» JE N’AI PAS ENCORE ATTEINT LE SOMMET « 

Ces dernières années, Eden Hazard est devenu une star mondiale à l’image de Diables Rouges passés du statut d’espoir à celui de favori des grands tournois.  » Mais il faut maintenant battre les grandes nations « .

Nous avons rendez-vous avec Eden Hazard (24 ans) le jour où le champion du monde et champion d’Europe Pedro est présenté à Chelsea. Mais le Diable Rouge ne fait aucune allusion à ce concurrent supplémentaire dans la ligne d’attaque de son équipe. Car, oui : Chelsea est bien devenu son équipe. C’est donc un Hazard détendu qui s’est présenté, avec dix minutes d’avance, pour une séance photo de son sponsor Nike et une interview avec Sport/FootMagazine.  » Un vrai professionnel « , acquiesce le responsable presse de la célèbre marque à la virgule. L’époque où Eden prenait tout à la légère et se permettait d’aller manger un hamburger après avoir été remplacé, est bel et bien révolue.

Hazard est, entre-temps, devenu l’un des porte-drapeaux de Nike. Ce n’est pas rien, lorsqu’on sait que CristianoRonaldo, Neymar et Mario Götze sont également sous contrat avec l’équipementier américain. Des journalistes du monde entier se déplacent à Londres pour recueillir quelques déclarations de l’attaquant qui, la saison dernière, avait été élu meilleur joueur de Premier League, tant par la presse que par ses collègues footballeurs. Pas seulement des journalistes sportifs, également des représentants de magazines de mode. Cela en dit long sur le statut qu’a acquis notre compatriote.

Au studio cinématographique où a été fixé le rendez-vous, une équipe de cameramen danois du canal YouTubeUnisportWebTV est également présente. Elle parcourt le monde et rentre précisément de voyages à Madère et Rosario, où elle a réalisé des reportages sur les racines de Ronaldo et LionelMessi. Aujourd’hui, c’est donc au tour d’Eden. Mais nous, ce qui nous intéresse, ce sont les Diables Rouges. Encensés par l’Europe entière, qui voit en eux l’un des favoris du prochain Championnat d’Europe, sur base de la somme de talents qu’ils recensent.

Un peu prématuré, car la qualification n’est pas encore acquise. La Belgique n’occupe même pas la première place de son groupe : celle-ci est l’apanage du Pays de Galles. Les prochains matches contre la Bosnie (3/9 à Bruxelles) et Chypre (6/9 à Nicosie) seront cruciaux. Surtout après le faux-pas enregistré à Cardiff, et cette défaite 1-0 face aux Gallois suite à une erreur de Radja Nainggolan. Marc Wilmots, sous pression après son flirt avec Schalke 04, n’avait pas besoin de cela.

En l’absence de Vincent Kompany, Hazard avait été promu capitaine de l’équipe, en juin. Pas le meilleur moment pour porter le brassard.  » En fait, je ne me suis pas trop tracassé avec cela. Le terrain, c’est une chose. Ce qu’il se passe en dehors, c’est une autre chose. Je préfère tout bien séparer. Pas question, donc, d’évoquer un éventuel cadeau empoisonné.  » Contre la France, nous avions très bien joué. Contre le Pays de Galles, un peu moins… (il soupire) Dommage, sinon j’aurais pu dire que l’équipe avait gagné deux fois sous mon capitanat. (il redevient sérieux).

Mais, que je porte le brassard ou pas, je veux toujours montrer l’exemple. Zinédine Zidane a été un modèle pour moi, et j’aimerais que dans dix ans, les jeunes d’aujourd’hui avouent s’être inspirés de moi. Un bon footballeur et un homme de qualité, voilà ce que je voudrais que les gens retiennent de moi.  »

 » LES DIABLES, C’EST PLUS COMPLIQUÉ QUE CHELSEA  »

Comment évalues-tu la campagne de qualification, jusqu’à présent ?

EDENHAZARD : Nous avions bien débuté, mais les deux matches contre le Pays de Galles ont été décevants. Les Gallois sont des adversaires compliqués, ils ne songent qu’à défendre et reculent constamment. Lors du dernier match, je trouvais pourtant que nous étions bien en place, mais l’efficacité faisait défaut dans les derniers mètres. Les regards se portent alors sur moi, mais je trouve que je ne me suis pas mal débrouillé (Hazard a d’ailleurs été élu homme du match, ndlr). Il n’a manqué qu’un petit but.

Comment expliques-tu que le Hazard de Chelsea ne soit pas le même que celui de l’équipe nationale ?

HAZARD : Je ne suis pas mécontent de mes deux dernières saisons en équipe nationale. Certes, j’aimerais marquer plus, mais j’ai tout de même livré quelques solides prestations et les résultats étaient bons. La Belgique, ce n’est pas seulement Eden Hazard, il y a beaucoup de bons joueurs. En outre, à Chelsea, je peux m’appuyer sur des automatismes, ce qui est logique puisqu’on est tous les jours ensemble. On sait comment chacun se déplace et aime recevoir le ballon. En équipe nationale, c’est plus compliqué, il y a parfois des incompréhensions. C’est une question de temps. Le Championnat d’Europe constituera un bon baromètre pour savoir où nous en sommes sur ce point.

Un an a passé depuis la Coupe du Monde, le premier grand tournoi auquel cette génération a participé. Avec le recul, qu’en retiens-tu et quelle leçon en as-tu tiré ?

HAZARD : Ce fut une belle expérience, mais quand j’y repense, j’en garde quand même un goût de trop peu en raison de l’échec contre l’Argentine. Si nous avions plus cru en nous-mêmes (il frappe du poing dans la paume de sa main), nous aurions peut-être pu passer. L’Argentine n’était pas imbattable ce jour-là. Je n’ai plus revu ce match, le chapitre est clos en ce qui me concerne. Je me concentre désormais sur le Championnat d’Europe 2016 et la Coupe du Monde 2018.

La Belgique s’est hissée à la deuxième place du ranking FIFA. Les attentes sont grandes.

HAZARD : Nous avons une très bonne équipe, mais de là à être classé deuxième, c’est peut-être exagéré. D’autres pays sont meilleurs que nous. Pour justifier notre statut, nous devons gagner contre les grandes nations. Beaucoup dépendra de nos prestations au prochain EURO. Du moins, si nous nous qualifions, ce qui n’est pas encore fait.

La montée en puissance des Diables Rouges va de pair avec votre propre évolution. Est-ce une simple coïncidence ?

HAZARD : Dès le début, le potentiel de cette génération était perceptible. J’ai intégré l’équipe lorsqu’elle ne tournait pas encore très bien et j’ai suivi tout le chemin qui l’a amenée au sommet. J’ai vu arriver, chaque année, de plus en plus de bons joueurs. Aujourd’hui, nous pouvons nourrir de grandes ambitions.

 » JE NE ME CONSIDÉRERAI JAMAIS COMME UNE VEDETTE  »

Et toi-même, jusqu’où te sens-tu capable d’aller ?

HAZARD : Le même raisonnement vaut pour moi. J’ai atteint un certain palier, mais je veux encore aller plus haut. Je veux progresser tous les jours, je ne suis pas encore arrivé au sommet.

Est-ce difficile de rester toi-même avec le statut que tu as acquis ?

HAZARD : A partir du moment où l’on joue dans un club du top comme Chelsea, beaucoup de choses changent. Cela fait partie du métier. Je ne dois pas trop me priver, mais jadis, je pouvais encore me balader incognito. Ce n’est plus le cas. C’est pourquoi, je préfère rester à la maison. A Londres, les gens vous laissent pourtant tranquilles, mais je n’ai encore visité la City qu’au volant de ma voiture.

Tes fils, Yannis et Leo, ont-ils déjà conscience de ce que fait leur père pour gagner sa vie ?

HAZARD : Parfois. Lorsque je dois signer des autographes par exemple. Ils me demandent pourquoi je fais cela. (il sourit) L’aîné, Yannis, a presque cinq ans et il comprend que je suis un footballeur professionnel. Ils adorent d’ailleurs tous les deux le football.

Tu as déjà disputé trois saisons en Premier League. Dans quelle mesure la compétition la plus médiatisée du monde t’a-t-elle transformé ?

HAZARD : Je suis devenu un meilleur footballeur, c’est sûr. Aujourd’hui, je connais ce championnat sous tous ces aspects, j’ai acquis de l’expérience. A Lille, j’étais un joueur talentueux, aujourd’hui je suis un bon footballeur respecté par les adversaires. Je ressens ce respect, mais je ne me considérerai jamais comme une vedette.

Ce nouveau statut te confère aussi de nouvelles responsabilités.

HAZARD : (hausse les épaules) A Lille aussi, je prenais déjà mes responsabilités. Lorsqu’il s’agit d’influencer un résultat, les regards se portent vers moi. Il en a toujours été ainsi. Mais à Chelsea, je ne suis pas seul : DiegoCosta et CescFábregas peuvent aussi être décisifs. Il y a beaucoup de grands noms dans l’équipe, mais j’ai tout de même réussi à m’y faire une place. Je suis chargé de tous les penalties, par exemple. Il n’y a aucune discussion à ce sujet. Cela, c’est nouveau.

La relation entre José Mourinho et toi apparaît étrange. Il aime les combattants, une équipe qui se donne corps et âme. Or, il t’apprécie énormément alors que tu es plutôt du genre tranquille.

HAZARD : Dans la bouche de Mourinho, on n’entend effectivement qu’un seul mot : gagner, gagner et encore gagner. Cela a nécessité une certaine forme d’adaptation chez moi, car j’étais plus joueur que gagneur. Je jouais pour m’amuser. J’ai appris que, même lorsqu’on menait 3-0, on ne pouvait pas se relâcher et qu’il fallait chercher à inscrire un petit but supplémentaire. J’ai eu de nombreuses discussions avec lui à ce sujet, car nos caractères sont effectivement très différents, mais nous nous respectons mutuellement. Enormément, même.

 » JE NE SERAI JAMAIS UN VRAI BUTEUR  »

Mourinho a-t-il fait de toi un footballeur plus tactique ?

HAZARD : Je dois reconnaître que j’aime avoir une certaine liberté d’action sur le terrain. Je ne dois pas trop me préoccuper des schémas tactiques et je peux me concentrer sur l’aspect offensif. Autrefois, je devais tout faire : défendre et attaquer. Désormais, le coach m’autorise à rester devant. Je reste ainsi plus frais en zone de conclusion.

Tu répètes souvent que tu dois marquer davantage. Est-ce une question mentale ou cela peut-il s’apprendre à l’entraînement ?

HAZARD : Je me pose souvent la question : serais-je capable, comme Messi et Ronaldo, d’inscrire 50 ou 60 buts sur une saison ? J’essaie, mais je me rends compte que je ne serai jamais un vrai buteur. Ce n’est pas dans mes gènes. C’est principalement une question mentale : à 2-0, je ne dois pas penser que la messe est dite. Or, il m’arrive encore de penser après un seul but que l’essentiel est acquis. Je ne pars pas à la chasse aux records, comme d’autres joueurs. Si je peux marquer 15 ou 20 buts par saison, je suis satisfait. Je dois donc poursuivre sur mon élan.

La différence entre les championnats explique-t-elle cela ? En Espagne, tu inscrirais peut-être aussi 30 buts par saison ?

HAZARD : Ronaldo avait tout de même beaucoup marqué en Angleterre aussi. Mais, peut-être avez-vous raison : c’est peut-être un peu plus facile de trouver le chemin des filets en Espagne. En Premier League, les matches se décident souvent sur un but d’écart. Les équipes se tiennent de plus près. Enfin, c’est théorique. Finalement, on constate que Ronaldo et Messi maintiennent leur moyenne chaque saison. Chaque année, on se dit qu’ils marqueront moins, mais non : au contraire, ils marquent encore plus ! (il rit)

La majorité des Diables Rouges évoluent en Angleterre. Cela a-t-il une influence sur le style de jeu et la mentalité de l’équipe ?

HAZARD : Fellaini et Kompany ont ouvert la voie. Puis, tout le monde a suivi. C’est chouette, car on se livre une petite compétition interne entre nous. On se moque de celui qui termine le plus bas en Premier League… et les champions peuvent se pavaner. Cette année, c’était au tour de Thibaut (Courtois, ndlr) et l’an prochain, ce sera peut-être au tour de Vincent. Mais, pour répondre à votre question, je ne pense pas que cela influence le style de jeu de l’équipe nationale. Tout compte fait, chacun pratique un style de football différent dans son club. Chez les Diables Rouges, on essaie d’appliquer les consignes de Wilmots.

Que peut-on te souhaiter pour l’an prochain ?

HAZARD : Un bon Championnat d’Europe. Et si l’on pouvait gagner la Ligue des Champions, je prendrais aussi. (il rit)

PAR MATTHIAS STOCKMANS – PHOTOS NIKE

 » Je ne pars pas à la chasse aux records, comme d’autres joueurs.  » EDEN HAZARD

 » Zinédine Zidane a été un modèle pour moi. J’aimerais que, dans dix ans, les jeunes d’aujourd’hui déclarent qu’ils se sont inspirés d’Eden Hazard.  » EDEN HAZARD

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