« Je n’ai écouté personne »

Il a disputé, à 31 ans, son dernier match en terre belge la semaine dernière. Le Namurois a toujours été têtu et contesté, durant sa carrière de 14 ans. Il la passe en revue, sans fard.

Il a toujours été à part, dans le monde du tennis. Doué, généreux, il a signé une jolie carrière dans le sillage de son frère Olivier.  » Je n’ai jamais caché que je jouais pour l’argent « , a-t-il déclaré.  » Je n’aurais pourtant jamais imaginé que j’irais aussi loin. « 

La semaine dernière, à l’Ethias Trophy de Mons, Christophe Rochus a perdu son dernier match professionnel en Belgique contre Steve Darcis, faute d’avoir exploité une balle de match.

Comment avez-vous vécu ce dernier match ?

Christophe Rochus : Il ne m’a rien fait. A la fin, je me suis contenté de regarder autour de moi et alors, j’ai pensé : zut, c’est fini. Mais bon, tout a une fin…

A-t-il été difficile de mettre fin à votre carrière ?

Pas du tout. Il n’y a pas 10.000 possibilités en tennis. Soit vous êtes bon, soit vous êtes numéro 200, 300 ou 400 et cela n’a plus de sens. Je n’avais plus le niveau. Cette année, j’ai été éliminé au premier tour à 22 reprises en 30 tournois. Je n’avais plus le courage nécessaire pour ambitionner ce niveau non plus et en plus, à 31 ans, on est déjà vieux, en tennis.

Quand avez-vous pris cette décision ?

En mars, juste après la Coupe Davis contre la Tchéquie. Je souffrais du dos.

Est-ce votre corps qui crie grâce ?

Non, la tête. C’est elle qui décide et le corps s’adapte. Pour le moment, je ne suis pas blessé mais quand je ne m’entraîne pas suffisamment, je deviens moins bon, tout est plus difficile. Hier, je me suis entraîné une heure et pourtant, j’avais l’impression d’avoir beaucoup joué !

 » Si j’ai un regret, c’est de n’avoir pas été meilleur en Coupe Davis « 

Vous disputez votre dernier tournoi à Valence début novembre. Parce que vous y avez atteint la finale en 2003 et que vous bouclez ainsi la boucle ?

Non, plutôt parce que je possède une maison en Espagne et que je peux directement prendre mes vacances.

Quel est le plus beau souvenir de votre carrière ?

Je conserve beaucoup de souvenirs agréables. Le moment où je suis arrivé dans le top 100, mon huitième de finale à l’Open d’Australie en 2000… Quelques rencontres de Coupe Davis, comme en Italie en 2000, où j’ai remporté le match décisif. Ma demi-finale aux Masters Series de Hambourg en 2005 était également très spéciale car elle m’a permis d’intégrer le top 50.

La Coupe Davis reste une épreuve particulière pour vous ?

Si j’ai un regret, c’est de n’avoir pas été meilleur en Coupe Davis car j’adorais cette compétition. Quand vous voyez comment certains joueurs parviennent à se sublimer, vous vous rendez compte que c’est un événement particulier. Toute l’année, on se bat pour soi-même mais cette Coupe nous permet de jouer en équipe. Gagner pour les autres confère un sentiment spécial.

Quelle a été la pire défaite de votre carrière ?

J’ai perdu quelques fois 6-0, 6-0, ce n’est pas vraiment marrant…

La finale de Rotterdam 2003 ?

C’est en effet ma pire défaite. J’atteins la finale d’un tournoi ATP et je la pers face à Radek Stepanek en 45 minutes : 0-6, 3-6.

Quel joueur vous a le plus impressionné durant votre carrière ?

Rafael Nadal et Roger Federer. Parmi ceux qu’on sous-estime, Nikolay Davydenko. Je n’ai jamais vu personne prendre la balle aussi vite. J’ai joué contre lui à Paris Bercy en 2006 et j’ai perdu 0-6, 0-6. Incroyable !

 » Le public a une mauvaise image de moi « 

A part une maison dans le sud de l’Espagne, que vous a apporté le tennis ?

Je dis toujours qu’il n’y a pas d’objectif stupide. L’essentiel est d’avoir en tête quelque chose qui vous permet d’évoluer. Ce n’est pas un secret, je jouais pour m’acheter une maison, prendre des vacances et offrir une belle vie à mes enfants. C’est ce que le tennis m’a le plus apporté. Il constitue évidemment une expérience de vie unique. Vous mûrissez spontanément quand, à 18 ans, vous faites le tour du monde avec votre sac et vos raquettes. Même si vous ne réussissez pas, vous apprenez à connaître vos points forts et vos points faibles, à vous défendre et à trouver des solutions aux problèmes qui se présentent. C’est une magnifique école de vie.

Allez-vous continuer à jouer ?

Ici et là, en interclubs. Je vais aussi coacher Arthur Degreef, le petit-fils de feu Guy Thys, qui est un grand talent wallon, à raison d’une quinzaine de semaines par an. Mais je ne vais plus m’entraîner, seulement jouer pour ne pas grossir.

Quel souvenir aimeriez-vous que les gens conservent de vous ?

Je ne sais pas. Gamin, si j’avais écouté les gens, je ne serais jamais devenu joueur de tennis. De toute façon, le public a une mauvaise image de moi.

Le ressentez-vous ?

Quand il se passe quelque chose, c’est toujours pour ma pomme. Mais bon, à mes débuts, nul ne croyait en moi. Je n’ai guère été soutenu. J’ai appris à m’aider moi-même et à me débrouiller. Je prends mes distances par rapport à l’opinion des gens, qu’elle soit positive ou négative.

Vous partez quand même la tête haute, puisque vous avez atteint vos objectifs ?

Je suis arrivé plus loin que je ne l’imaginais mais je n’ai jamais placé la barre trop haut non plus. Cela a joué en ma faveur.

Etes-vous prêt à mener une vie sédentaire ?

Mon job de coach va me faire un peu voyager mais je suis heureux de pouvoir conduire mes enfants (Elena, trois ans et demi et Arthur, deux ans) à l’école et de leur donner le bain. J’aime consacrer du temps à mes enfants. Pour le moment, c’est ce qu’il y a de plus beau.

PAR FILIP DEWULF – photo: belga

« Je suis arrivé plus loin que je pensais, mais je n’ai jamais placé la barre trop haut.  »

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