« Je n’aime pas les baratineurs »

Le grand Nicolas est heureux au Zenit Saint-Pétersbourg depuis deux ans et demi… où il a très bien connu l’entraîneur des Diables.

Nicolas Lombaerts (24 ans) est en stage à Dubaï où le Zenit jette les bases de sa saison qui débute à la mi-mars. Troisième du dernier exercice, il veut reconquérir le titre 2007 et en décembre, il a choisi un nouvel entraîneur, l’Italien Luciano Spalletti (ex-AS Rome). Lombaerts a emménagé à Saint-Pétersbourg il y a deux ans et demi, après son transfert de Gand, contre quatre millions d’euros. Son départ l’a obligé à interrompre ses études de droit à mi-parcours. A l’époque, il effectuait un saut dans l’inconnu. Maintenant, il affirme avoir fait le bon choix.

Son contrat prend fin dans un an et demi. Sa situation actuelle est claire : quand il est fit, il joue. Il ne se tracasse pas pour son avenir, même si le Zenit vient d’acquérir Michael Luub, un défenseur international danois de 22 ans.  » Quand j’étais blessé, le club a transféré deux joueurs pour mon poste. L’un d’eux coûtait plus cher que moi mais dès que j’ai été rétabli, j’ai rejoué. « 

Un bonus malgré l’argent et le cadre de vie ?

Nicolas Lombaerts : Quand j’ai signé, je n’avais pas la moindre idée du monde qui m’attendait. Jamais je n’aurais imaginé pouvoir y mener une vie aussi agréable. Saint-Pétersbourg est une chouette ville. Je n’ai pas l’intention de la quitter. Je ne demande qu’à honorer mon contrat jusqu’à son terme, et si le Zenit me soumet une nouvelle offre de contrat, je l’étudierai avec un a priori favorable,… même si je ne dédaignerais pas un changement en fin de carrière. J’aimerais aussi pouvoir dire que je me suis produit dans un grand championnat : l’Angleterre, l’Espagne ou l’Italie.

Si le Zenit veut vous conserver, ce sera donc moyennant augmentation ?

Oui. En Belgique, on ne peut le dire sous peine de passer pour avide. Si je jouais à Anderlecht, personne ne parlerait argent… alors que le Zenit est meilleur qu’Anderlecht. Evidemment, on l’oublie puisqu’on n’y diffuse pas d’images du championnat russe. Cela a ses avantages. Si Kompany commet une erreur, tout le monde ne discute que de ça le lendemain. Si moi, je gaffe, les journaux n’en parlent pas. On ne parle de moi que quand je marque. Quant à l’argent, je sais que certains de mes coéquipiers gagnent beaucoup plus que moi. Je trouve d’ailleurs normal qu’un Danny Miguel touche plus. Il a été transféré du Dinamo Moscou pour 30 millions. Mes quatre millions n’étaient rien du tout !

Qu’avez-vous appris en deux ans et demi ?

Que je m’adapte rapidement à l’étranger. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit si aisé. Je n’ai absolument pas le mal du pays. Je n’ai pas non plus l’intention de revenir rapidement en Belgique. J’aimerais évoluer à l’étranger encore cinq ou six ans.

Le Standard se serait intéressé à vous en début de saison ?

Je pense qu’il s’est informé, en pensant qu’après ma blessure, je serais loué, mais je doute qu’il ait été prêt à verser une indemnité de transfert. J’ai entendu parler d’équipes intéressées mais je préfère ne pas en parler. Je trouve ridicules tous ces joueurs qui, en Belgique, récitent la liste de tous les clubs qu’ils pourraient rejoindre mais qui sont toujours dans la même équipe trois ans plus tard,… ou se retrouvent dans des clubs inférieurs.

Le déplacement à Grozny

Qu’est-ce qui vous a surpris, en Russie ?

Quand on opte pour un club russe, on se voit reprocher de préférer l’argent au football alors que le niveau du foot russe est vraiment relevé, surtout celui des ténors : le Zenit, Rubin Kazan, le Spartak Moscou, le CSKA Moscou, le Lokomotiv Moscou. Ce sont les cinq meilleures formations de la compétition. En Belgique, elles lutteraient pour le titre. Le Gand que j’ai quitté ne terminerait pas parmi les sept premiers en Russie. Les petites formations jouent bien aussi. Elles ne se contentent pas de balancer de longs ballons en avant et de courir après. Elles développent un football soigné, technique. Toutes les équipes moscovites alignent des Brésiliens. Même le Spartak Nalchik, un petit club que je pensais moins bon, m’a surpris : quel niveau, quel beau jeu !

Points noirs ?

Les longs déplacements et les conditions climatiques extrêmes. On joue parfois sous 40 degrés puis par -10°. On sent les déplacements dans les jambes. La saison à venir, nous avons un long voyage à Novosibirsk : six heures de vol. Ces longs trajets nous coûtent des points en déplacement. Seule Moscou est proche. D’ailleurs, chaque fois que nous y jouons, nous sommes accompagnés d’au moins 10.000 supporters, des Pétersbourgeois qui y travaillent ou s’y déplacent. Selon les normes russes, c’est un bref déplacement : cinq heures de route. Nous avons des supporters fantastiques.

Vous pouvez difficilement dire le contraire !

Qui me lirait, en Russie, si j’affirmais le contraire ? Je regrette seulement qu’à domicile, nous jouions dans ce bête stade sans toit, loges ni réception. Après le match, chacun remonte dans son véhicule. Cela va bientôt changer. La construction du nouveau stade avance bien et devrait être prêt en 2011. Ce sera un des plus beaux du monde, sur une presqu’île, dans la baie de Finlande, avec 62.000 places couvertes et un terrain qui peut être ramené sous terre !

Etiez-vous du voyage du Zenit à Grozny, la capitale tchétchène, théâtre d’une guerre civile jusqu’il y a quelques années ?

C’était mon premier match après ma blessure. Je suis entré dans les vingt dernières minutes de jeu. L’échauffement s’est déroulé dans une ambiance hostile. Ce n’était pas un déplacement comme les autres. Alors que nous partons la veille du match, nous avons effectué le trajet le jour même : il y a quelques années, l’hôtel où logeait l’équipe adverse a été pris sous des tirs. On ne prend plus de risques. Mais c’est très dangereux. Partout, il y a des agents de sécurité armés. Après Saint-Pétersbourg et Moscou, c’est Kazan la plus belle ville, très propre, avec des bâtiments rénovés. Le Kremlin est impressionnant. On l’aperçoit du stade. La mosquée est construite à côté de l’église. La moitié de Kazan est musulmane, l’autre orthodoxe. Samara et Perm sont moches et il pleuvait à Nalchik. L’eau s’infiltrait à travers le plafond et on avait placé des seaux dans la salle où nous mangions. La Russie reste le pays des extrêmes : il y a des gens très pauvres et d’autres très riches. A Saint-Pétersbourg aussi, on voit des vétérans de la guerre aux membres amputés. C’est choquant jusqu’à ce qu’ils sortent leur Gsm de leur poche.

Vous faites partie des riches.

En effet. Dans mon quartier, la qualité de la vie est bonne. Il y a même un café belge, le Café Kriek, pas loin de mon appartement. Il ne me manque pas grand-chose, à part peut-être un bon supermarché.

Si vous partez, ce ne sera pas pour des raisons financières car vous ne gagneriez pas plus ailleurs ?…

J’ignore ce qu’on paie ailleurs et quelle est la différence entre le brut et le net. Les contrats se négocient nets en Russie : je perçois ce qui a été convenu.

La langue russe

Lors d’interviews TV, vos réponses sont traduites de l’anglais au russe mais vous répondez aisément aux questions posées en russe. Le maîtrisez-vous ?

Je le comprends mais je ne le parle pas encore. J’avais l’intention d’apprendre mais j’ai effectué ma longue revalidation en Belgique, ce qui a contrarié mes plans. Si j’honore mon contrat ou que je le prolonge, je m’y mettrai car je dépends des autres pour tous les problèmes pratiques.

Le nouvel entraîneur choisira peut-être un autre défenseur central ?

Tout dépend de moi. Mieux vaut ne pas devenir footballeur professionnel si on tremble à chaque changement d’entraîneur. J’ai toujours joué sous la direction des deux précédents. Si je ne suis pas repris, c’est que je ne le mériterai pas et le club me laissera partir. Il se trouvera certainement une autre équipe qui veuille de moi, non ?

A votre arrivée, vous étiez inconnu. Cela a-t-il changé ?

Oui. On me reconnaît souvent, dans la rue, au restaurant. Je mets ma capuche sur la tête quand je vais au stade.

Vous avez terminé troisième du dernier championnat et avez inscrit le but décisif lors de l’ultime match : un bon résultat final ?

Oui : nous étions huitièmes à mi-parcours. Nous avons quand même pu jouer les qualifications de la Ligue des Champions. Kazan méritait son titre car il a été le plus régulier et avait conservé ses pions majeurs alors que nous avions perdu Arshavin et Tymoschuk.

Le renvoi d’Advocaat vous a-t-il surpris ?

L’ambiance n’était pas minée mais quand un candidat au titre est huitième, cela peut arriver. J’avais quand même cru qu’il achèverait la saison, que le club n’oserait pas s’en prendre à lui car il a obtenu les meilleurs résultats de l’histoire du club.

C’est lui qui vous a attiré à Saint-Pétersbourg ?

Il a embauché la moitié de l’équipe et j’ai rejoué après ma blessure. Mon premier match complet s’est déroulé à Kazan, le futur champion. Nous avons réussi un nul. Pendant mon absence, le club aurait pu trouver un meilleur défenseur axial. Il en a transféré deux : l’un est de nouveau à Monaco, l’autre, Fernando Meira, compte plus de 40 sélections pour le Portugal. Le fait d’être malgré tout titularisé m’insuffle énormément d’assurance.

 » Je n’ai jamais pris un verre avec Advocaat « 

Advocaat vous a-t-il payé pour glisser son nom à l’UB quand elle cherchait un sélectionneur ?

Des journalistes m’ont demandé ce que je pensais d’Adovocaat, si je croyais qu’il ferait un bon sélectionneur. Que pensaient-ils que j’allais raconter au sujet de mon ancien entraîneur de club et de mon futur patron ? Qu’il était mauvais ?

A-t-il tâté le terrain auprès de vous ?

Il m’a dit une fois que le poste l’intéressait, que nous avions beaucoup de talent et qu’on pouvait en retirer davantage mais j’ai gardé ses propos pour moi. Je n’avais aucun contact avec lui en dehors du club, ni à Saint-Pétersbourg ni plus tard. Je n’ai même jamais pris un verre avec lui. D’autres joueurs parlaient bien plus avec lui que moi. Je n’éprouve pas le besoin de disserter avec les entraîneurs. Quand il a pris congé, après son limogeage, je lui ai dit : -A bientôt en équipe nationale. Je n’ai plus eu de ses nouvelles jusqu’à ce qu’il devienne sélectionneur.

Y avez-vous retrouvé l’Advocaat que vous aviez connu en Russie ?

Un homme tout aussi motivé et direct. Je préfère un entraîneur qui me met sur le banc et me dit que je travaille mal et dois me ressaisir à un baratineur qui me fait un long discours sans queue ni tête. Je ne pense pas qu’Advocaat soit plus strict que Vercauteren ou que Vandereycken, au contraire : nous sommes plus libres qu’avant. Nous ne nous entraînons pas deux fois par jour. Ce n’est d’ailleurs pas bon quand on a un match important trois jours après un championnat lourd. Advocaat sent très bien quand on a besoin de repos et quand il faut travailler. Je préfère un seul entraînement corsé d’une bonne heure à deux séances à moitié réussies parce qu’on est encore fatigué du match joué deux jours plus tôt.

Y a-t-il un problème d’égos chez les Diables ?

Je ne trouve pas qu’il y ait beaucoup d’égos ni que certains joueurs ne se supportent pas.

Avez-vous été surpris par la façon dont Advocaat s’est énervé du sac Vuitton de Bailly ?

Ce n’est pas le sac de Logan qui l’a énervé : la moitié de l’équipe du Zenit en possède un pareil. Mais quand Nike est le sponsor technique de l’équipe nationale, il ne faut pas se balader avec un Vuitton devant les caméras.

Aimez-vous toujours jouer en équipe nationale ?

Naturellement. Cela reste prestigieux. On me regarde davantage quand je porte le maillot national. Personne ne sait ce que je fais en championnat de Russie. Mes parents ne me voient à l’£uvre qu’avec l’équipe nationale et je veux qu’ils rentrent heureux chez eux.

Achèverez-vous votre carrière en Belgique ?

Je ne jouerai en tout cas pas pour mon plaisir plus tard, vu que je n’avais jamais imaginé devenir footballeur pro. Je n’ai jamais été une bête de foot, qui suit tous les matches à la TV et je n’apprends les résultats de la Ligue des Champions que le lendemain, dans le vestiaire. Je ne suis jamais l’intégralité d’un match ! Et pendant les vacances, j’ai assisté à Arsenal-Aston Villa parce qu’Arshavin m’avait invité et que Londres est une chouette ville. Le foot ne passait qu’au second plan…

par geert foutré – photos: jelle vermeersch

Si je ne joue pas, c’est que je ne le mérite pas.

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