« Je ne doute jamais »

Le 2 septembre, il rendra visite à son ex-club. Malgré son retour à Bruges, il n’est pas fâché sur Michel Preud’homme.

K arel Geraerts est un footballeur hors du commun. Pour résumer : il passe inaperçu mais est très apprécié et marque régulièrement. Six buts lors de sa première saison au Standard, seulement deux l’année suivante (mais il a son explication) et huit sur l’exercice 2006-2007, alors qu’il a à peine joué les trois derniers mois. Pour un médian, ce sont des chiffres inhabituels.

L’action préférée de Geraerts est un énorme une/deux. Il passe à un partenaire, galope et l’appelle en profondeur. Il opère ainsi des longues infiltrations sans ballon. Geraerts ne va jamais déployer une action offensive balle au pied. Il bouge et s’immisce plutôt dans les zones où le ballon n’est pas et où on ne s’attend pas à ce qu’un joueur se pointe. Il n’y a, effectivement, que les grands défenseurs qui savent constamment où se trouvent ballon et adversaires… Geraerts :  » Je regarde où se trouve l’espace et où j’estime que le ballon va arriver. Cela se passe souvent à l’intuition et parfois, les défenseurs sont inattentifs. Ou alors je profite du travail des avants. Mais pour le même prix, je peux me poster dix fois dans le rectangle et ne pas toucher le cuir « .

Tous vos adversaires connaissent votre manière de jouer. Pourtant vous restez difficile à arrêter.

Karel Geraerts : On joue pourtant différemment contre moi qu’il y a un ou deux ans. Les équipes sacrifient plus souvent un médian qui me colle aux basques lorsque je m’infiltre. Mais alors, d’autres partenaires peuvent en profiter.

Imaginons que vous marquiez moins de buts : que pouvez-vous dès lors apporter à l’équipe ?

Je ne pense pas que l’entraîneur m’aligne seulement pour ma production offensive. Ce n’est pas ma qualité principale, qui a toujours été ma combativité au milieu de terrain. Nombreux sont ceux qui estiment que je ne fais qu’attaquer mais je bosse beaucoup sur un terrain, défensivement aussi.

Vos buts ne font-ils néanmoins pas de vous un joueur intéressant ? Dans de nombreux clubs, même les attaquants ne marquent pas huit buts.

Je pense que dans mon cas ils regardent l’ensemble de mon jeu. S’il y a des doutes, mais il n’y en a jamais eu à Bruges j’en suis sûr, les buts peuvent être un élément de plus dans la balance. Mais marquer n’est pas une obsession, je n’estime pas avoir raté un match lorsque je n’ai pas scoré. Il y a deux saisons, je n’ai inscrit que deux goals. Beaucoup de gens se sont posé des questions mais j’avais peut-être, sans exagérer, touché dix fois la transversale et cinq fois le poteau. Si la moitié de ces essais avaient eu une issue plus heureuse, j’aurais atteint ma moyenne de huit ou neuf buts. D’ailleurs, si vous n’avez que des goals à offrir et que votre production se tarit, vous volez sur le banc. Je suis toujours resté titulaire parce que quand je ne marque pas, cela ne veut pas dire que je ne suis pas dangereux. En m’approchant de la cage adverse, je sèmerai toujours la confusion chez les défenseurs.

Têtu et déçu

A la fin de la saison passée, vous n’avez presque plus joué au Standard. Pour quelle raison ?

J’ai disputé les quatre premières rencontres après la trêve hivernale. J’ai inscrit deux buts, tout roulait. J’ai alors été blessé à l’orteil et dû manquer un mois et demi de compétition. Après cette période, je n’ai plus disputé que deux matches, contre Saint-Trond et Westerlo. Mais d’autres paramètres ont joué.

Michel Preud’homme voulait que vous repreniez le rythme avec les Réserves, mais vous ne voyiez pas cela d’un bon £il ?

Ce sont des foutaises. Je devais disputer un seul match avec les Réserves, contre Mons sur un terrain artificiel. Je revenais de blessure et il n’y a pas plus mauvais que de reprendre sur de l’herbe synthétique. Le docteur estimait le risque trop important et ensemble nous avons décidé de faire l’impasse. Pour ma condition physique ce n’était pas nécessaire non plus, car cela a toujours été l’un de mes points forts. Le week-end suivant, j’ai joué 90 minutes sans problème contre Saint-Trond et nous avons gagné. J’étais suspendu la semaine d’après. Ensuite vint Westerlo, qui était un mauvais match pour toute l’équipe. Le week-end suivant, quelqu’un revenait de suspension et le choix était vite fait.

On vous a fait payer le fait que vous ne prolongiez pas votre contrat, pensez-vous ?

Cela a bien entendu joué un rôle…

On dit que vous êtes un garçon têtu ?

Nous étions tous les deux têtus, le club et moi. J’estime toujours que j’avais raison de faire ce que j’ai fait. A un moment donné, le Standard avait toutes les cartes en main. Ce que nous demandions n’était pas exagéré et j’aurais bien signé pour trois, quatre ou cinq ans. La balle était dans leur camp mais ils n’ont rien fait. Ce n’est pas de ma faute.

Cela a eu comme conséquence que les clubs intéressés ne pouvaient pas vous voir à l’£uvre…

Ce n’était pas un avantage mais pas non plus un problème. Les clubs suivent les joueurs plus longtemps que deux ou trois mois. Je trouvais surtout la situation ennuyeuse. Je voulais remporter un trophée et j’aurais aimé disputer la finale de la Coupe de Belgique. Cela m’a davantage rongé que de ne pas pouvoir me mettre sous les projecteurs. Je suis convaincu que j’aurais pu apporter un plus au Standard. Dire que nous aurions remporté cette finale avec moi serait présomptueux, mais nous aurions pu rendre la vie plus difficile aux Brugeois. Je n’ai à aucun moment reconnu le Standard normal. Tant de choses n’ont pas tourné rond : pas de jeu sur les flancs, peu d’agressivité, le système détraqué…

En avez-vous parlé avec Michel Preud’homme ?

Oui un peu, avant la rencontre. Il m’a brièvement expliqué pourquoi il me mettait dans la tribune et m’a remercié pour mon professionnalisme. Il trouvait que j’avais toujours été correct et que nous avions bien travaillé ensemble trois ans durant. Après, nous ne sommes plus revenus sur le sujet.

Etes-vous fâché sur lui ?

(Il réfléchit) Non. Seulement un peu déçu sur le dernier mois. Je ne peux pas être fâché sur Michel : il m’a découvert et lancé au Standard.

Vous pensez qu’il n’est pas responsable de ne pas vous avoir aligné les derniers mois ?

(Bref silence) Je ne crois pas que cela a été uniquement de son ressort, non. Je pense que son c£ur a saigné lors de la finale. Et avant aussi. Michel est un gagneur et moi aussi. Michel est têtu et moi aussi. Il savait ce dont j’étais capable et me connaissait. Par ailleurs, j’ai ma propre opinion sur cette période. Cela me suffit.

La queue entre les jambes

Il y a trois ans et demi, vous avez quitté le Club Bruges. Maintenant vous revenez. Par la grande porte pour certains et la queue entre les jambes pour d’autres qui pensent que vous auriez préféré l’étranger.

La queue entre les jambes ? Pas du tout. Si je l’avais voulu, j’aurais été maintenant dans un club européen. Il y avait des contacts très concrets à l’étranger. Mais Bruges aussi a été très concret, avait le plus d’avantages et me donnait le meilleur feeling. Si vous allez quelque part, cela doit être avec une vraie envie forte, sinon cela peut déraper après deux mois et vous vous retrouvez dans une situation compliquée.

D’où venaient ces offres très concrètes ?

De France, d’Allemagne, d’Italie. De quel niveau étaient ces clubs ? Nous les Belges ne devons pas faire la fine bouche concernant le niveau ailleurs. En comparant avec notre championnat, toutes les équipes de D1 de ces pays sont très valables. Mais je suis quelqu’un qui veut jouer pour les trophées en fin de saison. Ces clubs étrangers se sont manifestés mais j’ai choisi Bruges. Tout le monde dit : -Va-t-il s’améliorer à Bruges ? Je vous signale qu’ici on s’entraîne et on joue avec le top de ce qui se fait en Belgique. Donc oui, je m’améliorerai à Bruges. Le niveau belge n’est pas sensationnel, je vous l’accorde, mais pour avoir côtoyé de nombreux étrangers au Standard, ils m’ont tous avoué qu’il n’était pas aisé de réussir en Belgique. Si j’avais signé à l’étranger, un nouveau monde se serait ouvert à moi, mais je ne regrette pas ma décision.

Aviez-vous peur du saut dans l’inconnu ?

Absolument pas ! C’est bien la dernière raison pour laquelle je ne l’aurais pas fait. Je n’ai jamais douté de mes qualités et de nombreux clubs non plus. Les dernières 48 heures, je pouvais signer dans cinq clubs, sans déconner. Toutefois, je n’ai pas l’impression que je vais manquer mon objectif d’encore évoluer comme footballeur. Je connais entre-temps bien le foot belge, mais cela ne veut pas dire que je n’ai plus rien à apprendre.

par jan hauspie

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