» Je ne me laisserai plus DÉMOLIR « 

Après des adieux précoces au Club Bruges, à Lokeren et à Charleroi, le coach limbourgeois a atterri à Anvers où il avait directement senti qu’il pourrait réussir.

Un sentiment de déjà vu. C’est la première chose qui nous vient à l’esprit quand on repense à la désignation de Jacky Mathijssen comme entraîneur principal du Germinal Beerschot. Il arrivait pour la énième fois comme le sauveur espéré d’un club en détresse au classement.

Vous arriviez à nouveau dans un club qui sportivement n’était pas à sa place logique au classement. Vous semblez accumuler ces situations…

Jacky Mathijssen : En effet, le Germinal Beerschot était à nouveau un de ces clubs où tout ne se passait pas comme prévu par la direction en début de saison. C’est généralement le cas lorsqu’un club engage un nouveau coach, et dans mon cas peut-être davantage. Plus gros sont les problèmes quelque part, plus trouble est la situation, plus j’ai désormais de chances d’obtenir le job, me semble-t-il ! Je pense que les dirigeants me perçoivent comme quelqu’un qui sait très vite donner une orientation claire à une équipe et qui tire tout le monde dans cette direction. J’ai commencé au Germinal Beerschot avec pas mal d’incertitudes, mais j’ai vite trouvé des bonnes conditions de travail et un staff qui me montrait que j’étais le bienvenu et que nous pouvions réussir.

Dans quel état avez-vous trouvé le club anversois à votre arrivée ?

Un club où les sentiments négatifs dominaient à tous les étages. Mon défi pour les premiers trois mois était de recréer un esprit positif. J’ai exigé que tout le monde laisse de côté ses pensées négatives et montre le meilleur de lui-même dans l’intérêt du club. J’ai prévenu : -Ceux qui n’en sont pas capables font mieux de rester à l’écart, ils pourront toujours juger ensuite s’ils ont eu raison et s’ils voudront revenir ou pas. Laissez-moi travailler ! Je me suis investi avec tout mon temps et mon énergie, parce que je me sentais bien au GBA. Et si mon bilan final est bon, j’aurai peut-être la chance de construire quelque chose de bien au Kiel.

Vous avez toujours semblé très motivé à l’heure de relever le pari du maintien et des play-offs 2 !

Lorsque vous vous embarquez dans une nouvelle aventure, vous vous devez de faire rayonner un esprit positif et volontaire. C’est peut-être la différence avec il y a un an. J’ai vraiment le sentiment aujourd’hui que j’ai digéré mes épisodes précédents, que tout est à sa place, dans une bonne perspective. Quand j’ai accepté l’offre de Lokeren, c’était surtout pour me remettre en question après le coup dur subi à Bruges. Permettez-moi de préciser que j’étais totalement réconcilié avec le football en arrivant à Anvers. Un nouvel état d’esprit qui cadrait bien avec mon défi : j’allais me donner à fond pour réussir. Ma première priorité était de négocier favorablement le cap des premières semaines, de reformer un bloc autour du projet du club. Je refusais de voir plus loin. Le court terme était suffisamment intéressant. J’ai toujours dit que je partirais un jour faire mon métier dans un autre pays, une autre culture et je le ferai. J’ai eu l’opportunité d’aller coacher en Roumanie, mais la cicatrice de Bruges n’était pas encore refermée.

Justement, quel regard portez-vous sur votre fin de règne chahutée au Club Bruges ?

Au Club, à la fin, je me battais seul contre tous et ce fut très lourd. Je ne pouvais toutefois pas lâcher prise. Après une bonne conversation avec Michel D’Hooghe, nous avions convenu de mettre un terme à notre collaboration mais je lui avais donné ma parole que je continuerais jusqu’à la fin de la saison et tenterais d’accrocher la 3e place, synonyme de ticket européen. L’intention était de garder le silence sur cette future séparation à l’amiable mais quelqu’un a très vite vendu la mèche. Et d’un coup, j’ai été perçu tout à fait différemment par de nombreuses personnes. Lorsque vous avez occupé une position-clé et qu’on sait que votre pouvoir s’effrite, on essaie de vous pousser encore plus vite dehors et il devient très difficile de fonctionner normalement. Nous avons fini troisièmes, mais c’était certainement la période la plus difficile de ma carrière. Aujourd’hui, je clôturerais ce chapitre d’une autre manière. A l’époque j’avais le sentiment d’être redevable au Club Bruges et à un certain nombre de personnes : comme si je devais porter un sac avec tous les péchés du monde dedans. Tout cela pour permettre au Club de prendre un nouveau départ. Je ne veux plus jamais réagir comme ça, cela a été trop loin : je veux m’engager au maximum mais ne plus me laisser démolir.

 » Qu’on laisse le coach et le DT travailler ! « 

Quand est-ce que les choses ont mal tourné pour vous à Bruges ?

A mon arrivée, l’une de mes tâches principales était de ramener du caractère et de l’unité au groupe, ce que j’ai fait. Peut-être même trop vite et trop bien puisque le Club fut très longtemps en tête du championnat au 2e tour. Cela a fait que nous semblions avoir oublié nos qualités footballistiques pour ne voir que le résultat ! Mais le fait qu’on jouait trop peu au football à l’époque et qu’aujourd’hui on entend dans les travées du Jan Breydel qu’on complique trop le jeu, a tout à voir avec l’implication trop importante des dirigeants dans le domaine sportif. Le mardi soir, leurs réunions aboutissaient parfois à sortir certaines vérités sur le football qui sont parfois relayées dans la presse, ce qui n’est pas sain. J’ai toujours trouvé étrange qu’un club engage des spécialistes du foot comme un entraîneur et un manager sportif… et que la direction continue à dire ce qu’on doit faire et quels joueurs il faut recruter.

Vous avez vécu la même histoire à Lokeren, non ?

Lorsque vous tracez une ligne directrice, des objectifs, une feuille de route et qu’on ne vous laisse pas les réaliser, il vaut mieux arrêter. A Lokeren, j’ai dit à Roger Lambrecht que certains joueurs devaient absolument être achetés. Il m’a répondu qu’il allait considérer la chose, mais que le club ne pouvait pas prendre cette décision car d’autres équilibres devaient être respectés. Par conséquent, je n’ai pas pu m’ériger en véritable patron du vestiaire. Je pense qu’après moi, Emilio Ferrera a été confronté au même problème. Ce n’est que depuis cette saison que les Waeslandiens ont acquis des joueurs dans toutes les lignes. Ils auraient déjà dû être là quelques saisons plus tôt. Et devinez quoi : aujourd’hui Lokeren en bénéficie à plein sous la houlette de Peter Maes !

Et votre second passage au Sporting de Charleroi, vous le regrettez ?

Oui, le chapitre Charleroi est totalement différent ( il sourit). Je n’aurais jamais dû remettre les pieds au Mambourg. Tout le monde m’a convaincu de rempiler, mais ce fut une erreur. Le président Abbas Bayat aurait dû me dire : -Reste à l’écart du club, Mathijssen, parce que ça ne marchera pas. L’histoire n’a duré que quelques mois et il faut savoir que pendant cette période, il a voulu me limoger trois ou quatre fois. Moi-même j’ai menacé à quelques reprises de quitter le club mais il s’est à chaque fois trouvé quelqu’un pour me convaincre que la situation s’améliorerait. Ce n’était tout simplement pas agréable de travailler dans ces conditions. Un président, un manager sportif, un entraîneur et les joueurs doivent se compléter pour réussir, mais à Charleroi, vous n’êtes payé que pour faire ce que le grand patron a décidé. Il me semble pourtant que cette façon de faire mène le club carolo à sa perte depuis quelques saisons.

Pourquoi n’avoir pas tiré vos conclusions plus tôt ?

En effet, je n’ai pas fait le pas de côté qu’il fallait. Je peux parler avec tout le monde, mettre des choses sur la table et trouver un compromis, mais je refuse d’écouter des conneries. Abbas Bayat était méconnaissable par rapport à il y a cinq ans. Il s’est totalement isolé dans ses propres pensées et a dérivé vers un certain nombre d’idées qu’il caressait avant. C’est en tout cas ce que je ressens. Après trois semaines au Stade du Pays de Charleroi, j’avais déjà l’impression que tout ce que j’entreprenais était voué à l’échec. Je ne pense pas que le président ait un jour voulu que je réussisse. Heureusement, je n’en suis pas sorti meurtri. Ce qu’il a fait est la chose la plus stupide que j’ai vécue dans le football : pour quelqu’un de sa trempe, de son intelligence, un industriel à succès, venir limoger un coach dans le vestiaire juste après le match devant 30 personnes ; non, cela ne se fait pas. Au niveau financier, je n’ai pas gagné un euro au Sporting. C’est un scandale. L’affaire a été portée devant les tribunaux mais j’espère toujours tomber sur le bon sens d’un dirigeant carolo qui proposerait de régler ce contentieux à l’amiable.

Sur quel aspect allez-vous désormais concentrer votre travail de coach ?

Je pense que grâce à l’aspect mental vous pouvez amener un groupe de joueurs très loin. Le travail de fond dans le vestiaire est donc très important. Bien que le Club Bruges disposait, de mon temps, de beaucoup moins de talents purs, nous avons accompli de belles choses ensemble. Le groupe a été très loin dans le suivi de mes consignes. Malheureusement ce beau parcours a été saboté à l’intérieur du club. J’ai voulu appliquer ce schéma au Germinal Beerschot pour redonner confiance aux joueurs et au staff, leur faire à nouveau croire en leurs possibilités car il y avait beaucoup trop de gens qui pensaient que tout allait mal.

PAR CHRISTIAN VANDENABEELE – PHOTOS: JELLE VERMEERSCH

 » Je peux parler avec tout le monde et trouver un compromis, mais je refuse d’écouter des conneries. « 

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