» Je ne devais pas VIVRE « 

De Kinshasa à Charleroi en passant par Evere, Liège et le Grand-Duché, l’attaquant belgo-congolais et ses proches racontent un itinéraire long de 22 ans.

Le soleil tape sur le parc d’Evere où a grandi DieumerciNdongala. Entre les maisonnettes coquettes de la capitale et le HLM où il a vécu, il déboule au bord de sa Mercedes avant de poliment nous saluer et de nous embarquer avec ses potes et ses frères à deux rues de là, au pied du club de la commune.  » C’est ici qu’à 7 ans je me suis inscrit pour la première fois dans un club « , explique-t-il.

C’est derrière les terrains synthétiques qu’il a tout appris. Mais depuis qu’il foule les pelouses de D1, le Belgo-Congolais ne met plus autant les pieds à l’agora d’Evere, là où lui et ses potes venaient s’écorcher les genoux tous les week-ends et après les cours. Ce lieu de pèlerinage pour la bande a malheureusement été détruit et seule la dalle de béton qui délimitait le terrain est restée entière.  » Je suis un peu dégoûté qu’ils aient fait ça mais bon, nous avons depuis trouvé un autre lieu où nous pouvons affronter d’autres gars du quartier.  »

L’histoire ne débute pas à Bruxelles mais bien à Kinshasa où le joueur est né il y a plus de 22 ans de cela. C’est le jour de sa naissance que ses parents tranchèrent pour Dieumerci comme prénom. Neuf lettres synonymes de miracle.  » La raison pour laquelle j’ai été nommé ainsi est simple : je ne devais pas vivre.  » Son grand frère, Aristote, amène son grain de sel à cette histoire dont il se souvient vaguement, car lui-même n’avait que trois ans à l’époque.  » Il a eu de très graves complications à la naissance et il devait être mis dans une couveuse.  »

L’hôpital ayant accueilli la mère de Dieumerci ne possédait pas le matériel suffisant. Son oncle et sa tante se sont donc emparés de lui et partirent vers l’hôpital le plus proche possédant le matériel adéquat.  » Ils ont couru durant 20 minutes avec un nouveau-né dans les bras « , explique Dieumerci.  » On me donnait peu d’espoir de survivre. Ma mère était restée dans la première clinique car son état de santé s’était dégradé. Grâce à Dieu, tout s’est parfaitement bien passé.  »

Une technique façonnée au parc

Quelques années plus tard, le jeune bambin joue tranquillement à la maison lorsqu’un chauffeur vient chercher son père.  » Il jouait derrière la roue du véhicule mais personne ne l’avait vu « , explique son grand frère.  » Le chauffeur a démarré comme si de rien n’était et Dieumerci est passé sous la voiture. Tout le monde a hurlé mais il n’a rien eu. Je vous le dis, il n’est pas là par hasard.  »

La famille Ndongala est installée à Evere et coule une vie tranquille. Les enfants vont à l’école mais passent le plus clair de leur temps au parc.  » Nous avons commencé à jouer à l’école Saint-Joseph « , explique son grand frère.  » Ma classe affrontait la sienne. Ils étaient plus jeunes mais loin d’être mauvais. Ensuite, après les cours, on jouait au  » petit carré « , un parking près de la maison.  »

Dieumerci ne s’inscrit en club qu’à l’âge de 7 ans mais il y débarque avec un avantage sur les autres jeunes.  » Il avait déjà un bon toucher de balle « , commente JasonBokolo, un de ses amis. Et cette technique, il la doit au parc.  » On jouait dès qu’on rentrait de l’école « , explique le principal intéressé.

 » Parfois, nous faisions nos courses balle au pied pour travailler notre technique. Il fallait être prêt à affronter les autres et le niveau était élevé. Souvent, NabilDirar et FloribertNgalula me prenaient dans leur équipe. Je jouais aussi avec mon pote ZiguyBadibanga. On se ressemble ? Heureusement, mes tresses ne sont pas blondes !  »

Outre la technique, il y apprend l’école de la vie. Pas de carton jaune ou de massage pour des gamins qui jouent pour l’honneur.  » Tu dois tenir tête aux grands même si certains me foutaient des baffes quand je leur mettais un petit pont. Tu reçois des coups, tu pleures mais tu reviens pour montrer que t’es le meilleur. On pouvait débuter à 9 heures pour finir à 23 heures. Personne ne nous sortait de l’agora.  »

EddyShamavyu, un ami qu’il a connu au Standard, confirme :  » Si tu te fais humilier, tu reviens en disant :  » Celui-là, je vais lui montrer.  » Si tu te plantes, on te chambre. La pression est dingue, pire qu’en match. Il n’y a qu’à voir Dieumerci jouer à Charleroi, il n’a pas peur.  » Son frère raconte même que les coaches lui demandaient de passer le ballon alors qu’ils disaient à Dieumerci de dribbler tout le terrain.

Direction Jeunesse Esch

Au plus grand malheur du président d’Evere, il file au RUSAS Schaerbeek qui possède de meilleures infrastructures. Le Brussels viendra ensuite acquérir le joueur. Il y affronte les meilleures équipes du pays et termine même champion lors d’une de ses années à Molenbeek.  » Je me suis rapidement adapté. J’avais faim de ballon, plus que certains qui étaient conduits par leurs parents aux entraînements alors que moi, j’avais joué avec mes potes avant d’y aller.  »

Le Standard est l’étape suivante. Il y intègre l’école des jeunes et fonce jusqu’en réserve.  » On y a appris la discipline et la concurrence « , raconte JoanyMununga, ancien jeune du Standard, actuellement au BX Brussels.  » Nous n’étions que 6 sur 23 à passer en U21. On devait vraiment mordre sur notre chique et parfois on s’embrouillait pour se soutenir. Tu ne pouvais pas te reposer sur tes lauriers.  »

 » C’est à ce stade-là que le Standard m’a écarté « , rigole EddyShamavyu.  » La concurrence était trop forte. Je me souviendrai toujours de mon test. J’y ai vu Dieumerci et nous étions rentrés à deux à Bruxelles. Il m’a choqué par son talent. Le fils D’Onofrio le marquait et il a été ridiculisé.  »

Il y côtoie de grands noms et devient proche d’eux. Il cite en exemple ChristianBenteke, DieumerciMbokani, mais surtout AndréaMutombo, son ami et colocataire.  » Peut-être le gars le plus doué que j’ai jamais vu. Il n’est pas à sa place là où il est. Il a le talent pour évoluer dans les plus grands clubs de Belgique.  »

Il quitte finalement Sclessin pour la Jeunesse Esch, l’un des top-clubs du Luxembourg.  » Je pouvais m’entraîner avec les A du Standard mais je n’ai pas eu ma chance en match. Peut-être n’était-ce tout simplement pas le moment opportun pour moi. Physiquement, j’étais encore trop léger, cela a certainement joué. Je pensais pouvoir réussir en D1 et je suis en train de le prouver. Je n’aurais pas pu au Standard et à cet âge.  »

Son transfert ne s’est pas fait sans encombre. Si JeanFrançoisdeSart lui avait promis de lui laisser encore une saison pour évoluer avec les U21, il veut franchir le pas vers une équipe fanion. Et alors qu’il a toujours évolué en classes d’âge belges, il reçoit sa chance avec les espoirs du Congo.  » Mon agent m’avait dit qu’il gérait tout durant mon séjour en Afrique. Je suis revenu mais il ne m’a jamais recontacté. J’étais sans club et, heureusement, un manager qui me suivait depuis longtemps m’a sorti du trou. Il m’a dit que je pouvais aller à Esch et qu’en gros je n’avais pas le choix.  »

Le gars sur qui on se défoule

Son test est positif et il est mis sous contrat par les Luxembourgeois.  » Je suis tombé sous le charme « , confie SébastianGrandjean, coach de la Jeunesse Esch à l’époque.  » On m’avait dit qu’il était doué mais pas assez concret. J’ai travaillé avec lui en étant très exigeant. Je me souviens qu’il refusait de réaliser un exercice. Je l’ai pris à part et je lui ai dit que s’il ne bossait pas, je le renvoyais chez ses potes à Bruxelles. Là, il a compris qu’il avait le choix entre devenir quelqu’un et rester un anonyme.  »

Le jeune homme a le déclic, réalise de grosses performances et devient le meilleur joueur du championnat local.  » J’ai pourtant eu du mal au début. J’étais un peu dégoûté, je ne foutais rien et je dormais toute la journée. Finalement, je me suis repris.  » Dans la morne ville d’Esch, il trouve finalement son équilibre préférant le calme de sa famille aux fastes de Luxembourg-ville.

Il doit logiquement partir au bout d’une saison mais son coach le convainc de rester au moins pour les préliminaires de l’Europa League. Finalement, il prolonge son séjour de six mois. Entre-temps, il est à deux doigts de s’engager avec Olimpija Ljubljana. Le club luxembourgeois a refusé l’offre même si Dieumerci était intéressé par une aventure en Slovénie.  » Je ne le pensais pas prêt « , commente Grandjean.  » Le président du club local était venu nous voir directement après mais nous avons refusé. J’avais peur qu’il aille s’enterrer là-bas.  »

Six mois plus tard, Grandjean se retrouve à La Louvière et embarque son poulain avec lui.  » Mon coach ne s’est pas fait que des amis au Luxembourg « , rigole le Carolo.  » J’avais un peu peur en tombant en D3. Le style y est très physique et haché. Un peu comme au Luxembourg.  » Eddy Shamavyu confirme :  » Il était celui qu’on taclait, celui sur lequel on se défoulait. Là, j’ai vu qu’il était très fort mentalement. Sortir du Luxembourg pour se relancer en D3 et finalement atteindre la D1. Il a été doué.  »

La transition n’a pas été facile pour autant.  » Je me suis vite fait au jeu mais les soucis financiers du club ont fait que nous n’avons pas pu participer au tour final. Puis, je n’ai pas été payé durant plusieurs mois. Heureusement, j’avais bien géré mon argent et ma famille me soutenait. J’ai eu des contacts pour quitter le club durant l’été mais le club ne voulait pas. DannyOst m’a convaincu de rester. Il m’a dit qu’il pouvait m’apporter ce qui me manquait. Je devais être encore plus concret.  »

Où s’arrêtera-t-il ?

Mons était le club dans lequel il avait le plus de chance de signer mais la situation sportive du club en a décidé autrement.  » Ils avaient besoin d’expérience. J’ai eu la chance de pouvoir quitter La Louvière pour Charleroi. Mais je sais bien que d’autres clubs auraient entrepris des contacts.  »

Sous l’impulsion de FeliceMazzu, qui avait lancé son frère, FranckNgomaNdongala, au White Star, les Zèbres recrutent le Belgo-Congolais venu de D3. Il lui faudra deux mois pour faire ses débuts en A.  » On m’a directement fait comprendre que venant de deux échelons plus bas, je devais prendre mon temps. Je l’ai vite remarqué car tout allait plus vite lors des premiers entraînements. Il m’a fallu du temps et le coach ne m’a pas grillé. Le sauvetage assuré de Charleroi est tombé à pic car il me permet d’obtenir du temps de jeu.  »

Jeune, il n’avait jamais osé rêver de faire le football son métier. Mais depuis que l’élite est atteinte, il se met à voir plus haut.  » D’abord s’imposer aux yeux du public belge avec Charleroi, ensuite on verra. Le top belge puis un grand championnat sont les objectifs. Le rêve ?  » Je n’oserais le citer…  »

PAR ROMAIN VAN DER PLUYM – PHOTOS : BELGAIMAGES

 » Un air de ressemblance avec mon pote Ziguy Badibanga ? Mes tresses ne sont pas blondes, Dieu merci…  »

 » Certains me foutaient des baffes quand je leur mettais un petit pont.  »

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