» Je dois me défaire de l’image du nouveau Kompany « 

Sport/Foot Magazine est parti à la découverte de la nouvelle perle belge du Celtic.

Le rendez-vous a lieu dans un hôtel qui borde la Clyde. La rivière de Glasgow, longtemps pourvoyeuse d’emplois grâce à ses docks, a longtemps été délaissée. Aujourd’hui, la municipalité a redéployé ses abords et on peut s’y promener, entre les nouveaux bâtiments tout neufs de la BBC Scotland, l’auditorium dessiné par Norman Foster et un peu plus loin le Riverside Museum que l’on doit à l’architecte irakienne mondialement reconnue, Zaha Hadid. Quelques heures plus tôt, Jason Denayer, 19 ans, formé à l’académie Guillou à Tongerlo, parti jeune à City et prêté cet été au Celtic, a fait connaissance avec le OldFirm, ce match mythique entre les Rangers et le Celtic, gagné par ces derniers 0-2. Titulaire à tous les matches en défense centrale aux côtés du Néerlandais Virgil Van Dijk, Denayer a dégagé une impression de fluidité et de facilité face à une opposition, il est vrai, bien faible.

Pour lui, ce prêt au Celtic s’apparente à un véritable succès. Il était venu chercher du temps de jeu et pour la première fois de sa carrière une place chez les A. Et il s’est directement imposé chez les champions d’Ecosse où il a découvert le haut niveau et la compétition européenne. Dans une semaine, le Celtic disputera d’ailleurs son 1/16e de finale face à l’Inter Milan. Un nouveau test pour ce garçon charmant sur lequel veille toujours un père attentif qui n’a pas hésité à déménager à Glasgow pour être plus proche de son gamin.

Comment as-tu vécu ton premier derby ?

C’était vraiment un match spécial. On en a parlé toute la semaine dans les journaux. On sort un peu moins dehors car on sent les supporters plus chauds que d’habitude. On n’a pas pu aller sur les réseaux sociaux car il y avait beaucoup de provocation et il fallait éviter d’y répondre. Il fallait absolument rester calme dans cette frénésie. Il faut dire que Glasgow est une ville qui vit le foot. Chaque fois que je sors dans les magasins, les supporters du Celtic m’arrêtent pour prendre des photos. C’est une des raisons aussi pour lesquelles j’ai préféré vivre en dehors du centre-ville. Je voulais un endroit calme.

Qu’est-ce qui t’a marqué dans ce derby ?

L’atmosphère. A l’échauffement, on sentait déjà une certaine tension. Les supporters adverses nous ont hué et dès ce moment-là, on savait que cela n’allait pas être un match facile. Finalement, on a bien joué et on a gagné.

En termes d’ambiance, tu es servi à Parkhead, réputé bouillant…

Ce sont des fanatiques. Quand les supporters s’y mettent, c’est magique. Ils savent nous motiver.

 » De l’Ecosse, je ne connaissais que William Wallace, le Celtic et les Rangers  »

Comment as-tu abouti au Celtic ?

J’étais à Manchester City et mon manager m’a appelé pour me prévenir de l’intérêt du Celtic. Je ne me suis pas précipité car le mercato était encore long. Finalement, l’entraîneur du Celtic, Ronny Deila m’a téléphoné et il m’a dit qu’il me voulait vraiment dans son équipe. Mais il fallait que je me décide très vite pour faire partie de la liste pour les qualifications de la Ligue des Champions. Le soir même, je partais à Glasgow et le deal était conclu.

Tu pensais jouer si vite en équipe première ?

C’est ce que j’étais venu chercher au Celtic. A City, je savais que ça allait être compliqué de me faire une place, d’autant plus que le club venait d’acheter Eliaquim Mangala. Pour moi, il s’agissait clairement de la meilleure solution. A partir du moment où l’entraîneur m’appelait, j’avais une confirmation que j’allais au moins jouer quelques matches. Il faut dire que j’ai eu de la chance de marquer pour mon premier match comme titulaire. Je me suis dit que j’étais intégré. La présence de John Collinsqui parle français et qui m’a dit qu’il avait entraîné Charleroi, m’a aussi facilité les choses. Seul finalement l’accent écossais m’a un peu posé problème (Il sourit).

Le Celtic, ça représentait quoi pour toi ?

Tout le monde connaît le Celtic. Je ne savais pas qu’il y avait un tel fanatisme mais je savais que le club avait déjà gagné une Coupe d’Europe. De l’Ecosse, je ne connaissais que William Wallace (NDLR : le héros de Braveheart), le Celtic et les Rangers.

Tu n’étais pas inquiet de quitter le championnat le plus médiatique du monde pour un championnat plus discret ?

Non, car tant que je jouais, cela ne me dérangeait pas.

As-tu eu des contacts avec des clubs belges ?

Oui, mais cela n’a pas abouti. Je n’aurais pas vécu un retour en Belgique comme un échec mais je ne désirais pas revenir. Cela ne cadrait pas avec mes objectifs.

 » Je suis devenu plus mature et plus calme dans mon jeu  »

Au Celtic, tu es appelé à évoluer au sein d’une équipe qui domine. C’est plus facile pour trouver tes marques ?

Je pense que oui. En tant que défenseur central, c’est toujours mieux de jouer dans une équipe qui tente de construire, de chercher des solutions plutôt que de balancer la balle. On s’améliore davantage dans ce genre d’équipes. Et puis, dans l’optique d’un retour à City, une équipe qui fait tourner le ballon, c’est mieux.

C’était le championnat idéal pour te former ?

Le contexte est idéal pour acquérir de l’expérience. Le championnat est physique et le Celtic tente de jouer au ballon.

As-tu eu du mal à t’habituer aux duels ?

Comme j’étais sur le banc pour le premier match, j’ai pu observer les équipes. Je m’étais renseigné et on m’avait dit que la plupart des attaquants faisaient 1m90. Je savais que cela n’allait pas être facile dans les duels. Mais je me débrouille. Avec l’accumulation des matches, je suis devenu plus mature et plus calme dans mon jeu. Mon placement est devenu meilleur.

En Ecosse, on souligne ta complémentarité avec Van Dijk…

Virgil est arrivé un an plus tôt que moi. Il a du physique, joue bien. Il me procure un peu de cette expérience acquise. On a une bonne relation. Même en dehors du terrain, on s’appelle et on se voit. Notre entente se reflète sur le terrain. On a une bonne défense puisqu’on encaisse peu. Et tant qu’on fait notre job – éviter qu’on encaisse – on ne peut pas perdre.

Le Celtic est en tête mais ne domine pas outrancièrement le championnat…

La Coupe d’Europe nous a pris beaucoup d’énergie. On était concentré sur cette compétition car on se sentait obligé de se qualifier dans un groupe loin d’être évident (Salzbourg, Astra Giurgiu et Dynamo Zagreb). On l’a fait mais inévitablement, cela nous a coûté des points en championnat, où, à domicile, on doit faire face à des équipes très regroupées derrière. Il faut trouver de l’espace et on n’y arrive pas toujours.

Le championnat écossais a également ses petits poucets…

Ross County par exemple. Quand tu vas là-bas, le vent souffle et le stade est tout petit. Dans les plus petits clubs, c’est d’ailleurs souvent les supporters du Celtic qui mettent l’ambiance.

 » Quand tu t’adaptes à Tongerlo, tu peux t’adapter partout  »

Tu as un parcours singulier puisque tu n’as pas connu de clubs belges, tu as été formé à l’académie Jean-Marc Guillou à Tongerlo avant de partir à Manchester City. Comment s’adapte-t-on si vite à City ?

Quand je suis arrivé à Tongerlo, je venais de Bruxelles. Alors quand tu t’adaptes à Tongerlo, tu peux t’adapter partout (Il rit). C’est plus facile de s’adapter à City qu’à Tongerlo ! C’était la campagne là-bas. Pour trouver un magasin, il fallait marcher 20 minutes.

On ne parle que de ta formation pieds nus à Tongerlo…

Tout le monde a cette image de nous pieds nus car au début, on jouait contre des équipes belges (le GBA, Malines, Saint-Trond) et on gagnait sur des scores improbables, genre 20-2, et ce, sans gardien ! Du coup, plus personne ne voulait plus nous affronter. Les gens restaient sur cette image de joueurs pieds nus alors qu’à 16 ans, on est passé aux chaussures ! Et personne ne l’a remarqué…

Cette académie n’a pas spécialement bonne image. Pourquoi ?

Parce qu’elle prenait des joueurs aux clubs traditionnels ! Et ça ne leur faisait pas plaisir. Avant de jouer au football, cette académie nous a appris à devenir des hommes. On est seul, à l’internat. Sur le terrain, le jeu est basé sur la technique et l’intelligence de jeu. Ça forme autant l’homme que le joueur. C’est là qu’on m’a placé au poste de défenseur.

Et quelques années plus tard, te voilà à City sans passer par la D1 belge…

Une personne m’a fait passer un test à City et ça s’est bien passé. Je ne me rendais pas vraiment compte et je ne me suis pas posé de questions. Il ne s’agissait d’ailleurs pas vraiment d’un rêve puisque j’arrivais en réserves où le chemin est encore long avant d’arriver en équipe première. Je ne me suis jamais dit que j’étais arrivé à mon but. Encore aujourd’hui, je suis obligé de continuer à travailler. Je ne peux pas m’arrêter maintenant. Je n’ai aucun palmarès, aucun titre. Je ne peux pas me permettre de ne rien faire.

Avais-tu des contacts avec les pros ?

Oui. Dès que je suis arrivé, Kompany et Boyata sont venus me voir pour me dire que dès que j’avais besoin de quelque chose, ils étaient là. Ça m’a vraiment aidé. On mangeait dans la même salle que l’équipe première où tout le monde avait su rester humble.

 » Il sera encore temps de parler de moi quand j’aurai prouvé quelque chose  »

Qu’est-ce qui t’a marqué à City ?

Rien de spécial… à part peut-être les voitures sur le parking (Il sourit).

L’entraîneur de la réserve, Patrick Vieira, est-il aussi imposant que le joueur ?

Oui. Comme il a été joueur lui-même, il sait comment leur parler.

Penses-tu que tu seras prêt pour City après ton prêt au Celtic ?

J’espère. En tout cas, je fais tout pour.

On te compare souvent à Vincent Kompany ?

D’un côté, si un jour je joue avec lui, ça veut dire que j’ai réussi. Mais c’est réducteur de me comparer à Kompany. Si on fait la comparaison, c’est parce que je joue à City, que je viens de Bruxelles et que je suis métis. Je ne pense pas, au final, qu’on a le même style. Je dois me défaire de l’image du  » nouveau Kompany « . Je dois me donner une image personnelle et l’imposer.

Quel style de défenseur voudrais-tu être ?

Aujourd’hui, on estime que le défenseur doit être costaud. Pour moi, le défenseur idéal doit être polyvalent, technique, présent physiquement et bon à la relance.

A peine arrivé au Celtic et te voilà en équipe nationale. As-tu eu l’impression que la Belgique te découvrait ?

J’avais déjà eu des interviews dans lesquelles on me disait – On ne te connaît pas, c’est quoi ton style de jeu. Ça fait bizarre. La Belgique est mon pays mais les gens ne me connaissent pas. Quand j’ai été sélectionné, les gens se demandaient d’où je sortais. Moi, je n’ai pas été tellement surpris de ma convocation chez les Diables car on m’en avait déjà parlé. Par contre, je pensais que je serais repris pour un match amical et pas pour un match qualificatif.

Quelle image penses-tu avoir quelques mois plus tard en Belgique ?

Pour moi, cela reste un point d’interrogation. Les gens ne me voient jamais jouer. On se demande encore qui je suis. Mais cela ne me dérange pas. Il sera encore temps de parler de moi quand j’aurai prouvé quelque chose.

Comment décrirais-tu le noyau des Diables ?

Directement, on voit qu’il est très fort. Mais l’esprit y est bon. Tout le monde vit ensemble. Et maintenant que j’ai été repris une fois, j’espère faire partie de la prochaine sélection.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE À GLASGOW- PHOTOS: BELGAIMAGE

 » Je ne peux pas me permettre d’arrêter de travailler. Je n’ai aucun palmarès, aucun titre !  »

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