« Je m’en vais »

Les Belgian Lions entament les qualifications pour l’EURO sans « Stru », qui se concentre désormais sur le Real.

Eric Struelens ne jouera plus avec l’équipe nationale. Il met fin à un chapitre de 11 ans, 61 sélections, rempli de bons moments et, surtout, de frictions et d’espoirs déçus… Ce n’est pas la première fois que le joueur alimente la polémique, annonce son départ et se laisse quand même convaincre de revenir. Il entretient une relation de haine-amour avec les Belgian Lions. Ses supporters le regrettent mais le Real Madrid applaudit des deux mains, même s’il n’y comprend pas grand-chose car Eric Struelens? Es un fenómeno, una maquina, le Butragueño du basketball madrilène. Le Belge est l’objet des éloges unanimes, aux portes du complexe d’entraînement du Real. A 32 ans, il porte la vareuse royale depuis quatre ans déjà. Son image est omniprésente dans le fanshop du stade Bernabeau et on peut le voir sur les écrans vidéo de la salle des trophées…

Début octobre, vous sembliez encore enthousiaste quant à votre retour en équipe nationale. D’où vient ce revirement brutal?

Eric Struelens: Après la présélection, Tony Van den Bosch m’a téléphoné pour régler quelques détails. Il n’y avait encore aucun problème. Durant les semaines suivantes, je n’ai plus eu de nouvelles de lui ni de la fédération. Pourtant, entre-temps, d’autres joueurs avaient reçu leur programme. J’ai eu l’impression qu’on me frappait dans le dos, une fois de plus, et j’en ai tiré mes conclusions. J’en ai discuté avec ma femme et mon manager et j’ai dit: -J’arrête les frais, définitivement. J’avais déjà voulu stopper l’année dernière, après ce qui s’était passé en Ukraine avec le car qui était parti sans moi parce que j’étais en retard, mais ceci, c’était la goutte de trop. Lucien Van Kersschaever et Tony Van den Bosch ont tenté d’infléchir ma décision mais j’en ai marre.

Une accumulation d’énervements

Avez-vous d’autres griefs?

C’est une accumulation d’énervements. Après le match en Ukraine, par exemple, que n’ai-je pas dû lire sur moi dans les journaux pendant les vols de retour… Derrière mon dos, sans m’en avoir parlé. Ils pensaient peut-être qu’il n’y avait pas de journaux belges sur les vols espagnols? Ils auraient dû discuter personnellement avec moi. Quand j’ai un problème avec quelqu’un, je ne m’adresse pas à un intermédiaire. Je dis toujours ce que je pense. Mais depuis novembre de l’année dernière, je n’ai plus rien entendu.

Vous avez déclaré, à l’époque, qu’ils avaient besoin d’un bouc émissaire. Vous avez même parlé de complot.

Je persiste et je signe. Il s’est passé des choses en équipe nationale dont les journaux n’ont jamais eu vent. Quand je suis concerné, moi, soi-disant la vedette, c’est tout de suite la sensation. En Ukraine, par exemple, nous étions onze joueurs. Je dormais dans une chambre à part, deux étages plus haut que les autres. Je ne l’avais pas demandé, vous savez. Comme il n’y a pas grand-chose à voir en Ukraine, je suis resté dans ma chambre à regarder la télévision. Ensuite, on m’a reproché de m’être isolé. Autre exemple: en Macédoine, nous logions dans un hôtel que les joueurs n’appréciaient pas. Comme j’étais capitaine, j’ai insisté auprès de la fédération, de concert avec Tony, pour changer d’hôtel. Nous avons perdu notre match et c’était ma faute, évidemment. En plus, le budget était excessif, ce dont j’étais également responsable. En juin, il y avait assez d’argent pour emmener les nouveaux en stage dans le Sud de la France. Je n’y comprends rien. Je ne veux pas établir de comparaisons mais le Real Madrid est parti à Podgorica, en Yougoslavie, avec un charter et un cuisinier. L’équipe nationale avait promis d’emmener un cuisinier en Ukraine aussi. Où se trouvait-il quand nous avons décollé? Ah, trop cher, pardon.

Je ne suis pas contre la Belgique

Tout est évidemment parfaitement réglé au Real. N’attendez-vous pas trop de l’équipe nationale?

Vous ne m’entendrez pas prononcer un mot de travers contre la Belgique. Je sais où je suis né et comment se portent les finances. Je comprends bien que le sport ne dispose pas d’autant de moyens qu’en Espagne ou en France. La Fédération de basketball pourrait toutefois entreprendre davantage de choses avec l’argent dont elle dispose. Tout peut être professionnalisé. En dix ans, elle a peut-être changé cinq fois de coach et quatre fois de staff. Ça ne va pas. Le sélectionneur entraîne toujours un club, en Belgique, alors que dans la plupart des pays, il occupe une fonction à temps plein. C’est quand même un poste important! Un franc est un franc, mais ça dépend aussi de la façon dont on l’emploie. J’étais un des joueurs les plus âgés, j’évolue à l’étranger, je connais beaucoup de gens, j’ai fait des suggestions. Chaque fois, on opine du chef et, malheureusement, ça n’aboutit à rien. Pourtant, les détails améliorent le rendement d’une équipe.

Pouvez-vous citer quelques détails?

Par exemple, ma femme est enchantée qu’ici, je ne ramène jamais mon équipement à la maison. Le club s’en occupe. Quand il y a un problème, je sais à qui m’adresser et ce problème est réglé en deux temps, trois mouvements.

J’ai joué sans assurance avec les Lions!

Indépendamment d’un encadrement peut-être peu professionnel, vous n’avez quand même jamais répondu aux attentes, sur le terrain, avec l’équipe nationale?

Le problème, c’est qu’on attendait toujours de moi 30 points et 15 rebounds. Si je n’y parviens pas dans mon propre club, comment puis-je réussir ça en équipe nationale? Au Real, je fais ce que l’entraîneur me demande. Je me moque bien de marquer deux points ou vingt, de prendre trois ou 25 rebounds. Je fais mon travail et je veux gagner. Je ne suis qu’un joueur parmi d’autres, je n’assume pas toute la responsabilité de l’équipe. Tout ça est une affaire de jalousie pure et simple: je joue à Madrid, je gagne bien ma vie, j’ai donc des allures de vedette. Mais je ne me sens pas dans la peau d’une star. Je suis simplement un bon joueur d’une très grande équipe. Djordjevic, Tarlac ou Tabak, voilà des étoiles. Et lorsque ces gars jouent en équipe nationale, ils posent leurs exigences. Si je les imitais, le budget serait certainement insuffisant. Je n’avais même pas besoin d’être payé par les Lions, une prime de qualification suffisait. J’ai même joué sans assurance…

Certaines personnes oublient volontiers que j’ai travaillé dur pour arriver là où je suis. Je n’ai encore de contacts qu’avec Daniel Goethals, Jean-Marc Jaumin, Eric Cleymans. Comme par hasard, des joueurs qui évoluent également à l’étranger. C’est éloquent, non? Typiquement belge, tout ça.

Vivre ici définitivement

Ça contraste avec l’estime dont vous jouissez à Madrid, en tout cas.

( Il rit.) Oui, ici, ils m’appellent le phénomène, la machine. Je suis très heureux, c’est vrai, comme ma femme et mes trois enfants. Nous envisageons même d’acheter une maison ici et peut-être ne retournerons-nous jamais en Belgique. La ville est superbe, le climat agréable, il y a cette mentalité du Sud, très décontractée. La vareuse du Real Madrid n’est évidemment pas un banal maillot. Je me suis toujours livré à fond pour Malines, Charleroi et le PSG. Pourtant lorsque j’ai enfilé cette vareuse mythique pour la première fois, j’en ai frissonné. Regardez cette salle. 28 titres, je ne sais pas combien de Coupes d’Europe. C’est quand même incroyable? Ce que je trouve fantastique, c’est qu’il n’y a pas de jalousie entre les joueurs. L’un gagne peut-être plus que l’autre mais nous nous battons tous pour le titre, la Coupe et le Final Four. Les primes sont identiques pour tout le monde. Les joueurs sortent régulièrement ensemble, ce que je n’imaginais pas possible dans une telle équipe. L’ambiance est très familiale, y compris avec les vedettes du football, d’ailleurs. Es un gran club, oui.

Les premières rumeurs de votre arrêt ont suscité fort peu de réactions en Belgique.

J’aurais espéré de plus beaux adieux mais c’est ainsi. Avant, ça m’aurait fait mal. J’ai quitté la Belgique il y a six ans et je ne me focalise plus sur ce genre de choses. Mon contrat prend fin cette saison mais nous discutons déjà d’une prolongation. Je serais heureux de pouvoir jouer ici quelques saisons encore. Puis j’arrêterai. Réussir mes adieux à Madrid compte plus à mes yeux que l’équipe nationale.

Voilà qui va faire plaisir à Madrid.

Bien sûr, le club est content que je me concentre sur lui. Je suis moi-même rasséréné par cette décision. D’accord, je n’ai que 32 ans, mais je devais quand même mettre fin à ma carrière internationale, tôt ou tard. Peut-être est-ce le moment idéal. Certains me donneront raison, d’autres pas. tant pis, je n’écoute plus les autres, seulement ma famille et mes meilleurs amis. Je me suis fait un nom en Belgique, en France et en Espagne. Pour certains, il s’agit peut-être d’une mauvaise réputation mais je sais ce que j’ai fait. Je suis satisfait du niveau que j’ai atteint, et j’espère que d’autres Belges feront pareil ou iront même plus loin. Je suis prêt à partager mon expérience avec tout le monde mais plus en tant que joueur de l’équipe nationale.

Inge Van Meensel, à Madrid

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire