© koen bauters

 » Je me réjouis d’être à l’EURO « 

Elle veut apprendre une langue, jouer d’un instrument de musique et, surtout, beaucoup voyager. Avant de raccrocher les crampons, Imke Courtois a encore un rendez-vous avec l’histoire : l’EURO aux Pays-Bas.

Imke Courtois (29 ans) a quelque chose. À la fois frivole et sérieuse. Curieuse mais aussi nonchalante. En route vers la terrasse où se déroulera l’interview, non loin de la faculté de Psychologie de la KUL, elle parle de tout et de rien. Ce n’est pas un hasard si la chaîne Sporza a fait d’elle la première analyste féminine de football, il y a deux ans.

Tu viens d’annoncer ta retraite à l’issue de l’EURO. Pour travailler davantage pour la TV ?

IMKE COURTOIS : Non. Le monde médiatique t’encense puis te liquide aussi vite. En plus, je ne fais que ce que j’aime. Ne me demande pas de participer à un programme culinaire, par exemple.

La télévision ne t’a pas intimidée ?

COURTOIS : Je n’ai jamais eu l’impression d’être testée. Je dis ce que je pense, je reste moi-même. Parfois, je me tais parce que je suis entourée d’experts. Mais Jan Mulder ne m’impressionne pas. Il est provocateur mais il a un coeur en or. Il est plutôt protecteur que macho à mon égard.

Pourquoi arrêtes-tu le football alors qu’il suscite enfin de l’intérêt ?

COURTOIS : Je joue depuis l’âge de huit ans et je commence à saturer. Il est temps de passer à autre chose. Je veux voyager, m’investir dans mes amitiés, faire les petites choses qui m’ont toujours été interdites jusqu’ici. Je veux aussi consacrer plus de temps à mon doctorat. Après ma journée de travail, je pars pour Liège à 17 h, pour l’entraînement de 19 h qui se prolonge jusqu’à 21 h. Je suis chez moi à 22 h. C’est éreintant mais indépendamment de cette fatigue, il y a aussi la baisse de niveau de notre championnat, depuis qu’on a mis un terme à la BeNeLeague, il y a deux ans. Cette donne rend les sacrifices plus pénibles encore.

De fait, j’arrête au moment où tout devient plus facile pour les Red Flames mais je suis fière d’avoir contribué au succès actuel. Je me rappelle le temps où je disputais avec Wezemael les tours préliminaires de la Champions League. Nous étions au top belge mais il n’y avait que trois douches, avec un mince filet d’eau et la peinture des murs s’écaillait. Nous venons de loin. Le chemin est aussi beau que le sommet…

 » Mes études ont toujours primé  »

Tu es un des monuments des Red Flames mais tu n’as disputé que 18 matches. Pourquoi ?

COURTOIS : Mes études ont primé sur l’équipe nationale pendant sept ans. J’étais en U19, je sortais de l’école de sport de haut niveau de Louvain mais je voulais réussir à l’université et je n’avais pas envie de décaler mes examens. J’ai étudié l’ergothérapie trois ans puis j’ai fait quatre ans de kiné. Contrairement à ce qu’on a dit, je n’étais pas en bagarre avec Ann Noë, la coach.

Qu’est-ce qui fait le succès d’Ives Serneels, son successeur ?

COURTOIS : Ann Noë a posé les jalons du succès actuel. Elle s’est battue, sans jamais être entendue. Serneels est un bon coach mais il profite de la BeNeLeague, qui a secoué le football féminin : les clubs belges ont dû répondre à des exigences en matière d’installations et de formation. L’expérience a duré trois ans et nous en recueillons les fruits, comme nous allons payer la suppression de ce championnat. Les filles commencent déjà à s’expatrier.

Pourtant, le 16 juillet, la Belgique va participer à son premier EURO. Que peut-on en espérer ?

COURTOIS : Tout dépendra du premier match contre le Danemark. Nous affrontons trois ténors, avec la Norvège et les Pays-Bas ensuite. Les trois ont l’habitude des tournois. Nous aurons réussi si nous passons le premier tour. Je me réjouis d’y être. J’aime me fondre dans une équipe pendant 90 minutes durant lesquelles le football est la chose la plus importante. Même si je tire un trait au coup de sifflet final.

Tu es une leader ?

COURTOIS : À ma façon. Je parle sans arrêt mais je ne me fâche pas, pour autant qu’on ne me marche pas sur les pieds. Aline Zeler est une meilleur capitaine. Je ne tends pas toujours à la perfection.

 » Dès que je voyais un ballon, il fallait que je tape dedans  »

Quel type de défenseuse es-tu ?

COURTOIS : Je m’appuie sur ma vista et ma vitesse. Mon point faible ? Le jeu de tête. Je l’ai quand même entraîné car je vais affronter des avants de grande taille à l’EURO. D’ailleurs, je pense beaucoup à ce tournoi. Je me soigne mieux. L’équipe a passé des test à la Bakala Academy. Tout est professionnalisé mais nous ne connaissons pas les résultats des autres, comme le pourcentage de graisse.

Tu es le visage des Red Flames. Tu fais des jalouses ?

COURTOIS : Parfois mais je suis là pour défendre l’intérêt de l’équipe, pas pour attirer l’attention sur moi. Dans certaines activités, je reste sciemment en retrait.

Si l’équipe se qualifie pour le Mondial, tu n’auras pas de regrets ?

COURTOIS : Elle doit y arriver ! J’aurai des regrets mais je veux voyager, au Japon, en Australie, en Nouvelle-Zélande… Je veux apprendre à jouer d’un instrument de musique, apprendre une langue étrangère, l’italien, par exemple.

Comment as-tu découvert le foot ?

COURTOIS : J’étais une enfant énergique. J’ai fait de la danse mais dès huit ans, j’étais de tous les matches à la plaine de jeux. Dès que je voyais un ballon, il fallait que je tape dedans. Ma mère m’a inscrite aux Eva’s Kumtich. Ma soeur Femke et moi avons débuté ensemble, dans la même équipe, alors qu’elle avait trois ans de plus. Femke était différente : elle faisait le tour du vestiaire avec une pétition de GAIA. Ma mère est triste que j’arrête : elle me suivait partout. Pendant les séances à Wezemael, elle faisait des mots croisés sans l’auto. Mes parents assistent toujours à tous mes matches.

D’après une étude de l’UEFA, les footballeuses ont plus d’assurance que les autres sportives.

COURTOIS : Je n’ai jamais manqué d’assurance. Il n’y a pas nécessairement un lien de cause à effet. Peut-être que celles qui optent pour le football ont déjà plus d’assurance au départ.

 » Les Red Flames ne voient presque pas les Diables Rouges  »

Quel est le préjugé le plus embêtant sur le football féminin ?

COURTOIS : Les comparaisons avec les hommes. Comme dire que nous perdrions contre une équipe de D3. Nous tapons moins fort, nous courons moins vite qu’Origi ou Lukaku mais notre football est-il moins beau pour autant ?

Les Diables Rouges te connaissent ?

COURTOIS : J’ai rencontré Origi au cabinet de Lieven Maesschalck et j’étais à l’école avec Dries Mertens. Et Sven Kums. Sinon, on ne voit presque pas les Diables Rouges.

Que penses-tu de Roberto Martinez ?

COURTOIS : Je ne peux pas le juger, n’assistant pas aux séances ni aux discussions tactiques mais il n’y a rien à redire. Après l’EURO, le groupe avait besoin d’un nouvel élan. Martinez est très pro. Il a déjà assisté à nos matches et à Tubize, il prend toujours le temps de bavarder. Un type très sympa, hyper professionnel.

Quels sont les hauts faits de ta carrière de joueuse ?

Le succès en BeNeLeague avec le Standard en 2015 et l’EURO U19 en Suisse.

door matthias stockmans – foto’s koen bauters

 » Nos tirs sont moins puissants et nous sommes moins rapides que les hommes. Mais notre football est-il moins beau pour autant ?  » – Imke Courtois

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