» Je n’ose imaginer ce que ressentirait le Standard s’il était battu par Westerlo… « 

L’actuel entraîneur de Zulte Waregem a vécu six finales de Coupe comme joueur et quatre comme entraîneur : et six victoires au total !

Le joueur qui a remporté le plus de Coupes de Belgique est Jacky Munaron, victorieux à six reprises (quatre fois avec Anderlecht, une fois avec le FC Liège et une fois avec le Standard). L’entraîneur qui a remporté le plus de Coupes est Urbain Braems, victorieux à quatre reprises (deux fois avec Anderlecht et deux fois avec Beveren). Hugo Broos n’est donc le recordman dans aucune des deux catégories, mais sur l’ensemble de sa carrière, il a vécu dix finales : six comme joueur (quatre gagnées et une perdue avec Anderlecht, une gagnée avec Bruges) et quatre comme entraîneur (deux gagnées et une perdue avec Bruges, une perdue avec Mouscron).

Hugo, quels souvenirs gardez-vous de ces dix finales ?

HugoBroos : La première fois, cela reste toujours un événement. C’était en 1972 et on avait gagné 1-0 contre le Standard. Un an plus tard, on a retrouvé les Rouches en finale, et on a encore gagné 2-1. C’est ce jour-là que Georges Heylens s’est cassé la jambe, ce qui a précipité la fin de sa carrière. A mes côtés, dans le quatre arrière, il y avait François Van der Elst (qui a remplacé Heylens à l’arrière droit), Gilbert Van Binst et un certain Camille Delvigne, un arrière gauche qui n’a joué que ce match-là, à peu de choses près. Gille, avec ses 21 ans, était le plus âgé. Moi, j’en avais 20. Malgré cela, on a tenu le coup. Un clásico en finale, c’était l’affiche rêvée, déjà à l’époque.

Ce l’était moins lorsque vous avez affronté l’Antwerp en 1975 et le Lierse en 1976 ?

C’est toujours ennuyeux lorsqu’on est le grand favori et qu’on affronte un outsider qui n’a rien à perdre. Heureusement, les deux fois, on a gagné : 1-0 contre le matricule n°1 et 4-0 contre le Lierse. 1976, c’était une année exceptionnelle : dans ce même stade du Heysel, Anderlecht avait aussi remporté pour la première fois une coupe européenne : 4-2 au détriment de West Ham, sous Hans Croon. En revanche, on n’était pas champion de Belgique. Les vedettes de l’époque jouaient à la carte : elles étaient capables de se transcender pour les grands événements, mais d’être battues par Beringen en championnat.

La finale de 1977, entre Anderlecht et Bruges (3-4), fut sans doute l’un des plus belles ?

Pour le spectateur neutre, probablement. Malheureusement, je me trouvais dans le mauvais camp et ce n’était pas drôle du tout. A la mi-temps, on menait 3-1. Mais on s’est effondré après la pause et l’Anglais Roger Davies fut mon bourreau. C’était l’époque où Ernst Happel entraînait le Club : un véritable rouleau compresseur. Je me souviens qu’il faisait très chaud. A cette époque, les finales se jouaient encore le dimanche après-midi, et comme elles se disputaient fin mai, ce n’était pas anormal d’avoir du beau temps. Je n’ai jamais souffert autant de la chaleur. C’était d’autant plus pénible que, cette saison-là, on avait tout perdu : on avait aussi terminé 2e en championnat et on a perdu la finale de la Coupe des Coupes contre Hambourg, à Amsterdam.

 » Recevoir la médaille en chocolat ce n’est jamais gai « 

Une finale au stade Roi Baudouin, que l’on appelait encore le Heysel à votre époque, c’est plus mémorable qu’une finale disputée dans un autre stade ?

Comme joueur, j’ai toujours joué au Heysel. En revanche, comme entraîneur, j’ai coaché trois finales ailleurs parce que le stade était en réfection : en 1994, Bruges-Anderlecht s’est joué à Sclessin ; en 1995, Bruges-Ekeren s’est joué au stade Constant Vanden Stock ; et en 1996, le derby brugeois s’est joué au stade Jan Breydel. Oui, c’est tout de même différent au Heysel.

Gagner une finale de Coupe, c’est une sensation différente de celle d’un titre de champion ?

La grande différence, c’est que sur un jour, on gagne ou on perd. Un titre, on le sent venir, même si ce ne sera pas le cas cette saison-ci. Lorsqu’on perd une finale, ce n’est jamais gai. On doit monter le premier pour recevoir une petite médaille en chocolat. Après, on voit l’adversaire monter à la tribune d’honneur et faire la fête. On se sent tout petit, à ce moment-là. Et à plus forte raison lorsqu’on a le sentiment que l’adversaire n’était pas plus fort que vous. Lorsqu’on est un outsider et qu’on est battu par Anderlecht ou Bruges, on peut se dire : – OK, la logique est respectée ! Mais si l’on est battu alors qu’on était favori, c’est dur. Je n’ose imaginer ce que ressentiraient les joueurs du Standard si, d’aventure, ils étaient battus par Westerlo.

Qu’avez-vous ressenti lorsque Mouscron a été battu par Bruges, en 2002 ?

D’un côté, c’était Bruges et donc on pouvait s’attendre à être battu. Arriver en finale était déjà un exploit. D’un autre côté, on avait un sentiment de frustration parce qu’on est passé très près de l’exploit. Un penalty sur Marcin Zewlakow n’a pas été sifflé, cinq ou six joueurs s’en sont plaint à l’arbitre, et Bruges n’a pas attendu pour placer une contre-attaque. Au lieu de 1-2, c’était 2-1, le tournant du match.

Comment se prépare une finale de Coupe ?

Je me souviens d’avoir été en mise au vert à chaque fois. Lorsqu’on se réveille, le matin du match, la tension grandit. Mais ce n’est forcément pas comparable à ce qui se passe en Angleterre, où la BBC prend le relais depuis 10 ou 11 heures du matin, et retransmet tous les faits et gestes des joueurs.

 » Un prix de consolation ? Non, un vrai trophée ! « 

Aujourd’hui, la Coupe de Belgique semble avoir un peu perdu de son prestige…

Les grands clubs n’y accordent plus la même importance. Ils sont surtout intéressés par les deux premières places en championnat, synonyme de Ligue des Champions et du pactole qu’elle engendre. Je pense qu’aux yeux des dirigeants d’Anderlecht, de Bruges ou du Standard, une Coupe de Belgique est toujours bonne à prendre. Mais, s’ils sont éliminés prématurément, ils n’en font pas un drame. A mon époque, il y avait deux objectifs au départ de la saison : le championnat et la Coupe. Lorsqu’on jouait à Bruges, il fallait gagner un des deux. Lorsqu’on jouait à Anderlecht, il fallait gagner les deux. Lorsque je jouais au Sporting, Constant Vanden Stock nous passait un savon lorsqu’on était éliminé de la Coupe. Cette saison, Ariel Jacobs a aligné son équipe B à Westerlo et l’élimination n’a pas ému grand monde. Autrefois, le public se passionnait pour la Coupe. Pour la fameuse finale de 1977 entre Anderlecht et Bruges, il y avait 60.000 spectateurs. Alors que le match était, pour la première fois, retransmis en direct à la télévision. C’était encore le vieux Heysel, avec ses gradins à ciel ouvert, et il était plein comme un £uf. Aujourd’hui, et surtout lors des premiers tours, on peut presque compter les supporters dans la tribune. La Coupe de Belgique a perdu de son prestige au fil des ans. Je me souviens qu’en 1995, lorsque j’étais l’entraîneur de Bruges et qu’on l’avait remportée contre le Germinal Ekeren, un journaliste m’a interpellé pour me dire : – Hugo, vous n’êtes pas champion mais avec cette Coupe de Belgique, vous avez tout de même un prix de consolation ! J’étais choqué, je lui ai répondu : – Mais Monsieur, ce n’est pas un prix de consolation, c’est un trophée important !

Quel est votre suggestion pour redynamiser la Coupe ?

Je ne sais pas s’il existe une recette-miracle. C’est surtout le comportement des équipes qui doit redynamiser la Coupe. S’ils voient que leur club prend l’épreuve au sérieux, les supporters reviendront. Mais pourquoi se déplaceraient-ils pour voir leur équipe B affronter une formation de D2 ou de D3 ?

La faute, aussi, à un calendrier trop chargé ?

Je ne sais pas si, à l’époque où Anderlecht jouait systématiquement une finale de Coupe de Belgique et une finale de Coupe d’Europe, et où tous les joueurs étaient internationaux, on jouait vraiment plus de matches qu’aujourd’hui. Et puis, regardez le FC Barcelone : il doit en être à 70 ou 80 matches. Lionel Messi a-t-il été mis souvent au repos pour souffler ? La fatigue, c’est une excuse que l’on sort un peu trop facilement en Belgique.

Dans les pays étrangers, on s’enthousiasme pour les exploits des Petits Poucets. En Belgique, on râle parce que le grand a perdu…

Les exploits des petits clubs, c’est en principe ce qui doit faire le charme de la Coupe. J’ai vécu cela cette saison, et je me trouvais du mauvais côté lorsque le White Star a éliminé Zulte Waregem. En fait, je venais de débarquer et j’avais pris place dans la tribune pour mieux observer ma nouvelle formation, mais je me sentais concerné malgré tout. Et je peux vous dire que, lorsqu’on est battu par une équipe de D3, on se sent minuscule. Evidemment, il faut l’accepter et c’est très bien pour le White Star, qui a aussi sorti Lokeren. Les joueurs du stade Fallon ont eu l’avantage d’évoluer chez eux et le respect du tirage au sort est aussi un principe trop souvent bafoué en Belgique. Je ne vois pas cela à l’étranger. J’ai vu Arsenal se produire en FA Cup dans un stade vieillot au possible, contre une équipe de D3 ou D4 dont j’ai oublié le nom. Je me suis demandé : – Comment est-ce possible de jouer là ? Mais on n’a pas inversé les terrains.

PAR DANIEL DEVOS – PHOTOS: REPORTERS/ VANDER EECKEN

 » Les spectateurs reviendront quand les clubs prendront la Coupe de Belgique au sérieux. « 

 » Constant Vanden Stock nouspassait un savon si on était éliminé. Cette saison, Ariel Jacobs a aligné son équipe B à Westerlo et l’élimination n’a pas ému grand monde. « 

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