» JE N’AIME PAS DIRE QUE JE SUIS DU GÂCHIS « 

Certains se demandaient où était passé Giuseppe  » Pino  » Rossini. Ceux-là seront forcément surpris puisque pour retrouver sa trace, il faut se rendre au Luxembourg. Pas forcément très loin, mais à des années-lumière de là où on l’attendait : au FC Progrès Niederkorn.

Giuseppe Rossini, c’est une présélection pour le tournoi olympique de Pékin en 2008, sept saisons en Division 1, 32 pions au plus haut échelon national et depuis plus de deux ans une longue descente aux enfers qui l’a amené à se révéler au football luxembourgeois à même pas 30 ans. Un choix de carrière qui n’en est pas forcément un, mais qui a au moins eu le mérite de lui faire découvrir une autre idée de la vie de famille. Depuis l’été dernier, l’homme qui, gamin, rêvait d’évoluer à l’AC Milan s’est donc plongé au coeur du cocon de la BGL Ligue dans un club au nom évocateur, le FC Progrès Niederkorn.

 » Un club familial, comme peut l’être Malines, mais alors sans les supporters « , dit-il.  » Ici, on a quelques tambours et puis c’est tout. Ce n’est pas extraordinaire mais, pour nous, c’est déjà top.  » En quelques mois à peine, celui qui s’était fait évincer du onze de base de Charleroi par David Pollet au cours de la saison 2013-2014 a manifestement appris à revoir ses prétentions à la baisse. Rencontre avec un attaquant exilé, blessé, mais qui garde le moral en toutes circonstances :  » Je ne jouerai jamais à l’AC Milan, mais je suis quand même fier de ma chouette petite carrière en Belgique.  » Pas de quoi dramatiser donc.

Giuseppe, avec quel statut un joueur avec ton expérience débarque-t-il en Division 1 luxembourgeoise, à Niederkorn ?

GIUSEPPEROSSINI : Je ne vais pas dire que je suis l’attaquant vedette, mais je reste un joueur important de l’équipe. L’arrivée d’un joueur professionnel dans un championnat plutôt amateur fait qu’il existe certaines attentes sur mon compte, mais j’ai directement dit que je n’étais ni Messi ni Ronaldo. Et ça marche, le club me fait confiance à 300 %.

On t’a entendu saluer le travail de ton agent, Robert Jansen, mais entre nous, se retrouver dans un club luxembourgeois à seulement 29 ans, ça ne sent pas un peu la fin de carrière anticipée ?

ROSSINI : C’est un risque qu’il faut prendre. Avant de signer quoi que ce soit, j’ai discuté avec les dirigeants du FC Progrès. Leur discours m’a fait rêver, donc je n’ai pas hésité longtemps face au nouveau défi qui m’était lancé parce que je ne suis pas encore mort. C’est un club qui ambitionne le titre dans les années à venir, même si F91 Dudelange et le CS Fola Esch sont un cran au-dessus cette saison. J’ai fait confiance à mon agent et je n’ai pas de regrets. L’Europa League aussi a pesé dans la balance. Même si ça reste les premiers tours de la compétition, ça fait toujours quelque chose. J’espère pouvoir la jouer l’année prochaine aussi.

On prend autant de plaisir à jouer la Coupe d’Europe quand l’histoire débute le 30 juin et qu’elle s’arrête le 07 juillet ?

ROSSINI : Oui, parce que jouer contre une équipe comme les Shamrock Rovers, 17 fois champion d’Irlande, ce n’est pas rien. C’est une équipe connue qui a un passé en coupe d’Europe. Du coup, ce n’était pas un tirage très facile, même si à la maison on doit gagner 2 ou 3-0. C’était mon premier match, et j’ai mis une tête sur le poteau et une autre directement sur le gardien. Finalement, on prend 3-0 là-bas.

 » JE PROFITE DAVANTAGE DE LA VIE MAINTENANT  »

Il n’y a pas que la Coupe d’Europe. Ton arrivée au Luxembourg a dû changer pas mal tes habitudes…

ROSSINI : Il y a beaucoup de choses qui ont changé, effectivement. Ici, c’est moins professionnel qu’en Belgique. À l’époque, je m’entraînais deux fois par jour, ici je ne m’entraîne qu’une fois, le soir. Ce n’est pas le même style de vie, ça c’est une certitude, mais je profite beaucoup plus maintenant.

Quand j’étais en Belgique, sous la houlette de Jacky Mathijssen, je quittais la maison à 7 h pour arriver à l’entraînement de 9 h et quand je rentrais, il était facilement 18-19 h. Aujourd’hui, je pars en fin d’après-midi et je reviens pour le souper.

Rassure-nous, tu perçois aussi de réelles différences d’un point de vue plus sportif entre le championnat belge et celui du Luxembourg ?

ROSSINI : Sans aucun doute. Je dirais que les quatre, cinq meilleures équipes luxembourgeoises valent la D2 belge, le reste c’est plus faible, c’est plus du niveau de la D3, mais le championnat luxembourgeois s’améliore et veut progresser d’année en année sans pour autant brûler les étapes. On compte quelques professionnels au sein du noyau comme Ismaël Bouzid, un ancien de Galatasaray, Samuel Dog, ex-Mouscronnois, moi-même et encore d’autres gars qui ont évolué en CFA en France.

Il ne faut pas oublier non plus que la plupart des joueurs ont un travail à côté. Moi, si je l’avais voulu, j’aurais pu avoir un boulot, mais je n’en ai pas vraiment envie, car je suis déjà pas mal sur la route pour faire les allers-retours entre la Belgique et le Luxembourg, même si faire 400 bornes par jour ne me dérange pas. Et puis vous savez, même quand j’étais en Belgique je faisais de la route. Quand j’étais à Zulte Waregem, à Courtrai, à Malines ou à OHL, je me tapais à chaque fois 2 heures de route.

Outre le niveau footballistique, on imagine que le décalage au niveau du strict aspect financier doit se faire ressentir pour un père de famille qui approche tout doucement de la trentaine ?

ROSSINI : Il y a clairement moins d’argent qu’en Belgique. Mais ceux qui combinent le football avec un travail à côté, ils finissent leur mois tranquillement. Si, un jour, j’ai du mal à boucler les deux bouts, j’irai aussi me trouver un job. Mais, pour le moment, je n’y pense pas.

Même si je ne me suis jamais imaginé combiner le football avec un boulot, on ne sait jamais ce qui peut arriver dans ce sport. Il ne faut pas oublier qu’en football on descend plus vite qu’on remonte.

 » QUAND JE CRAQUE MENTALEMENT, JE PERDS VITE LES PÉDALES  »

Ce n’est pas frustrant de jouer un rôle important dans la montée de l’OHL la saison dernière en D1 sans pouvoir y évoluer l’année d’après ?

ROSSINI : Frustrant, non, car je suis heureux ici. Je savais que j’allais débarquer au FC Progrès avant même de disputer les play-offs avec OHL. Cela ne m’a pas empêché d’être très content de savoir que le club remontait en D1. Mais de mon côté, j’étais motivé par ce nouveau défi. En Belgique, quel club m’aurait proposé un contrat de quatre ans ? Dans le foot, quatre ans c’est long. Dès lors, je n’ai pas hésité longtemps rien que pour sécuriser l’avenir de mon enfant et de ma femme. Peut-être que Louvain m’aurait offert un contrat d’un an, c’est vrai. Mais après, j’aurais fait quoi ? Un an de contrat à OHL, ça n’en vaut quand même pas quatre au Luxembourg. Et puis, de toute façon, aucun club belge ne s’est manifesté en fin de saison dernière. Tout ce que je peux vous dire, c’est qu’ici, au Luxembourg, je gagne presque deux fois moins bien ma vie qu’à Charleroi.

T’as un peu suivi l’actualité entourant OHL avec le départ forcé de Jacky Mathijssen et l’arrivée d’Emilio Ferrera ?

ROSSINI : Honnêtement, c’est mon père qui me l’a annoncé. Mais j’ai entendu dire que l’ambiance dans le vestiaire s’était quelque peu détériorée, tandis qu’à mon époque, l’atmosphère était super. Mais bon, ce n’est pas comparable. Une fois en D1, certains joueurs commencent à parler à gauche et à droite dans le vestiaire et ça se paye cash.

Comment expliques-tu les départs de certains joueurs indispensables, tels que Dion Cools ou Logan Bailly, à la montée d’OHL en D1 ?

ROSSINI : À l’heure actuelle, Logan Bailly est l’un des meilleurs gardiens belges selon moi. C’est vraiment du gâchis de la part de l’OHL. Déjà en sélection chez les jeunes, il était au-dessus du lot. C’est un super gardien avec énormément de qualités. J’ai toujours eu un bon rapport avec lui. Concernant Cools, on peut le comprendre puisque c’est quand même le Club Bruges qui est venu frapper à sa porte… Mais je comprends aussi le départ de Logan vers le Celtic, c’est un pas en avant. Ce qui n’empêche pas qu’OHL garde une bonne équipe. Il leur faut deux, trois victoires de rang et la machine va se lancer.

Quand tu dis que Bailly c’est du gâchis, c’est un peu paradoxal par rapport à ta propre situation, tu ne trouves pas ?

ROSSINI : Peut-être que certaines personnes pensent ça de moi, c’est possible. Vous le savez d’ailleurs probablement mieux que moi. Je n’aime pas dire que je suis du gâchis, sinon les gens vont penser que j’ai pris la grosse tête. Mais c’est vrai que quand je repense à ma période courtraisienne et malinoise, je me dis que si j’avais été plus fort mentalement, j’aurais peut-être pu viser plus haut en D1, peut-être même goûter à une ou deux sélections avec les Diables, qui sait ? Malheureusement, quand je craque mentalement, je perds vite les pédales, je stresse et j’ai peur de perdre mes premiers ballons. Ce sont ceux-là qui sont les plus importants parce que si tu rates tes déviations en début de match, le public se met à siffler. Et, pour moi, ça a toujours été difficile de devoir composer avec cette pression. J’ai souvent été abattu dans le vestiaire après un match. Dans ce cas-là, il n’y a que la famille qui peut te permettre de tourner le bouton.

PAR KEVIN JONCKHEERE ET MARTIN GRIMBERGHS – PHOTOS DAVID STOCKMAN

 » En Belgique, quel club m’aurait proposé un contrat de 4 ans ?  » GIUSEPPE ROSSINI

 » J’ai toujours eu des difficultés à composer avec la pression.  » GIUSEPPE ROSSINI

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