« JE ME SUIS CALMÉ »

A Gand, l’ailier liégeois (22 ans) a disputé pour la première fois un match complet cette saison. Les explications d’un retour en grâce.

Auteurs d’un carton plein depuis respectivement six et huit journées, La Gantoise et Anderlecht ont conservé leur brevet d’invincibilité à Gentbrugge, dimanche dernier. Le 2-2 aura surtout constitué une bonne affaire pour des Mauves revenus de loin. Cueilli à froid au début de chaque période, par Milos Maric puis Elimany Coulibaly, le Sporting est parvenu à recoller au score par Jonathan Legear et Tom De Sutter. Ce n’était que justice : les Mauves, dont la domination territoriale fut parfois insolente, auraient pu prétendre à plus. Mais Cheikhou Kouyaté – à trois reprises – et Jelle Van Damme – par deux fois – loupèrent de belles possibilités. Sans compter que Jona aurait pu doubler sa mise si, en première mi-temps, il avait choisi de lober Bojan Jorgacevic au lieu de remiser le ballon vers Romelu Lukaku.

 » Notre partage est cent fois mérité « , dit le Liégeois.  » Gand a eu trois occasions sur toute la partie et il en a exploité deux. Nous avons eu une flopée de chances mais la touche finale a souvent manqué. Enfin, je suis satisfait : nous venons de récolter 25 unités sur 27… et je suis dans une bonne passe aussi. Je viens de marquer mes deux premiers buts en championnat à 15 jours d’intervalle, au Cercle Bruges et ici, à La Gantoise où j’ai disputé pour la toute première fois l’intégralité d’un match cette saison ! « 

Le parcours de Legear cette saison s’est longtemps assimilé à un chassé-croisé avec son concurrent direct, Thomas Chatelle. En début de campagne, c’est le Liégeois qui avait les faveurs du coach. Comme titulaire du moins, car il fut remplacé chaque fois en cours de deuxième mi-temps, par son rival, tant lors du match d’ouverture à Courtrai que lors de la première à domicile face au Cercle Bruges. A partir de la troisième sortie des Mauves contre Westerlo, c’est le Bruxellois qui obtint la préséance et ce, jusqu’au déplacement de sinistre mémoire au Club (4-2). Après cette déroute, Ariel Jacobs, avait tenté une autre approche avec MatiasSuarez ou Kanu sur l’aile mais l’expérience se résuma à un feu de paille et Jona fut reconduit dès l’entame des matches retour face au Kavé de Georges Leekens. Depuis lors, il a toujours fait partie du onze de base, même s’il avait continué à être remplacé avant terme jusqu’au déplacement à Gand : à deux reprises par Chatelle et une fois par Suarez.

Il vaut mieux qu’un simple joker

 » S’il est épargné par les bobos, il faudra attendre la reprise pour qu’il ait définitivement 90 minutes dans les jambes « , observe le T2, Besnik Hasi.  » Cette saison encore, Jona a payé un lourd tribut aux blessures. Toutes ces absences contraintes et forcées expliquent pourquoi il ne tient pas la distance. Mais il y a progrès. Son objectif, en 2010, doit être de boucler l’intégralité de tous les matches. S’il y arrive, je pense qu’il se rapprochera automatiquement de l’équipe nationale, qui constitue un de ses objectifs. L’année prochaine, il doit en forcer les portes.  »

Les chiffres l’attestent : 8 titularisations en 17 matches pour un total de 737 minutes de jeu. Ce qui le situe loin du maximum de 1.710 à l’actif de Silvio Proto et Roland Juhasz. Reste que quand il s’agit de remplacer quelqu’un, c’est fréquemment Jona qui est envoyé en premier lieu sur le terrain, puisque cette scène s’est déjà déroulée à 6 reprises jusqu’ici cette saison.

 » Je l’ai un jour appelé joker et il m’a rétorqué d’emblée : – Non, premierremplaçant « , poursuit Hasi.  » Et c’est vrai que dans les faits, il n’a pas tort. Ce qui me frappe, c’est qu’en matière de statistiques, il suit tout à la trace. Il sait vous dire exactement où il en est et ce qu’il a fait. Dans ce domaine-là, le contraste est frappant avec le garçon que j’ai connu lors de ma toute dernière saison au Sporting comme joueur en 2004-05. Jona venait d’être incorporé dans le noyau A et j’avais l’impression, au même titre que pas mal de partenaires que ça suffisait à son bonheur. Il était heureux d’être là et ne semblait pas plus pressé que ça de faire son trou. L’essentiel, pour lui, c’était de prendre son pied. Sur le terrain mais aussi en dehors. Je ne sais pas si ses fréquentations ont été toujours heureuses. Il cherchait souvent la compagnie du Français Fabrice Ehret, qui était davantage motivé par les jeux sur console que par le foot tout court. Jona n’avait que 17 ans et était influençable. Lors de mon retour comme T2 au Parc Astrid, en 2008, j’ai retrouvé un garçon plus mûr. Il avait peut-être conservé un côté facétieux loin des terrains mais, sur la pelouse, il en voulait. Barré d’abord par Aruna Dindane puis par Christian Wilhelmsson, sur l’aile droite, il avait l’ambition de faire son trou à cette place après le départ du Suédois. Au vu de sa détermination, je pouvais le croire. Le problème, c’est qu’il devait toujours repartir quasiment de zéro après une période d’indisponibilité. En début de saison, à l’occasion de ses discussions individuelles avec les joueurs, le staff a insisté sur cet aspect en l’encourageant à être beaucoup plus strict en matière d’autodiscipline dans la vie de tous les jours. Et ça, Jona semble l’avoir enfin compris.  »

Il arrête de se détruire

 » L’accident de voiture que j’ai eu après le test-match au Standard m’aura servi une fois pour toutes de leçon « , souligne Legear.  » J’ai eu une discussion avec le manager Herman Van Holsbeeck après coup. Il m’a fait comprendre que j’avais le droit de sortir, mais qu’il y avait des moments plus propices que d’autres. Il n’avait pas tort car une perte totale de sa voiture après un match décisif pour le titre, ça fait désordre. Depuis ce jour-là, je me suis racheté une conduite. Avant, j’avais l’habitude de sortir après tout match gagné. Ce qui se produisait quand même souvent… Depuis le début de cette saison, j’ai complètement changé. A présent, sitôt la rencontre terminée, je vais manger un bout en compagnie des miens, puis je rentre sagement à la maison. Je ne sors plus que lorsque je bénéficie d’un week-end libre. Et je fais alors attention de ne pas commettre d’excès. Dans la mesure où je n’ai jamais eu tendance à prendre du poids, je ne me souciais pas trop de ce que je mangeais ou buvais. Il m’arrivait de vider une bouteille de coca par jour. A présent, je me limite à un seul verre et pour le reste, eau plate…. Mes blessures à répétition étaient probablement liées à ma diète. Mario Innaurato, que j’avais déjà eu comme préparateur physique au Standard, ne cesse d’insister sur la nécessité d’une toute bonne hygiène de vie. A commencer par une alimentation équilibrée. Je me rends compte que je suis déjà nettement moins sujet à des pépins physiques qu’autrefois. Même si j’ai encore été stoppé cette saison. A Bruges, notamment, j’ai joué de malchance. Car avant de devoir céder ma place à Chatelle, j’avais peut-être joué là ma meilleure mi-temps de la saison.  »

Il est plus efficace en Europe

Un détail frappe quand même chez lui : en championnat, il n’a marqué que deux buts tout en délivrant trois assists. En Europa League, pourtant, avec un temps de jeu plus limité, il en est à quatre réalisations et deux passes décisives. La grande scène européenne l’inspirerait-elle davantage que notre Jupiler League ?

 » Non, ce n’est nullement une question de motivation « , précise-t-il.  » En championnat, le danger vient principalement de la gauche chez nous. La preuve par les stats de Mbark Boussoufa qui en est à 6 buts et 11 assists. En Europe, c’est de mon côté, par contre, que nous avons été les plus saignants, avec quelques contres rondement menés. Je songe à celui engendré par Romelu Lukaku que j’ai conclu au Dinamo Zagreb ou celui que Lucas Biglia et moi avons préparé à son intention à l’Ajax. Chaque match a sa vérité et il ne faut pas en tirer de conclusions particulières. Le plus important, pour moi, c’est ma production d’ensemble jusqu’ici : après cinq ans, j’en suis toutes compétitions confondues à 25 buts et 25 assists. C’est un bon équilibre, tant sur le plan individuel que collectif.  »

Et les Diables Rouges, pour lesquels Jona n’a toujours pas été convoqué ? Il s’était plus que probablement mis hors jeu lui-même, à l’époque de René Vandereycken, en déclarant que si  » les choix du sélectionneur avaient toujours été pertinents, il serait au Real Madrid « . Avec Dick Advocaat, le Liégeois espère avoir sa chance :  » Ce serait le rêve « , lance-t-il.

 » La Belgique évolue en 4-3-3, à l’image d’Anderlecht « , conclut Hasi.  » C’est déjà un point positif pour lui. Mais même en 4-4-2 ou en 3-5-2, Jona est capable de bien se tirer d’affaire. Il n’apporte pas seulement de la percussion au moment voulu. Il est capable de bien défendre aussi quand les circonstances l’exigent. C’est un aspect où il a évolué du tout au tout, au même titre que Bous d’ailleurs, sur l’autre flanc. Si le Sporting peut se permettre de jouer avec trois hommes aux avant-postes, c’est justement parce que ses deux ailiers effectuent leur part du boulot défensif. Sous cet angle-là, Jona me semble même plus avancé que ses concurrents chez les Diables, KevinMirallas et EdenHazard. C’est la raison pour laquelle il doit croire à sa chance à cet échelon.  »

par bruno govers – photos: reporters/ gouverneur

Je ne sors plus que les week-ends sans match.

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