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 » JE N’ÉTAIS PAS LE MEILLEUR DE MA GÉNÉRATION « 

Produit liégeois du début de ce millénaire, Onder Turaci a préféré exercer son talent dans sa deuxième patrie : la Turquie. Alors qu’il vient tout juste de remiser les boots, à près de 36 ans, l’ancien Standardman parcourt avec nous le fil de sa carrière sportive.

Après plus de dix années passées en Anatolie, Onder Turaci a tourné les talons à sa deuxième patrie pour tenter de boucler son parcours sportif en Belgique. C’était en 2015 et ses expériences à Hasselt puis Seraing ont malheureusement tourné court.  » Je ne joue plus du tout, j’ai pris ma décision début mars. Des petites blessures se sont accumulées et le corps ne suivait plus.  »

Attablé à la terrasse d’un café, évidemment liégeois, Onder Turaci revient avec beaucoup de facilité sur sa carrière. Car si les jambes ont désormais du mal à suivre sur le terrain, la tête se souvient encore d’Aruna Dindane, de Nicolas Anelka et même de René Vandereycken…

Dans toute votre carrière (333 matchs), vous n’avez pris qu’un seul carton rouge. Vous vous en souvenez, j’imagine ?

ONDER TURACI : C’était ici lors d’un duel avec Aruna Dindane d’Anderlecht… et je ne la méritais même pas (rires). Je n’ai jamais été un joueur méchant, je me suis toujours basé sur mon placement. J’aimais bien tacler hein, mais toujours avec l’idée de prendre le ballon. Et je n’étais pas non plus du genre à me la jouer à la Materrazzi en finale de Coupe du Monde. Je pense que c’était dû à une certaine sérénité que j’avais sur le terrain.

En parlant d’Anderlecht, vous avez été cité au Sporting en 2012. Vous auriez pu rejoindre le Parc Astrid, vous, le Liégeois ?

TURACI : Ouais j’aurais pu… mais il n’y a finalement jamais eu d’accord. J’ai eu aussi des contacts très avancés avec le Standard, mais le changement de direction a modifié la donne et il n’y a jamais eu de suite.

TURACI : Quand j’ai percé en équipe première en tant que jeune, ça n’a pas été facile d’obtenir un bon contrat. Ce qu’on me proposait ne reflétait pas la valeur que j’apportais. C’est ça qui a fait durer les négociations. Et concernant mon départ, ça devait se faire, tout simplement. J’allais avoir de meilleures conditions en Turquie, je pense que personne n’aurait hésité à ma place. Le Standard n’en reste pas moins un club auquel je dois beaucoup. J’ai d’ailleurs toujours une très bonne relation avec les supporters liégeois.

PAS DE KETCHUP SUR LES FRITES

Des supporters, vous en avez connu des fameux en Turquie, où le fanatisme dépasse l’entendement…

TURACI : C’est une rivalité folle là-bas. Les jours de choc, on dirait que c’est férié, c’est mort. Tout le monde est focalisé sur le derby, dès la veille. Et puis, l’animosité entre les supporters est très forte : le supporter de Fenerbahçe n’ira pas chercher son essence chez Shell parce que son emblème est jaune et rouge. A la limite, il préférera pousser sa voiture dix kilomètres s’il le faut. Tu ne verras jamais non plus un vrai fan mettre du ketchup sur ses frites parce que ça fait, encore une fois, « jaune et rouge », les couleurs de Galatasaray.

Vous avez toujours eu une excellente relation avec le Fener, au point que le club aurait payé 400.000 euros pour que vous ne partiez pas en Russie, c’est vrai ?

TURACI : En 2008, mon contrat de 2 ans + 2 arrivait à échéance et j’ai reçu une offre du FC Moscou, que j’ai acceptée. Tout était réglé et j’avais signé mon contrat quand le président turc a contacté mon agent et lui a dit : « On veut garder Onder, faites ce qu’il y a à faire ! ». Je pense que c’est ma polyvalence et mes bons contacts avec tous les membres du club qui ont provoqué mon rappel.

Fenerbahçe se trouve dans la partie asiatique d’Istanbul. Y a-t-il de grosses différences avec le côté européen ?

TURACI : Il n’y a pas de différences de tempérament entre les gens, mais il y en a au niveau de la vie : je ne me voyais pas habiter du côté européen où il y a du bruit, du monde et du trafic… À mon époque, les camions circulaient n’importe comment dans la ville et il n’y avait pas de métro. Du coup, je vivais dans la partie asiatique où c’était plus calme, plus chouette à vivre, comme à Liège par exemple. Le côté européen, c’était surtout pour les restos ou les sorties.

Justement, vous avez côtoyé de sacrés festifs : Christoph Daum et Roberto Carlos, notamment…

TURACI : On a souvent organisé des fêtes pour les anniversaires ou nos titres de champion. Roberto Carlos, on voyait que c’était quelqu’un qui aimait bien vivre : lors des soirées, on sentait bien le côté Brésil du personnage. Si on avait congé le lendemain, on sortait en ville mais, malgré tout, il restait très professionnel. Ça lui arrivait d’arriver avec des petits yeux le lendemain, mais il était là ! Il adorait peut-être les femmes, ça oui. Mais il ne ratait jamais un entraînement par après.

MAUDITES COUPES

Un autre coéquipier qui a marqué votre passage au Fener, c’est Nicolas Anelka. Comment vous êtes-vous entendus aussi vite ?

TURACI : Ce n’est pas la personne qui est décrite dans beaucoup de médias : il n’a pas du tout la grosse tête, il est plutôt posé et même timide. À première vue, il a l’air froid et c’est vrai qu’il lui faut du temps pour cerner les personnes avant de se sentir à l’aise avec elles. Maintenant, il a aussi son caractère : il dit ce qu’il pense, peu importe la manière, et ne se préoccupe pas de ce qu’on raconte sur lui.

Comme lui, vous avez affronté la dureté de la presse turque. Elle n’a pas dû vous rater lorsque votre ex, une ancienne Miss Bruxelles, vous a accusé de coups et blessures…

TURACI : Oui, la presse turque n’a pas hésité à mettre des titres du genre « Turaci frappe sa femme » ! Mais tout a été prouvé, c’est réglé. C’était juste un petit show de sa part, elle a essayé de se faire une petite publicité sur ma personne.

À votre départ du Standard, beaucoup pensaient que vous n’alliez pas réussir en Turquie. Est-ce que vous avez vécu votre succès au Fener comme une revanche ?

TURACI : Oui, parce que j’ai toujours donné le maximum pour réussir. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas doué comme Ronaldo qu’on n’a pas droit à sa chance. Je ne me considérais pas comme un des meilleurs de ma génération, mais comme un des plus travailleurs, c’est ça qui a fait la différence.

En dehors de vos deux Championnats, vous avez cependant tout perdu en Coupe : quatre finales disputées, zéro victoire.

TURACI : C’est une des choses qui m’a le plus marqué dans ma carrière : on a contribué à étirer une série de 12 ans sans victoire dans cette compétition. Le pire, c’est que quand j’ai quitté le Fener, ils ont remporté deux Coupes de Turquie quasiment successivement. Et je n’ai pas eu cette malédiction que là-bas : même chez les jeunes au Standard, je perdais les finales de Coupe (rires).

Qu’est-ce qui se passe quand on termine une saison sans titre à Fenerbahçe ?

TURACI : Les premiers jours se vivent sous une terrible pression. Surtout que la discussion avec les supporters ne sert à rien, il n’y a que sur le terrain qu’ils nous « écoutent » nous justifier.

Vous voilà désormais retraité. Qu’est-ce qui est au programme ?

TURACI : J’arrive sur mes 36 ans et il faut que je pense à l’avenir, à l’écart du foot. J’ai fait ma petite carrière vite fait et là ça va être autre chose, du nouveau. Je suis en train de reprendre un restaurant, j’ai envie d’implanter encore plus la restauration typique turque en Belgique. Après, j’envisagerai peut-être de revenir dans le foot comme coach.

PAR ÉMILIEN HOFMAN – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Roberto Carlos adorait sortir. Mais il ne ratait jamais un entraînement le lendemain.  » ONDER TURACI

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