» Je n’ai jamais craqué « 

L’attaquant ivoirien a refait son apparition dans le onze de base, neuf mois après une grave blessure. Son but : en marquer plus que la saison passée (8)…

Le Standard n’attendait plus que lui. José Riga a même prédit qu’il serait meilleur buteur. Car, depuis le mois de décembre dernier (et la faute à une rupture des ligaments croisés du genou droit), il ronge son frein. Lui, c’est la révélation du premier tour de la saison dernière (la seule satisfaction du Standard à ce moment-là diront certains). Celui dont le surnom de Zorro a déjà alimenté une pléthore de jeu de mots.  » Pourtant, ce n’est pas un surnom. Cela fait partie de mon nom complet : Gohi Bi Zorro Cyriac. Les gens pensent que cela vient de la série ou du film mais ça n’a rien à voir « , dit-il le sourire aux lèvres.

L’attaquant ivoirien du Standard est donc de retour aux affaires et entend bien reformer le duo d’enfer qu’il formait avec Mémé Tchitéil y a un an.

Tu reviens après plus de six mois de revalidation, comment as-tu vécu cette période ?

Dans un premier temps difficilement. Parce que quand on vous dit que vous allez être écarté des terrains pendant six, sept mois, cela fait mal. Mais après il faut se remettre au travail et apprendre à souffrir. C’est ce que j’ai fait.

Cela s’est passé fin décembre alors que tu étais en train d’éclater…

Oui, cela a brisé net mon élan. Je me suis dit que ma chance était passée car je ratais le reste de la saison et que mes coéquipiers marquaient beaucoup lors des Play-offs. J’étais triste de ne pas participer à cette aventure mais cela n’était pas non plus la fin du monde. J’avais simplement une blessure que je devais bien soigner pour revenir. La preuve, c’est que je suis là aujourd’hui avec la possibilité de remontrer ce dont je suis capable.

Comme il s’agissait de ta première grosse blessure, as-tu douté de ton retour au plus haut niveau ?

A aucun moment de ma rééducation, je ne me suis dit que cela ne pourrait pas aller. Je visais une reprise pour ce championnat. Je n’ai d’ailleurs aucune appréhension depuis mon retour.

Comme protégé de Dominique D’Onofrio, comment as-tu vécu son départ ?

C’est vrai que c’est grâce à lui que je suis au Standard. Cela m’a fait un pincement au c£ur de le voir partir. Mais je suis footballeur ; je sais très bien que je ne vais pas avoir le même entraîneur toute ma vie. Il faut s’adapter et c’est ce que j’essaie de faire.

Que t’a-t-il apporté ?

De la confiance mais surtout de la patience. Quand il est venu me chercher en Côte d’Ivoire, il m’a bien expliqué que j’allais devoir d’abord apprendre mon métier, travailler, m’adapter avant d’obtenir une chance. Il a en quelque sorte fait partie de ma formation.

Avec son départ, as-tu pensé partir, toi aussi ?

Non, à aucun moment. Cela fait trois ans que je suis là mais je n’ai pas encore fait grand-chose, ni contribué à un titre. Je veux encore beaucoup apporter au Standard et je ne veux pas partir avant de réaliser une saison pleine et décrocher un trophée pour le club.

 » Les nouveaux ne sont pas encore au niveau de Witsel et Defour « 

Tu n’as pas douté de la qualité de l’équipe quand tu as vu que les meilleurs partaient ?

Non, je n’ai pas douté. Quand tu vois les autres partir, tu penses tout de suite à ceux qui arrivent pour les remplacer. Et je voyais que ceux qui arrivaient s’adaptaient bien même si on perçoit quand même une différence.

Une différence de qualité entre ceux qui sont partis et ceux qui sont arrivés ?

Witsel et Defour ne sont pas irremplaçables mais il s’agissait quand même d’internationaux accomplis ! Cela ne signifie pas que les nouveaux sont mauvais mais ils ne sont pas encore au niveau de Defour, Witsel ou Carcela.

Quel est l’objectif du Standard ?

Se mêler aux meilleurs. C’est une obligation et je pense qu’on dispose de l’équipe pour. Nous avons un large noyau, tous les postes sont doublés et la concurrence nous pousse à nous donner à 120 % aux entraînements au risque de perdre sa place. Tout le monde parle de saison de transition mais moi, je pense qu’on est déjà bien. Cela va aller vite et on a une équipe capable de limiter cette période de transition.

Et en Coupe d’Europe ?

Il y a de la place pour se qualifier. Ne pas terminer parmi les deux premiers constituerait un échec même si on se rend compte que tout le monde se vaut dans ce groupe.

On a parfois l’impression que le Standard se réserve pour la Coupe d’Europe et limite la casse en championnat ?

Non, on ne peut pas snober le championnat. On doit pouvoir aussi répondre présent, au risque de voir nos adversaires prendre de l’avance.

Quand le Standard sera-t-il prêt ?

On ne donne pas de date. Cela part d’une rencontre. Il suffit d’un match-référence et cela peut aller vite comme cela peut prendre du temps.

Le match contre Hanovre ne peut pas servir de match-référence ?

Peut-être mais on n’a pas confirmé à Genk, donc… Ce match n’a pas vraiment constitué une surprise pour nous. On partait en Allemagne pour réaliser le meilleur résultat possible ; on a bien respecté les consignes du coach et voilà ce que cela a donné.

Tu es donc d’accord quand on dit que le Standard n’est pas encore à 100 % ?

Parfois on l’est et parfois on est moins bien. On peut faire plus et on doit savoir encore élever notre niveau de jeu à certains moments.

Comme à Genk ?

C’est vrai que cette défaite est inquiétante car on restait justement sur une très bonne rencontre à Hanovre. On a du mal à répéter les bonnes prestations et il va falloir veiller à enchaîner et à trouver la régularité.

 » Dans chaque secteur, on a un leader « 

Que t’apporte José Riga ?

Il sait s’y prendre avec les jeunes. Il sait donner les bons conseils et nous mettre sur le bon chemin. Il insiste pour que l’on joue le mieux possible. Il est ouvert et parle avec tout le monde. J’aime également sa philosophie de jeu.

Il veut que le Standard joue davantage au sol…

Tout le monde voit qu’on essaye de poser le ballon, de le faire tourner et de trouver la faille. C’est par là que passeront les victoires.

Et ce n’est pas trop compliqué de passer d’un jeu direct à un jeu de passes ?

On n’a pas le choix : il faut s’adapter.

Certains disent qu’en perdant Witsel et Defour, le Standard a perdu ses leaders…

Mais il en reste ! Déjà la saison passée, Jelle Van Damme faisait office de patron. Il pousse bien l’équipe. Mais il y en a d’autres : Berrier, Kanu… Dans chaque secteur, il y a des leaders. Moi, je le perçois dans le vestiaire et je constate qu’on ne manque pas de joueurs capables de nous réveiller.

Tu n’es rentré que quelques minutes contre Westerlo mais quatre jours plus tard, tu étais déjà titulaire contre Hanovre. Es-tu étonné par la rapidité avec laquelle tu as retrouvé tes sensations ?

D’un côté, cela m’étonne d’être titulaire si rapidement. J’ai disputé 67 minutes contre Hanovre. Riga m’avait demandé de tout donner et m’avait dit qu’il savait que je ne tiendrais pas les 90 minutes. Mais il a voulu récompenser mon travail à l’entraînement. Car, malgré tout, cela fait un mois et demi que j’ai repris avec le groupe et que je donne tout. Je suis apte à jouer. Physiquement, je suis à 100 %. Il ne me reste plus qu’à reprendre du muscle dans ma jambe et à retrouver la totalité de ma vivacité. Et puis, je dois aussi commencer à gommer certains défauts de mon jeu.

Lesquels ?

Parfois, je me dis que j’aimerais avoir un peu plus d’endurance. Il faut aussi que je limite le nombre de pertes de balles faciles.

L’année passée, tu as cassé la baraque aux côtés de Tchité. Comment expliques-tu cette complémentarité ?

Tout le monde a vu qu’avec Tchité, cela fonctionnait particulièrement bien. Cela ne veut pas dire qu’il faut exclure les autres attaquants… Avec Tchité, on a un peu le même style de jeu si ce n’est que je joue un peu plus en décrochage pour garder le ballon et fixer l’adversaire alors que lui préfère la profondeur. Je ne sais pas expliquer pourquoi on s’entend aussi bien sur le terrain mais il y a vraiment moyen de faire de bonnes choses avec lui.

Pourtant, comme tu le faisais remarquer, vous avez le même style…

C’est vrai que sur papier, Mémé comme moi, on conviendrait mieux avec un pivot, grand, capable de garder ou de dévier le ballon. Mais je pense que notre ressemblance ne nous a pas nuit car on a su se partager les tâches. On va jouer l’un en fonction de l’autre. Spontanément, il va tourner autour s’il voit que je suis en pointe et inversement.

Trouves-tu qu’il y a assez de taille dans cette équipe ?

Non, il en manque, c’est clair. Mais à Barcelone, on ne peut pas dire qu’il y a beaucoup de grands non plus. Juste un ou deux. Mais cela ne les empêche pas d’être meilleur que les autres.

Et puis Tchité comme toi, vous compensez votre petite taille par un bon timing et une bonne détente…

Ma détente comme ma vitesse balle au pied font partie sans doute de mes points forts. Cependant, ma détente ne tient pas du hasard. Au centre de formation, on travaillait ce point-là. Il y avait des exercices spécifiques avec des potences. On devait sauter pour toucher le ballon et on remontait celui-ci au fur et à mesure pour nous obliger à sauter toujours plus haut. Finalement, c’est bien : j’ai les avantages de ma petite taille (ma rapidité) sans les inconvénients grâce à ma détente ( Il rit).

Tu te fixes combien de buts comme objectif ?

Je réfléchis en termes d’équipe : je veux terminer à la première ou à la deuxième place du championnat et faire de belles prestations en Europa League. Personnellement, j’espère évidemment marquer un maximum de buts mais je ne veux pas donner de chiffres. Simplement faire mieux que la saison passée où j’avais inscrit huit buts. Mais avec des passeurs comme Frank Berrier ou Nacho Gonzalez, on devrait disposer de plus d’occasions.

Qu’as-tu appris depuis ton arrivée en Belgique il y a trois ans ?

Chaque année, j’ai l’impression que je mûris et grandis. Je le vois par ma façon de jouer et de me comporter dans la vie et dans le vestiaire. Quand je suis arrivé en Belgique, j’étais un petit parmi les autres comme Dieumerci Mbokani ou Laszlo Bölöni. Maintenant, ce n’est plus le cas. Je ne suis plus le petit. Je me sens important. Par exemple : je reviens de blessure et je vois que le coach compte immédiatement sur moi. Cela me motive et me procure de la confiance. Cela peut constituer pour certains une sorte de pression mais pas pour moi. Ou alors une pression positive. Je me dis que je ne suis plus le petit garçon de la bande mais que je suis monté en grade. J’ai tout quitté, mon pays, ma famille pour jouer et trois ans plus tard, je vois que j’ai réussi à obtenir une place sur le terrain, c’est bien.

La Côte d’Ivoire ne te manque pas trop ?

Cela fera deux ans que je n’y suis plus retourné car les deux derniers étés, je les ai passés à me soigner. Toute ma famille me manque mais je les ai souvent au téléphone. Le déracinement fut pénible mais j’ai tenu bon. Je faisais en sorte de ne pas y penser,  » d’oublier ma famille  » pour me donner à fond dans mon travail. Je n’ai jamais craqué !

PAR STÉPHANE VANDE VELDE -PHOTOS: REPORTERS

 » Ma blessure ? J’étais triste mais ce n’était pas la fin du monde. Il suffisait de bien me soigner  »  » Je ne suis plus le petit de la bande « 

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