» JE N’AI PLUS LE DROIT À L’ERREUR « 

Après avoir galéré une saison en Italie, Maxime Lestienne veut rattraper le temps perdu. Sans trop s’éloigner de sa base et de sa famille. Rencontre avec le successeur de Memphis Depay au PSV.

Début d’après-midi au centre d’entraînement du PSV, le Herdgang. Le public venu assister à l’entraînement du jour quitte petit à petit les lieux. Le lieu est calme et discret. On a même du mal à croire que l’on se trouve chez le champion des Pays-Bas qui s’apprête à disputer cette saison une nouvelle campagne en Ligue des Champions. Les joueurs, eux, sortent au compte-gouttes après avoir traversé la cuisine de la cantine où discutent stewards et supporters. Une ambiance plutôt familiale qui contraste avec le statut du club. Le nouvel arrivant, Maxime Lestienne tombe même sur des supporters du Club venu le saluer.

 » J’ai bloqué quand je les ai vus. Ils étaient là avec leur maillot de Bruges au milieu des supporters du PSV. Il ne faut pas avoir froid aux yeux. En tout cas, ça fait plaisir de voir qu’ils ne m’ont pas oublié.  » L’ex-gaucher du Club ne passe toujours pas inaperçu même s’il préfère rester discret médiatiquement  » En fait, me retrouver dans les médias, ça ne change pas grand-chose à ma vie. Ce qui m’importe désormais, c’est de tout faire pour briller ici car j’ai déjà perdu une saison l’an dernier en Italie. Cette fois, je n’ai pas le droit à l’erreur, cette saison au PSV va être très importante pour moi.  »

Tu estimes avoir perdu ton temps l’an dernier à la Genoa ?

Maxime Lestienne : J’ai appris des choses mais je n’ai pas assez joué et surtout je n’ai pas su être suffisamment décisif. Je me suis mis beaucoup de pression, notamment pour marquer. J’avais des opportunités mais je faisais n’importe quoi devant le but.

Tu regrettes ce passage par le Calcio ?

Lestienne : Non, pas du tout. Si je me suis retrouvé là-bas, c’est parce que j’en avais envie. Mais bon, premièrement, je n’ai jamais reçu la confiance de l’entraîneur et deuxièmement, quand je recevais ma chance, j’étais incapable d’être décisif. Et pour un élément offensif, même si t’es bien dans le match, on te juge là-dessus.

Pourquoi la Genoa a-t-elle voulu te transférer si l’entraîneur, Gian Piero Gasperini, ne croyait pas en toi ?

Lestienne : A la base, je devais signer au Milan AC où je me suis même rendu pour rencontrer les dirigeants. Mais vu que ça a un peu traîné et qu’on était déjà fin août, j’ai préféré tourner la page Milan, d’autant qu’il y avait aussi la Fiorentina, Udinese et Genoa qui étaient intéressés. Finalement, j’ai accepté l’invitation de la Genoa qui disputait un match face à Naples et j’ai signé dans la foulée.

Tu as toujours dit avoir un faible pour l’Italie. Pour quelles raisons ?

Lestienne : J’ai toujours bien aimé ce championnat. Et petit, j’aimais bien Totti. J’ai joué contre lui donc, rien que pour ça, je peux être heureux de mon passage. Mais aller lui demander son maillot, ça ne fait pas trop partie de ma personnalité.

C’est dur, l’Italie, pour un jeune joueur ?

Lestienne : Oui. Tactiquement surtout, d’autant qu’on me demandait de beaucoup défendre, ce que je n’aime pas tellement. Je reste un joueur offensif, qui effectue son boulot défensif, mais quand tu joues extérieur gauche et que tu te transformes en arrière gauche, ça me pose problème. J’avais envie de retrouver mon football. A un moment, j’ai décidé de jouer mon jeu et ça s’est évidemment mal passé avec le coach. Il n’y a pas eu de clash mais il m’évitait tout simplement.

Tu as toujours eu une personnalité affirmée. Très jeune, à Bruges, tu n’as pas hésité à dire ce que tu pensais à Adrie Koster notamment.

Lestienne : Oui, c’est mon caractère. Je ne parle pas au coach comme je parle à un joueur, je suis plus prudent. Mais si j’ai des choses à dire, je les dis. J’ai parlé au coach de la Genoa mais apparemment il s’en foutait. Cette franchise, je pense que c’est aussi une de mes qualités. Je ne vais pas l’ouvrir pour blesser les gens mais j’ai toujours dit ce que je pensais.

LA FAMILLE COMME NOYAU DUR

Quelles sont les personnes qui ont compté dans ta carrière ?

Lestienne : Mes parents d’abord et aussi mes amis d’enfance à Mouscron. Il y a aussi les entraîneurs en jeunes qui m’ont fait grandir. Mais mon noyau dur, ça reste ma famille. Heureusement qu’ils étaient là. Même si je ne pense pas avoir traversé de vrais moments difficiles. J’ai toujours pensé que mon métier ce serait le foot. Le reste, l’école, le boulot, j’en avais un peu rien à foutre.

Et si tu n’avais pas eu le foot ?

Lestienne : Alors là…. Je pense que j’aurais été dans la merde.

Tes amis d’enfance, ils font quoi par exemple ?

Lestienne : Ils travaillent à l’usine ou sont au chômage. Je sais qu’il vaut mieux avoir quelque chose derrière car je n’avais pas la certitude de réussir, une blessure ou un accident de la vie, ça peut vite arriver. Mais comme j’étais têtu et que je ne pensais qu’au foot, j’ai tout laissé tomber. Le foot, c’est mon seul diplôme. Mes parents m’ont poussé à continuer l’école mais à 16 ans, je n’en faisais qu’à ma tête. Et j’ai aussi grandi dans un certain environnement…

Le quartier du  » Nouveau Monde  » à Mouscron

Lestienne : Oui, voilà. J’ai gardé mes potes du quartier mais on ne traîne plus au  » Nouveau Monde « , on a tous grandi, on travaille, on a une famille. Désormais ce sont les petits qui ont pris la relève (il rit).

Tu aimes retourner à Mouscron ?

Lestienne : Evidemment, j’ai toute ma famille qui s’y trouve encore.

A 17 ans, tu pouvais déjà rejoindre le PSV mais tu as finalement opté pour Bruges. On a alors dit que c’était parce que tu étais supporter du Club.

Lestienne : Supporter, c’est un grand mot. Mais si je devais regarder un match à la télé, c’est pas Anderlecht que j’allais mater mais Bruges. En fait, parmi les nombreux clubs qui me suivaient, trois clubs m’intéressaient : Lille, Bruges et le PSV, le reste avait été rejeté. Au final, ça s’est joué entre Bruges et le PSV. Mais comme je n’avais que 17 ans et que je voulais rester chez mes parents, j’ai choisi le Club.

Tu es satisfait de ton expérience brugeoise ?

Lestienne : Oui, même si ça a été difficile au début car j’ai très peu joué ; je découvrais un autre monde. Quand Christoph Daum est arrivé, ça s’est très bien passé, j’ai reçu du temps de jeu. Mais c’est à partir de l’arrivée de Garrido que j’ai éclaté.

C’est cette liberté qui t’était offerte sous Garrido qui t’a permis d’éclater ?

Lestienne : Oui, le jeu était très offensif et Bacca, Reafaelov et moi, nous changions sans arrêt de position. J’étais libre, c’était parfait pour moi.

Comment expliques-tu que Bruges court après le titre depuis tant d’années ?

Lestienne : Franchement, je ne sais pas. C’est grave, surtout pour les supporters.

MERCI AUX SUPPORTERS DE BRUGES

Des supporters qui ont fait de toi leur coqueluche alors que tu es wallon, tu ne parles pas flamand. Comment expliques-tu cette popularité ?

Lestienne : Il y a aussi Blondel ou Sterchele avant. Apparemment, ils aiment bien les Wallons à Bruges (il rit). Je crois surtout que c’est un public qui aime les duels et surtout les joueurs qui donnent tout sur le terrain. Quand t’arraches un ballon, tu les sens derrière toi. Les supporters de Bruges ne vont jamais aimer quelqu’un qui se la raconte. Je dois les remercier car ils m’ont donné beaucoup, surtout quand ça allait moins bien.

Ils ont aussi de l’humour comme quand on avait pu apercevoir dans les tribunes la pancarte  » No sex no glory  » après ton exclusion de l’équipe Espoir.

Lestienne : Oui, j’ai bien aimé, c’était marrant. C’est aussi un trait de leur mentalité. Quand ils sont derrière toi, ils ne te lâchent jamais.

Aujourd’hui, tu appartiens au club qatari d’Al Arabi où tu as signé pour cinq ans l’été passé. Tu n’as pas peur d’être dépendant de leur choix pour la suite de ta carrière ?

Lestienne : Non. C’est moi qui décide où je veux aller. Si Al Arabi est d’accord avec mon choix et qu’au niveau business, ça les convient, il n’y a pas de problème.

D’autres clubs que le PSV étaient intéressés ?

Lestienne : Oui, en Turquie notamment et en Italie. Mais moi je voulais jouer ici car je sais que je vais m’y sentir bien. Ça fait un petit moment que le club me suit.

Tu as conscience d’être un produit, un investissement pour Al Arabi ?

Lestienne : Oui, bien sûr. J’ai toujours su qu’on allait me trouver un club en Europe et que je ne jouerais jamais au Qatar. Au-delà de l’aspect financier, c’était pour moi un bon plan de carrière, signer pour cinq saisons et être prêté chaque année. Sauf si un club décide de lever l’option.

Tu ne rêves pas d’un peu de stabilité ?

Lestienne : Ça dépendra de ma saison au PSV. Si je réalise une grosse campagne et que le club veut m’acheter, tant mieux.

Tu n’as pas le sentiment de stagner en passant finalement du PSV à Bruges avec une escapade en Italie ?

Lestienne : J’estime faire un pas en avant par rapport à Bruges. J’ai très vite remarqué que le niveau était plus élevé. Techniquement, ça va plus vite. En Belgique, on est peut-être plus physique alors qu’ici ça joue davantage au foot. Et notre jeu est très offensif, il y a tout ici pour que je prenne mon pied.

Lors de ton arrivée ici, on t’a présenté comme le remplaçant de Memphis Depay. C’est d’une part pas mal de pression mais aussi une solide marque de confiance.

Lestienne : C’est vrai, même si je ne suis pas du genre à me mettre la pression. Et je ne suis pas Memphis Depay, je suis Maxime Lestienne. Avec mon propre style de jeu, un jeu qui est quand même très différent de celui de Depay.

A l’image du transfert de Depay à Manchester United, le PSV est aussi réputé pour bien vendre. Tu en avais conscience avant de signer aussi ?

Lestienne : Je sais que c’est un club qui a une très bonne image au niveau européen. Mais je ne suis pas ici dans l’optique d’un futur départ. Je veux d’abord goûter à la Ligue des Champions. Quand tu regardes les infrastructures, les terrains, l’atmosphère dans le club, la confiance du coach (Phillip Cocu), le fait que je peux retourner dans ma famille quand je veux, je ne peux que me sentir bien. Ça n’a rien à voir avec l’Italie où les infrastructures sont parfois dans un sale état. Et cette fois, j’ai pris mes précautions, j’ai parlé au coach avant de signer pour lui expliquer que je ne peux plus perdre une année. J’ai vu qu’il comptait sur moi et qu’il me connaissait apparemment depuis un petit temps.

ROBBEN PAR HASARD

Une autre comparaison qui revient souvent, c’est celle avec une autre ancienne gloire du PSV, Arjen Robben. Tu t’inspires de son jeu ?

Lestienne : On m’a déjà dit que j’effectuais les mêmes gestes que lui. Et pourtant je ne m’en suis jamais inspiré. Gamin, j’aimais bien Totti et pourtant mon style de jeu n’a rien à voir. Le fait que je ressemble à Robben est du pur hasard. Aujourd’hui, je préfère Cristiano Ronaldo davantage que Messi car je le trouve plus complet mais je n’essaie pas de le copier pour autant.

Ce qui frappe les observateurs, c’est également ta faculté à multiplier les sprints pendant un match. Comment as-tu développé ce  » coffre  » ?

Lestienne : Je ne sais pas, j’ai toujours eu une bonne condition physique depuis tout petit. Je me défonce sur un terrain et je ne ressens la fatigue qu’après coup. J’ai besoin d’être libre, j’ai besoin d’espace, ce que je n’avais pas en Italie. Si j’ai le jeu devant moi, je peux faire parler ma vitesse et ma conduite balle ; ce sont mes deux principales qualités. Et je suis aussi capable d’éliminer un homme.

Que penses-tu devoir améliorer ?

Lestienne : Être plus constant. Être capable d’enchaîner les matches à un bon niveau. Il est arrivé trop souvent que je réalise une bonne rencontre et que les trois suivantes soient décevantes.

On ne peut pas dire que tu te montres très motivé aux entraînements non plus ?

Lestienne : Je sais. Ce qui compte pour moi, c’est le match. Le reste, les échauffements, les courses sans ballon, je vais les faire évidemment mais c’est pas mon truc. En Italie, il n’y avait pas beaucoup de ballon, c’était très physique, c’était donc pas très drôle.

En juin 2013, tu avais participé au stage aux Etats-Unis avec les Diables. Depuis, tu n’as plus jamais été rappelé. Rêves-tu secrètement d’encore accrocher une place pour l’Euro 2016 ?

Lestienne : Il y a énormément de bons joueurs, le groupe est très fort mais très honnêtement, je n’y pense même pas : je me concentre sur ce que j’ai à faire en club, c’est tout.

Mais tu penses que c’est encore possible ?

Lestienne : Je dois d’abord faire les choses bien avant d’espérer me retrouver en équipe nationale. S’il n’y a pas l’Euro 2016 au bout de la saison, ça ne va pas m’empêcher de dormir.

PAR THOMAS BRICMONT À EINDHOVEN – PHOTOS BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

 » S’il n’y a pas l’Euro 2016 au bout de la saison, ça ne va pas m’empêcher de dormir.  » MAXIME LESTIENNE

 » Le foot, c’est mon seul diplôme.  » MAXIME LESTIENNE

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