saison de notre part, couplée à des pannes de moteurs simultanées chez les trois grands. En football, le budget est souvent déterminant. Si l’on veut rivaliser avec les autres, il faudrait pouvoir augmenter le budget. Je ne dis pas qu’il faudrait un budget équivalent à celui d’Anderlecht, mais tout de même un peu plus que le tiers de celui du Sporting. « 

Lepoint comme Fellaini

ManuFerrera apparaît.  » Ah ! Voilà le touriste « , s’exclame Preud’homme.  » J’ai encore une fois dû tout faire seul, cette semaine ! Depuis mercredi, il est dans son monde, il plane…  » C’est évidemment une boutade, car Preud’homme apprécie le travail de son adjoint. Ferrera est aux anges. L’Atlético Madrid, le club de son c£ur, vient de remporter l’Europa League.  » Je suis plus qu’un supporter des Colchoneros « , reconnaît-il.  » Rassurez-vous : je ne me suis pas rendu à Hambourg… Cette semaine, on a travaillé comme lors d’une semaine normale, c’est-à-dire sérieusement. La passion est montée dans la ville de Gand, mais Michel est resté détendu et concentré.  »

Des affirmations confirmées par ChristopheLepoint :  » Mercredi, on a commencé à travailler tactiquement. On nous a expliqué les forces et faiblesses du Cercle, la manière d’aborder le match.  »

Lepoint doit beaucoup à Preud’homme :  » D’abord, c’est lui qui a fait le forcing pour m’attirer à Gand. Je crois qu’il voyait en moi une sorte de MarouaneFellaini : un joueur puissant, qui parcourt des kilomètres et est capable de s’infiltrer jusqu’au but adverse. Ce rôle me convient bien, et la confiance dont Preud’homme me gratifie me stimule. Dès la période de préparation, j’ai constaté que ses entraînements étaient bien plus poussés que ceux auxquels j’avais été habitué dans mes clubs précédents. Il n’est pas loin d’être le meilleur entraîneur que j’ai connu. En quoi est-il supérieur ? Il m’a beaucoup appris tactiquement : le positionnement, le moment où on peut attaquer et où il faut défendre. Le courant est tout de suite très bien passé entre nous. Il a l’art de parler à ses joueurs, est très convaincant dans ses explications, trouve toujours le mot juste. Certains lui reprochent d’un peu trop s’énerver sur le banc, mais c’est parce qu’il vit les matches avec énormément de passion.  »

18 joueurs à l’aller, 26 au retour

Samedi matin. Les joueurs de Gand embarquent pour Bruxelles.  » Une mini mise au vert « , explique Preud’homme.  » Les 18 joueurs retenus partent avec le bus. Pour les autres dont AdnanCustovic suspendu, un minibus est prévu pour les conduire au Heysel dans la soirée. Une bonne place leur a été réservée dans la tribune du stade Roi Baudouin, pas très loin de l’entrée sur le terrain. Ils ont aussi reçu une accréditation spéciale pour avoir accès aux vestiaires après le match, et ils reviendront avec le bus du groupe. On sera alors 26 joueurs, dans ce bus.  »

Gand est-il son principal adversaire ?  » C’est un cliché que je n’aime pas utiliser. Le Cercle est aussi un adversaire redoutable. C’est une équipe bien organisée, capable de bien jouer et qui se montre également dangereuse sur phases arrêtées, ainsi que sur de longues rentrées en touche. « 

Du 1-7 au couronnement

Samedi soir. Et un, et deux, et trois zéro. ElimaneCoulibaly, MbayeLeye et ChristopheGrondin offrent la Coupe à La Gantoise.  » Contrairement à ce que le score pourrait laisser penser, ce ne fut pas un match facile « , précise Preud’homme.  » Le Cercle nous a posé des problèmes. Mon collègue GlenDeBoeck avait élaboré un plan destiné à contrarier notre entrejeu et on a longtemps dû chercher la solution. Il fallait éviter de se mettre hors position, sinon on s’exposait aux contres. Au contraire, il fallait se montrer patient et attendre le bon moment pour frapper. On l’a fait, et on a terminé très fort sur le plan physique.  »

Cette victoire en coupe, est-ce la cerise sur le gâteau ?  » Je n’aime pas cette expression non plus. Disons, le couronnement d’une saison exceptionnelle. La clef de la réussite ? Le travail, essentiellement. On a pris des joueurs qui ont tous progressé, individuellement et collectivement, à l’exception d’un ou deux. « 

La saison avait pourtant débuté par un cuisant échec : le 1-7 contre l’AS Rome, au tour préliminaire de l’Europa League.  » Vous me parlez de ce 1-7 ? Moi, je mettrais plutôt en exergue la première heure de jeu au stade Olympique de Rome, durant laquelle on avait été très bons. Mais là aussi, on avait perdu 3-1. On sait pourquoi on a perdu avec ces chiffres-là. Il y avait des joueurs romains qui tombaient au moindre coup de vent. Et ils obtenaient toujours de bons coups francs, alors qu’ils n’avaient pas été touchés. On était là pour apprendre et on a sans doute beaucoup appris. « 

A un moment donné, la rumeur circulait selon laquelle Gand aurait préféré être 3e, pour jouer l’Europa League, plutôt que 2e, avec des tours préliminaires très aléatoires en Ligue des Champions.  » C’est parti d’un malentendu. On croyait qu’en étant éliminé dès notre entrée en lice en Ligue des Champions, on ne serait pas reversés en Europa League et qu’on vivrait alors une saison vierge de toute compétition européenne. Depuis un an, le règlement a changé. Aujourd’hui, dans le pire des cas, on sait qu’on est assurés de disputer quatre matches européens : deux en Ligue des Champions, et en cas d’élimination, deux en Europa League. « 

Curieusement, aucun Gantois ne figurait parmi les nominés lors du Gala du Footballeur Pro. Ni parmi les joueurs, ni parmi les gardiens, ni parmi les… entraîneurs. Les bulletins ont-ils été distribués trop tôt ?  » En ce qui me concerne, c’est peut-être dû au fait que certaines personnes – et surtout dans la presse néerlandophone – m’ont davantage jugé sur mon comportement que sur mon travail « , estime MPH.  » Or, les joueurs lisent les journaux et certains ont peut-être été influencés par ces articles au moment de voter. En ce qui concerne l’équipe, cela prouve peut-être que, si on n’avait pas les meilleures individualités, on avait le meilleur collectif… avec Anderlecht. Et, à mes yeux, c’est peut-être le plus important, car j’insiste beaucoup sur le collectif.  »

Quel sera l’avenir de Preud’homme ?  » Dans un premier temps, je vais faire la fête. Après, on verra. « 

Un rendez-vous ce jeudi

Dimanche, 11 heures. Preud’homme se réunit une dernière fois avec ses joueurs autour d’un petit verre pour célébrer la fin de la saison et le départ en vacances.  » Histoire de faire un léger débriefing, de distribuer les programmes pour l’été. A Gand, c’est toujours la tradition de faire cela le lendemain du match, plutôt qu’après le soir même. Je ne veux pas faire cela en vitesse, c’est trop important. Il y a des joueurs qui ont encore des matches internationaux. Certains iront peut-être à la Coupe du Monde ( NDLR : il songe à MarkoSuler, ZlatanLjubijankic et éventuellement BojanJorgacevic. D’autres ont des matches en Amérique du Sud, comme RandallAzofeifa et RoyMyrie, et peut-être RobertoRosales. D’autres, comme Lepoint et BerndThijs, un match amical avec les Diables Rouges. C’est une belle récompense pour une saison en tous points réussie.  »

Pour Preud’homme, un rendez-vous est programmé ce jeudi avec la direction gantoise.  » J’ai la possibilité d’éventuellement reconduire mon contrat. J’ai aussi d’autres possibilités. Mais je ne me vois pas quitter Gand pour un autre club belge. Penser que je vais partir, parce qu’il me sera difficile de faire mieux, est un réaction typiquement belge. A Manchester United, Sir AlexFerguson n’a pas tout gagné chaque année non plus, mais il est toujours là et jouit d’un énorme respect de la part de ses joueurs, de ses dirigeants… et de la presse. Entre la direction gantoise et moi, il existe une bonne relation. Je suis réaliste : je sais, en fonction des moyens du club, ce que je peux demander ou pas. La direction est réaliste vis-à-vis de moi également. Elle sait ce que je souhaite, j’en ai déjà parlé à IvanDeWitte.  »

 » C’est vrai « , reconnaît le président.  » On va voir ce qu’on peut faire, s’il y a moyen de renforcer l’équipe avec un ou deux joueurs supplémentaires. Mais je dois tirer mon chapeau à Michel pour ce qu’il a réalisé.  » La décision devrait tomber au début de la semaine prochaine…

par daniel devos – photos: belga

On s’était déjà imaginé les deux fous sur le banc : José Mourinho d’un côté, MPH de l’autre.

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