« Je n’ai pas d’amis dans le mondu du football »

L’entraîneur romain pense que la Juventus fera mieux en Ligue des Champions que sa propre équipe.

Le respect qu’Anderlecht nourrit pour l’AS Rome, versée dans son groupe en Ligue des Champions, n’est pas étranger à la personnalité de Fabio Capello, qui a conduit vers le titre toutes les équipes qu’il a dirigée: Milan AC, Real Madrid et maintenant Rome.

Vous êtes réputé être un partisan acharné d’une discipline militaire mais récemment, dans une interview, vous avez fait référence à la musique classique et au peintre Matisse. Est-ce l’un de vos aspects cachés?

Fabio Capello: Je m’intéresse en effet à l’art. Lorsque mon travail est achevé, j’essaie de dépasser les frontières, étroites, du petit monde du football. Je suis toujours à la recherche de choses nouvelles qui seraient susceptibles de m’intéresser. Ça me détend et ça me délivre de la pression énorme inhérente au football. Je n’ai d’ailleurs pas le moindre ami en football. Tous mes copains s’occupent d’autres choses. Il en a toujours été ainsi et j’y tiens.

Quelle forme d’art préférez-vous?

Je trouve partout des choses passionnantes. J’aime autant les musées européens que les trésors incas en Amérique Latine. Récemment, je suis allé en Inde pour en découvrir la culture. Je commence aussi à plancher sur l’art contemporain. L’art moderne est extrêmement attirant, même si je dois avouer ne pas toujours le comprendre.

Où trouvez-vous le temps de prendre vos distances, compte tenu de la lourdeur de votre agenda sportif?

J’ai trois semaines de congé par an. J’en passe deux à la plage mais ma femme et moi partons une semaine en voyage. Là, j’essaie de visiter le plus de choses possible.

Vous est-il arrivé de faire des choses que vous avez regrettées ensuite? Quelle a été votre pire erreur?

En 1994, j’ai perdu la Coupe Intercontinentale avec l’AC Milan, contre Velez Sarsfield, parce que je voulais conserver le respect d’un joueur. Un jour et demi avant cette rencontre à Tokyo, on m’a annoncé que Savicevic était suspendu. J’ai donc préparé le match en palliant son absence par Raducioiu. Puis, deux heures avant le coup d’envoi, la FIFA m’a appris qu’en fin de compte, notre ailier serbe n’était pas suspendu mais je n’ai pas voulu donner au Roumain le sentiment de n’être qu’une doublure. Je l’ai maintenu dans l’équipe. Nous avons été battus 0-2. Je reste convaincu qu’avec Savicevic, nous aurions gagné.

Admettre ses erreurs

Admettez-vous vos erreurs?

En effet, l’expérience n’est rien d’autre qu’une énorme accumulation d’erreurs qu’on doit essayer de ne pas répéter.

Estimez-vous toujours qu’un trio défensif est tout à fait dépassé en football?

Certainement. Heureusement qu’on n’évolue plus avec un libéro classique. Un système avec deux stoppers et un défenseur libre qui vient en fait de l’entrejeu n’est pas viable. C’est à cause de ça que l’Allemagne a subi une telle défaite face à l’Angleterre. De même qu’aligner trois attaquants est dangereux, comme ce qui est arrivé aux Pays-Bas en Irlande le prouve. En réalité, on peut avoir un centre-avant et deux attaquants en décrochage qui agissent depuis les ailes.

Que faut-il à une équipe pour gagner? Quels détails peuvent-ils être décisifs?

Avant tout, il faut avoir une bonne équipe, des joueurs qui ont de la personnalité et le sens des responsabilités, des joueurs qui essaient toujours de prester à leur meilleur niveau et qui sont assez sûrs d’eux pour être convaincus de leurs aptitudes personnelles.

En va-t-il ainsi en Ligue des Champions?

Plus ou moins, même si c’est quand même un peu différent. Je comparerais ce tournoi avec une course à étapes.

Qu’est-ce qui prime à vos yeux: les joueurs ou le système?

Un bon entraîneur doit être capable d’adapter son système aux joueurs dont il dispose. C’est quand j’ai voulu faire l’inverse que j’ai commis le plus d’erreurs dans ma carrière.

Comment réagissez-vous quand on dit que la Ligue des Champions est conçue dans le but de permettre aux grands clubs de s’enrichir encore plus?

Parlez-en à l’UEFA mais de fait, ce système de poules implique qu’on doit toujours jouer deux ou trois matches de trop.

Quelle est la meilleure formule de CE?

Préfériez-vous l’ancien système des Coupes d’Europe avec élimination directe?

Non. Ce n’était pas bien non plus. Maintenant, un club a au moins la possibilité de se refaire après un accroc. On peut réparer les dégâts. Les équipes italiennes étaient particulièrement défavorisées par l’ancienne formule. Nous commençons toujours la saison tard. Souvent, nous devions affronter un grand rendez-vous européen avec un ou deux matches de championnat dans les jambes, alors que nos adversaires avaient déjà trouvé leur rythme de croisière. Quand je jouais à la Juventus, nous avons été éliminés à deux reprises comme ça.

Le football n’est-il pas devenu trop professionnel?

Certainement pas. Plus il est professionnel, mieux c’est.

Les indemnités de transfert sont quand même devenues démentielles?

A ce sujet, vous devez vous adresser aux présidents des clubs. Joueurs et entraîneurs sont au service du club, dont ils doivent exaucer les souhaits.

Le Real Madrid a déboursé quelque trois milliards pour Zidane. Un joueur ne peut quand même pas valoir ça?

Qui le dit? Le marché détermine les prix. Aussi longtemps que des clubs comme le Real sont prêts à payer de telles sommes, à quoi bon discuter?

Donc, on n’a pas encore atteint de frontière, avec ces trois milliards?

Je ne pense pas. On raconte depuis des années que la limite est atteinte mais elle est chaque fois repoussée.

L’AS Rome irait-elle aussi loin?

Je ne crois pas. Selon moi, seul le Real est capable de réaliser de tels investissements.

Mercenariat?

Tout cet argent transforme les joueurs en véritables mercenaires. On ne rencontre plus guère de joueurs qui sont vraiment liés à leur club, comme Totti chez vous et Nesta à la Lazio …

Pour eux non plus, il n’est sans doute pas vraiment question d’amour de son club. Car il est facile de rester fidèle à un grand club. D’après moi, le dernier joueur qui ait été vraiment lié de tout son coeur à son club était Gigi Riva, cela remonte aux années 70. Malgré les offres fantastiques qu’il a reçues de partout, il est resté à Cagliari.

La saison passée, aucun club italien n’a atteint les quarts de finale de la Ligue des Champions. Feront-ils mieux cette année?

Absolument. Tous se sont renforcés. La Juventus est même une des favorites de l’épreuve et la Lazio a acquis un joueur, Mendieta, qui a disputé la finale deux fois de suite et qui est susceptible d’entraîner son équipe à un niveau supérieur.

Quelles sont les ambitions de l’AS Roma?

Nous voulons également atteindre la finale de la Ligue des Champions mais pour être une véritable grande formation, il nous faudrait un brillant défenseur.

Votre collègue milanais, Zaccheroni, s’est plaint, la saison dernière, du trop grand nombre de matches, ce qui l’empêchait de préparer ses joueurs comme il l’aurait fallu. Partagez-vous son opinion?

Oui. N’oubliez pas non plus les nombreux matches internationaux ni la préparation à la future Coupe du Monde. L’entraîneur doit donc tenter de former un groupe avec des joueurs qui peuvent toujours jouer.

La saison passée, vous n’avez pratiquement jamais appliqué le fameux système de rotation?

Quand même, quand c’était possible, du moins. Mais derrière, je devais toujours jouer avec Samuel et Zebina.

Quels sont les favoris de la Ligue des Champions cette année?

La Juve, Manchester United, sans oublier le Bayern Munich et le Real Madrid, évidemment. Le championnat italien n’a repris ses droits que le 26 août. Un autre inconvénient, c’est qu’en hiver, le Calcio ne connaît qu’une seule petite semaine d’interruption alors que les formations allemandes, par exemple, en ont six pour recharger leurs accus. Mais nous vendrons chèrement notre peau.

photo système Capello idem voetbal

Alex Valerj (ESM)

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