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 » Je me sens différent « 

Né de père belge et de mère malaisienne, Dion Cools est influencé par deux mondes différents mais il a sa propre identité.  » J’aime lire, ça m’oblige à réfléchir.  »

Souvent, quand on lui pose une question, Dion Cools laisse planer un silence avant de répondre. Son regard se perd au loin et il se gratte le menton. Ou il met ses mains sur la table, les doigts écartés, et les regarde. Pas qu’il ne sache pas quoi répondre, au contraire : le défenseur du Club Bruges a les idées très claires. Et il choisit les mots qui reflètent parfaitement ses vues, son avis, son vécu. Il réfléchit, mesure ses paroles puis se dévoile.

Le jeune homme qui est à table fait plus que son âge. Il a 21 ans mais, à son regard et à la façon dont il bouge, on dirait qu’il est plus âgé. Il ne feint pas d’être sérieux parce que les circonstances l’y obligent. Il a toujours été comme ça.  » On ne m’a jamais maltraité, tout s’est toujours très bien passé pour moi, que ce soit au football, à la maison ou à l’école.  » Il affiche la maturité d’un homme qui sait où il va.  » C’est difficile de dire de soi-même qu’on a évolué « , dit-il.  » Je peux tout au plus peut-être dire que je suis plus mûr que la plupart des gens de mon âge, je m’en aperçois. J’analyse toutes les situations, je ne réagis pas de façon impulsive comme la plupart des jeunes le font. Ça a toujours été comme ça. Je ne me souviens pas d’avoir fait quelque chose puis d’avoir regretté par la suite. J’ai toujours pesé mes choix. Dans le vestiaire, j’observe surtout les anciens parce qu’ils ont des choses à m’apprendre. Mais ça ne veut pas dire que je me sens supérieur aux gens de mon âge ou que je me crois plus malin qu’eux parce que je lis tandis qu’ils préfèrent jouer à la PlayStation. Moi aussi, j’y joue. Mais j’aime aussi lire. Parce que je veux apprendre.  »

Quand je suis en Malaisie, je me sens plus belge. En Belgique, pas vraiment.  » Dion Cools

L’homme est égoïste

Actuellement, Cools lit Think & Grow Rich, un livre écrit par Napoleon Hill en 1937.  » Mon oncle travaille aux États-Unis et m’a dit que je devais absolument lire ce livre afin de me forger une façon de penser différente. Il m’a aussi parlé des Sept particularités du leadership effectif. Et il a raison : ça me fait réfléchir.  »

Dans Think & Grow Rich, le chemin du succès est tracé par l’étude des habitudes des gens devenus millionnaires. Le leitmotiv du livre, c’est de ne pas laisser place aux idées négatives.  » Savoir cela, ça me donne quelque chose de plus, surtout lors des conflits. Le livre démontre clairement comment les hommes peuvent changer une situation rien que par leur façon de penser. Admettons que nous regardions une photo ensemble. Vous y voyez une chaussure et moi, une chaise. Comme j’y vois une chaise, je vais défendre ma façon de penser mais je peux aussi essayer de comprendre pourquoi vous y voyez une chaussure. Tenter d’accepter et de comprendre que quelqu’un ait un avis différent. Tout l’art consiste à ne pas être radical et à dire : c’est une chaise, un point c’est tout ! Alors, je pourrai peut-être comprendre comment vous en êtes arrivé à penser que c’était une chaussure.  »

Il réfléchit puis s’excuse presque.  » Dit comme ça, ça paraît simple mais ce n’est qu’en lisant que j’ai compris que je devrais faire plus attention à ça. Ça me fait réfléchir à la façon dont je pense et dont vous pensez. Apprendre à penser de la sorte, c’est une révélation.  »

Cools tente de prendre le contre-pied d’une société où les gens sont de plus en plus durs les uns envers les autres.  » Honnêtement, je dois dire qu’actuellement, c’est souvent l’inverse qui se produit : les gens donnent leur avis et on doit les écouter. Certains sont tolérants mais dans les sphères les plus élevées de la société, en politique par exemple, rien n’a changé : l’homme reste très égoïste.  »

Dispute dans la voiture

S’il s’est intéressé à différents aspects de la vie, c’est grâce à son père.  » Parfois, il insistait : – Tu n’a plus rien à faire pour l’école ? Tu ne lirais pas un peu ? Je lui répondais que je lisais et je lui expliquais ce que je faisais mais il préférait que j’étudie. Je lui suis reconnaissant d’être comme ça. Avant, quand je regardais des dessins animés comme South Park, il disait : – Ne regarde pas des bêtises pareilles, regarde plutôt un documentaire. Sur le moment même, je me disais que sa remarque était ridicule mais en fait, il avait raison. Il a essayé de bien m’éduquer et de me transmettre de bonnes choses. Et il le fait encore. Il me passe des magazines comme Trends et Knack, histoire que je sache ce qu’il se passe dans le monde.  »

Cools, ici à la course avec Edmilson :
Cools, ici à la course avec Edmilson :  » Ma mère vient de Malaisie, où on suit beaucoup le football anglais. Toute petite, déjà, elle était fan de Liverpool. « © BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

Comme il est enfant unique, ses parents ont toujours suivi de près tout ce qu’il faisait.  » Mon père était très sévère pour ce qui concernait l’école, ma mère me suivait surtout au football. Évidemment, je ne pensais qu’à devenir footballeur mais je n’ai jamais laissé tombé l’école. Je voulais réussir dans tous les domaines. J’ai obtenu mon diplôme d’éducation secondaire supérieure, section économie et langues. Maintenant, mes parents sont tous les deux très critiques en matière de football.  » Il rit.  » Ils sont fiers mais ils ne le disent pas rapidement. Ils sont très sévères. Si vous pensez que je mérite un neuf ou un dix sur dix, ils trouveront toujours un point à améliorer. Ils aiment tous les deux le football. Ma mère vient de Malaisie, où on suit beaucoup le football anglais. Toute petite, déjà, elle était fan de Liverpool et regardait les matches de Premier League.  »

Mon père me donne de nombreux magazines comme Trends et Knack, ça me permet de connaître le monde dans lequel je vis.  » Dion Cools

Lorsque Cools évoluait toujours en jeunes à Tempo Overijse ou à Oud-Heverlee, sa mère était au bord du terrain.  » Après, dans la voiture, on se disputait souvent en raison de choses qui s’étaient passées à l’entraînement. Nos caractères n’étaient pas compatibles. Elle me disait que je devais travailler mon pied gauche et je la contredisais. Finalement, on a admis tous les deux qu’on avait une vision différente et tout est redevenu normal. Je comprenais qu’elle disait ça pour m’aider mais à ce moment-là, ça pétait parce que ce n’était pas toujours agréable à entendre.  »

Petit Chinois

Il dit qu’il lui ressemble beaucoup. Plus qu’à son père.  » Ma mère a un caractère très fort. Elle ne se laisse jamais faire et dit toujours ce qu’elle pense. Quand on se disputait, on montrait tous les deux notre sale caractère mais on est aussi très émotif et on sait vivre en société. On trouve toujours un juste milieu. Mon père est plus sociable. Ma mère aussi mais elle se dévoile moins. Moi aussi. J’étais déjà comme cela quand j’étais petit. J’étais jovial mais un peu timide en même temps. J’étais le petit Chinois qui aimait jouer au foot. J’avais mon petit cercle d’amis et de membres de la famille et je ne cherchais pas à en sortir, même si je m’entendais bien avec tout le monde : je n’avais jamais de problème mais, aujourd’hui encore, j’ai des difficultés à m’ouvrir à des gens que je ne connais pas. Je ne suis pas rapidement à l’aise dans un nouveau groupe. Je préfère évaluer la situation et les gens avant de me dévoiler. Comme je suis dans ce club depuis trois ans, c’est plus facile car je connais tout le monde mais si, demain, je devais changer d’employeur, je ne serais plus du tout le même. Je serais plus timide, moins sûr de moi, moins bavard, plus renfermé sur moi-même. Ce n’est que plus tard que je sentirais avec qui je peux m’entendre, à qui je peux parler et avec qui je peux rire.  »

Il n’a pourtant pas réfléchi longtemps avant de signer au Club Bruges. Il avait 18 ans et devait quitter le domicile familial à Overijse pour vivre en Flandre occidentale.  » Aller à Bruges, ce n’était pas difficile car je ne suis pas vite impressionné. Je reste calme en toutes circonstances, même face à des gens célèbres. Je les respecte mais je ne me sens pas inférieur à eux. Ce sont des hommes comme les autres.  »

Mais Cools sait que, lorsqu’il franchira un nouveau pas dans sa carrière, il devra prendre ses marques. Actuellement, il ne veut pas songer à un départ à l’étranger.  » Ce serait difficile. Je me sens bien dans mon environnement et je n’aime pas l’inconnu. De toute façon, je dois encore progresser en tant que joueur. Donc, si je partais à l’étranger, je devrais absolument faire le bon choix et être sûr à 100 % avant de me décider. Je ne laisserai personne choisir pour moi parce que je suis timide mais je suis conscient que, si j’arrive dans un nouveau groupe, je serai à nouveau réservé. On verra alors comment ça se passera. Cette timidité ne m’a jamais mis des bâtons dans les roues. En équipe d’âges, j’étais même toujours capitaine. Une fois que je suis intégré au groupe, je parle, je dirige même. Je ne crois pas que quelque chose m’ait déjà déstabilisé.  »

Coup de foudre

Cools a grandi en Belgique. Pourtant, comme sa mère, il est né à Kuching, en Malaisie, où ses parents se sont rencontrés.  » Mon père traversait l’Asie du sud-est avec un ami. Il travaillait pour DHL, une entreprise internationale, et il s’est rendu dans les bureaux de Kuching, où il a rencontré ma mère. Ça a dû être le coup de foudre car ils se sont immédiatement donné rendez-vous. Mais mon père était en voyage et ne pouvait pas rester longtemps en Malaisie. Par la suite, ils ont fait plusieurs aller-retour puis maman a décidé de venir en Belgique car c’était le choix le plus facile. Lorsqu’elle est tombée enceinte, elle a toutefois émis le souhait d’accoucher là-bas afin que j’aie la nationalité de son pays et que je puisse choisir plus tard. Mais dès que j’ai pu prendre l’avion, nous sommes revenus en Belgique.

Dans un duel aérien avec Francis N'Ganga :
Dans un duel aérien avec Francis N’Ganga :  » Un club à l’étranger ? Ce serait difficile. Je me sens bien dans mon environnement et je n’aime pas l’inconnu. « © BELGAIMAGE – CHRISTOPHE KETELS

 » Elle m’a dit que ça avait été difficile et on doit être conscient qu’elle a abandonné beaucoup de choses. Mais elle ne s’est jamais plaint, pas du tout même. Ma maman est forte et autonome. Elle parle bien anglais et a pu facilement trouver du travail dans une entreprise internationale à Bruxelles mais elle éprouve toujours des difficultés à s’exprimer en néerlandais. Elle comprend tout mais je lui parle en anglais.  »

La partie sud de Kuching est celle qui est le plus influencée par la Chine.  » Du côté chinois, tout est plus strict, plus réglementé, plus ordonné. On travaille dur et ma mère a toujours été habituée à cela. Elle aime planifier, ne laisse rien au hasard, tout est bien organisé. Ici, on se contente d’un cinq ou d’un six sur dix. En Malaisie, tout le monde veut la note maximale. Il faut se mettre en valeur car c’est le seul moyen d’arriver au sommet et de décrocher une bourse à l’étranger, souvent en Chine, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni ou en Australie. Ça exige une autre façon de penser, les gens savent exactement ce qu’ils veulent. Ici, ma maman a donc dû s’habituer car tout le monde est plus laxiste. On se dit que les choses finiront toujours par s’arranger. C’est une différence énorme.  »

Petit, j’étais très jovial mais aussi timide. J’étais le petit Chinois qui aimait jouer au foot.  » Dion Cools

L’art de savourer les bons moments

Dans son pays natal, tout le monde n’a pas les possibilités auxquelles nous sommes habitués en occident : l’enseignement, les soins de santé, des revenus suffisants…  » La Malaisie n’est pas vraiment le pays le plus riche au monde. Je ne dis pas que c’est un pays pauvre mais si on compare à l’occident… Ici, tout le monde a une chance de gagner sa vie. Là pas. Donc, tout le monde n’a pas le luxe de rêver d’avenir. Quand on part en vacances en Malaisie, je le ressens. L’atmosphère est très différente. Chez nous, au cours des premières années d’école, on se fait plaisir, on joue dans la cour de récréation. En Malaisie, c’est déjà très strict et très sérieux. Ma cousine a douze ans, elle va à l’école de 7 heures du matin à midi puis suit des cours complémentaires obligatoires. Si elle ne le fait pas, elle décroche. Je pense que c’est pour ça que les Asiatiques sont plus persévérants que les occidentaux. Mais, selon moi, on savoure davantage ce qu’on fait et c’est un art également.  »

Il dit  » on  » en parlant de l’occident et  » eux  » en parlant du pays de sa mère.  » Sincèrement, je me sens plus occidental. J’ai grandi et j’ai été éduqué ici. J’ai subi d’autres influences mais elles m’aident surtout à découvrir qu’il existe d’autres façons de voir les choses, d’autres mondes. Le nôtre n’est pas toujours le plus juste. Ça me fait prendre conscience du fait qu’on doit être content de ce qu’on a. Les joueurs de foot aussi. On doit être satisfait et ne pas toujours râler. C’est une influence malaisienne et j’ai le caractère de ma maman mais ça ne fait pas de moi un Malaisien. Bien sûr, on ne pourra pas changer la couleur de ma peau. Ça ne m’a jamais causé de gros problème. Les Africains ont plus de difficultés que les orientaux. Quand j’étais petit, le long de la ligne, on criait parfois : Toi, le Chinois. Quand on est gamin, ça fait mal. J’avais honte de mes origines parce que je ne comprenais pas ce qui se passait mais aujourd’hui, je suis fier d’avoir deux cultures et je ne me sens pas obligé de faire un choix entre les deux. Le plus comique, c’est que quand je suis en Malaisie, je me sens plus belge. Et en Belgique, pas vraiment. Je me sens… différent. C’est particulier.  »

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 » En Malaisie, ma famille est folle de moi  »

Dion Cools va régulièrement en vacances en Malaisie, où sa mère et lui sont nés. Mais il a grandi en Belgique, le pays de son père. La dernière fois qu’il est allé en Asie, c’était il y a deux ans.  » J’essaye d’y aller aussi souvent que possible mais ce n’est pas évident « , dit-il.  » La dernière fois, ce n’étaient pas vraiment des vacances car nous avons reçu beaucoup de visites. À cause de moi. En Malaisie, ma famille est un peu folle de moi. Je suis le joueur de foot. Ils n’ont pas d’autre joueur qui évolue à ce niveau en Europe alors ils viennent pour me voir et je ne peux pas leur dire : – non, pas maintenant. Dans leur culture, on doit toujours être aimable.  »

Le défenseur a représenté la Belgique en équipes d’âge mais il pourrait toujours opter pour l’équipe nationale malaisienne.  » Si je le souhaitais, je serais déjà international là-bas mais je n’ai pas encore voulu faire mon choix. Jouer pour la Malaisie, ça me motiverait et je me donnerais à cent pour cent car je suis en partie malaisien et je veux que les gens soient fiers mais je reste ouvert à toute éventualité. Je suis encore jeune. Et puis, jouer en Malaisie n’a pas que des avantages : il y a les voyages, le décalage horaire… Ce n’est pas juste représenter son pays.  »

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