» Je me voyais déjà au Real Madrid « 

Lorsqu’il était adolescent, un scout voulut emmener José Izquierdo au Brésil mais sa mère s’y opposa. Près de dix ans plus tard, le voici au Club Bruges. Le Colombien nous parle de ses rêves, d’une Lamborghini jaune et d’une ville morte.

S’il n’était pas devenu footballeur, José Izquierdo (22) aurait pu être humoriste. Le nouvel attaquant du Club se sent déjà bien à Bruges, tant sur le terrain qu’en dehors. Même s’il espère encore progresser.

Vous semblez vous adapter facilement.

José Izquierdo : Oui. Beaucoup de joueurs parlent espagnol, je parle un peu anglais et les autres sont patients. (il sourit).

Vous suivez des cours de néerlandais ?

Non. Je crois que même après cinq ans, je n’arriverais pas à dire un mot dans cette langue. (premier éclat de rire).

Vous avez une soeur aux Etats-Unis, lui avez-vous déjà rendu visite ?

Vous savez combien coûte un billet d’avion ? J’attends que les prix chutent.

Parlez-nous de votre famille.

Mes parents étaient enseignants mais ils sont retraités. Moi, si je n’avais pas fait du foot, j’aurais voulu travailler dans la mécanique ou dans l’informatique.

Il paraît que vous adorez les voitures.

Oui. Ici, on voit pas mal de Porsche, de Ferrari… Pas en Colombie. L’autre jour, à Sluis, j’ai vu une Lamborghini jaune (il imite le bruit du moteur). Peut-être qu’il y en a à Medellin mais moi, je n’en avais jamais vu.

Et votre rêve est d’en acheter une ?

A ce prix-là, je peux me payer sept appartements en Colombie.

Psy

Parlez-nous de Pereira, votre ville.

Une belle ville, tranquille, accueillante. C’est Medellin en plus petit. On ne s’y ennuie jamais. Avant, il y avait un bon club de foot mais il a connu des soucis administratifs.

Vous voulez dire qu’il n’a plus d’argent ?

Oui. Pour moi, c’était difficile car j’avais 18 ans et je voulais progresser mais je faisais du surplace. Et j’avais la chance de vivre chez mes parents car d’autres joueurs n’avaient pas assez d’argent pour faire leurs courses.

Comment avez-vous été formé ?

A l’école. Le collège avait son propre club. Un jour, un club brésilien a voulu m’emmener mais ma mère voulait que j’aie mon bachillerato (l’équivalent de l’enseignement secondaire inférieur, ndlr).

Vous auriez voulu y aller ?

Bien sûr ! J’avais 13 ans ! A l’époque, le Brésil, c’était le paradis pour un footballeur. Je me disais qu’on allait m’y former puis que le Real Madrid viendrait me chercher. Quelques mois plus tard, un gars m’a dit que je serais repris en équipe nationale d’âge. Il avait raison. A quinze ans, on m’a conseillé de signer dans un club pro pour être sélectionné.

On m’a dit que vous aviez la trouille.

Je suis même allé voir un psy. J’ai fini par signer à Pereira. Quelle différence avec l’équipe de l’école ! Jusqu’alors, je ne m’étais presque jamais entraîné car je marquais de toute façon. A Pereira, il y avait entraînement chaque jour. Heureusement que je pouvais dormir plus tard.

Jusqu’à quelle heure ?

Sept heures ! Et après l’entraînement, je retournais à l’école, histoire de remettre mes cours en ordre. Enfin… en théorie !

Petit Poucet

Et en pratique ?

(il se couche sur la table et fait semblant de dormir). Après une semaine, le recteur m’a dit que je devais faire un choix : le foot ou les études. Je suis sorti et j’ai crié : gracias por todo.

Racontez-nous votre première expérience en équipe nationale.

Quinze jours à Bogota ! Moi qui n’étais jamais parti de chez moi… Les autres étaient déjà habitués. J’avais des chaussures jaunes, bon marché. Ils voulaient que je joue avec des noires. On m’a offert des Adipure. Je les ai usées jusqu’à ce qu’elles soient grises.

Bogota vous plaisait ?

Non. C’est gris, froid, pluvieux. Et on s’entraînait dur. Les autres étaient des armoires à glace et moi, Petit Poucet. Lors de ma deuxième sélection, je me suis cassé le col du fémur. Six mois de rééducation, pas de stage aux Etats-Unis et pas de championnat du monde U17 au Nigéria. Je pensais que ma mère allait me tuer. Elle m’a obligé à suivre des cours du soir et j’ai eu mon bachillerato.

C’est à ce moment-là que votre frère est mort ?

(il se renfrogne) Ma mère ne s’en est jamais remise. Il avait 29 ans et est décédé dans un accident de voiture. J’ai voulu arrêter le foot car c’était lui qui me conduisait partout mais mon père a repris ce rôle.

Après Pereira, vous êtes parti à Once Caldas, en D1.

A Pereira, plus personne ne croyait en moi puis un autre entraîneur est arrivé, j’ai inscrit neuf buts et on a commencé à parler de moi un peu partout. Le club ne voulait pas me laisser partir et m’a augmenté mais n’arrivait plus à me payer. Une nouvelle fois, ma mère m’a incité à reprendre des études. L’offre d’Once Caldas était celle de la dernière chance.

Exclu

Vos débuts ne furent pas très bons.

C’est le moins qu’on puisse dire. Les journalistes se demandaient pourquoi on m’avait transféré. Premier match : j’entre à la mi-temps et on me fait ressortir à la 65e. Deuxième match : j’entre à nouveau au repos et je suis exclu à la 80e !

Qu’a dit le coach ?

Il m’a infligé cinq matches de suspension en plus de celui de la fédération. Puis il a eu besoin de moi, m’a fait rejouer et je me suis battu pour ma place. Mais il ne m’aimait pas beaucoup et j’ai dû attendre qu’il parte pour être vraiment en confiance.

Vous marquez facilement ?

J’aime tirer de loin. Or, ici, j’ai remarqué qu’on recherchait davantage la passe en profondeur. Après mon but à Genk, l’entraîneur m’a demandé pourquoi je ne tentais pas plus souvent ma chance mais tout est différent ici : ça va plus vite, c’est plus physique, on veut profiter de ma vitesse. Je dois m’adapter. Je ne sais pas non plus quelle influence l’hiver aura sur mon jeu. C’est une question que je me pose.

PAR PETER T’KINT – PHOTO: BELGAIMAGE

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