» Je dois être libre dans ma tête « 

Son été tumultueux, la  » folie  » de Guy Luzon, son amour pour le Standard ou la génération de  » malades  » chez les Espoirs, Polo compile le tout à sa façon.

Paul-José Mpoku ne fait plus la tronche. Il a beau n’avoir joué que les 20 dernières minutes du déplacement à Ostende, le sourire est de retour :  » Cela n’a rien de déshonorant de se retrouver sur la banc aux côtés de tels joueurs (Carcela, De Camargo). Et puis, les succès s’enchaînent, le coach a donc raison.  » Il y a encore quelques semaines, l’Homme des derniers play-offs du Standard aurait peut-être tenu un autre discours, alors que l’on l’annonçait partant pour la concurrence. C’était donc le moment idéal de faire le point…

Es-tu satisfait que le mercato soit derrière toi ?

Paul-José Mpoku : Oui et non. Je suis heureux d’être resté au Standard, d’un autre côté j’aurais pu partir dans d’autres clubs. Les contacts étaient concrets avec certains. Bruges, notamment, qui est entré en contact avec mon agent. Le Club était prêt à mettre un certain montant (ndrl, 2,5 millions d’euros) mais le Standard a toujours jugé l’offre insuffisante. Par contre, partir à l’étranger aurait été un mauvais choix après seulement un an parmi l’élite.

Quel aurait été l’intérêt de signer dans un autre club belge alors que tout est réuni ici pour réaliser une superbe saison ?

J’étais frustré par toute cette histoire autour de la (non) prolongation de mon contrat. Ça m’a énervé. Voilà pourquoi, cet été, je me suis dit que je devais partir. Tout ça me faisait mal car je suis liégeois, issu de l’école des jeunes, etc.

Le problème était uniquement d’ordre financier ?

Non, mais au vu de mes prestations de la saison dernière, j’estime que je dois être récompensé à ma juste valeur d’autant que plusieurs clubs sont venus frapper à ma porte.

Le fait que plusieurs autres joueurs du noyau ont vu leur contrat revalorisé cet été, cela t’a-t-il irrité ?

Non, tant mieux si les autres joueurs ont obtenu ce qu’ils désiraient. De mon côté, je sais ce que j’ai apporté et ce que je méritais. Je pense avoir réussi à gérer cette mauvaise passe mais je dois avouer que je n’étais pas content de la tournure des événements. Et ça se voyait paraît-il… Pourtant je suis très heureux de ma vie, je suis marié, je joue dans le club de ma ville, celui dans lequel je rêvais de jouer petit. J’ai tout ici, que ce soit humainement ou sportivement. Mais je fonctionne en termes de principes : quand quelqu’un fait des efforts, il doit être récompensé.

 » Plus je joue, mieux je suis  »

Es-tu satisfait de ton début de saison ?

Je n’ai pas eu droit à beaucoup de congés car j’ai participé au tournoi de Toulon avec la sélection Espoirs, j’ai aussi été blessé aux adducteurs, et puis j’ai dû m’habituer au système de rotation pratiqué par notre nouveau coach. Au final, j’ai quand même inscrit 4 buts depuis le début de saison. Je ne me tracasse pas du tout pour la suite des événements.

Beaucoup de personnes affirment que pour être à ton meilleur niveau, tu dois enchaîner les matches. Tu confirmes ?

Bien sûr. Plus je joue et mieux je suis. Et peu importe la place que l’on m’attribue. C’est ce qui explique en grande partie ma grande forme durant les play-offs de la saison dernière où les matches s’enchaînaient.

Le système de rotation, ce n’est donc pas pour toi ?

Quand t’as 21 ans, la rotation n’est peut-être pas le système le plus adapté mais je suis certain que le coach sait ce qu’il fait. Pour le moment, on gagne, et vu qu’il y a 36 matches à disputer d’ici à décembre, je comprends qu’il ne veuille pas brûler tout le monde. D’autant qu’en Belgique, c’est le sprint final qui compte.

On te savait très attaché à Rednic. Son départ a dû te surprendre et te décevoir.

Oui et je reste attaché à Rednic car c’est lui qui m’a lancé. C’est une personne que je ne peux pas oublier. Il a énormément contribué à faire de moi le joueur que je suis aujourd’hui. Guy Luzon est également un très bon coach que j’ai appris à découvrir alors que personne ne le connaissait auparavant.

Il est pas un peu spécial ?

Il est fou ! Il le sait lui-même (il rit). C’est une folie communicative car il est très proche du groupe, il est tout le temps en contact avec nous. Et ça ne l’empêche pas de garder une certaine distance quand c’est nécessaire. Quand il doit tuer, il va tuer (sic), mais il sait aussi être cool par moment. Et puis, tactiquement, on sent qu’il est pointu, qu’il maîtrise son système de jeu.

 » J’ai besoin qu’un coach me parle  »

C’est-à-dire ?

Tu sens que ce type a étudié le foot, qu’il a effectué des recherches, qu’il s’est déplacé un peu partout pour mieux comprendre et maîtriser ce sport. On a marqué des goals sur des phases qu’il avait élaborées en semaine. Et c’est arrivé à quatre-cinq reprises déjà cette saison, ce qui est énorme. Tu sens aussi qu’il dort, qu’il mange, qu’il vit foot. Pour des jeunes comme nous, c’est un exemple d’être coaché par quelqu’un d’aussi passionné.

Il parle beaucoup avec ses joueurs ?

J’ai joué quelques matches où ça n’allait pas…. Il s’est entretenu avec moi dans son bureau. Et ça a été un déclic. Après cette discussion, j’ai commencé à me sentir bien, à jouer mon jeu, à tenter des choses comme face à Minsk où j’ai multiplié les petits ponts. J’ai besoin qu’un coach me parle.

Guy Luzon n’est-il pas quelqu’un de trop directif ?

Rednic me disait toujours  » pas philosopher, pas philosopher « . Et Guy Luzon ne pense pas autrement. Il m’a dit : » en défense il y a des règles mais offensivement sois libre.  » Et pour être à mon sommet, il faut que je joue l’esprit libéré. Je dois avoir le sentiment de jouer au  » parc « . Si l’on me bourre le crâne de directives, c’est fini pour moi.

Le retour de Carcela au Standard va augmenter la concurrence en attaque. Comment as-tu accueilli son transfert ?

Je savais qu’il allait revenir bien avant que sa signature soit officielle. C’est un pote. Et puis son retour est une très bonne chose pour le groupe, c’est quelqu’un qui met de l’ambiance dans un vestiaire et surtout, c’est un excellent joueur.

L’arrivée de plusieurs joueurs cet été réduit-elle ton importance au sein du groupe alors que tu étais un des éléments-clefs la saison dernière ?

Non je ne pense pas. Je ne sais pas si je dois me sentir important mais je dois être impliqué dans un groupe pour me sentir bien. Rednic dans Foot Mag disait que j’étais déjà un leader à mon âge, ça veut dire quelque chose.

Il disait également que tu étais plus avancé que Batshuayi et Ezequiel ?

Je pense que c’est dû à mon parcours en Angleterre, le fait d’avoir dû m’assumer si jeune et m’être entraîné avec des grands joueurs à Tottenham. J’ai vu d’autres choses que beaucoup de jeunes n’ont pas encore expérimenté.

 » C’est un rêve de jouer au Standard  »

Est-ce que tu as ton mot à dire dans le vestiaire ou tu respectes la hiérarchie ?

Il existe une hiérarchie avec au sommet, Jelle (Van Damme), Ciman, William (Vainqueur), De Camargo. Mais si j’ai quelque chose sur le coeur, je n’hésiterai pas à le dire. Je suis quelqu’un qui prend ses responsabilités quand c’est nécessaire.

Le décès de ton cousin a eu une grande influence dans ton développement….

Après cet événement tragique, je me suis tourné vers la foi, ça m’a aidé à grandir. J’ai compris à ce moment que je devais me comporter en homme et que les gamineries c’était fini.

Beaucoup de jeunes joueurs belges rêvent de partir très vite. C’est une forme d’impatience, d’immaturité ?

Pour ma part, je n’avais pas envie de partir à l’étranger, je savais que c’était trop tôt. Mon objectif a toujours été de jouer un an de plus dans un club belge et le Standard était la meilleure solution qui soit.

Qu’est-ce que ce club a de plus que les autres à tes yeux ?

L’atmosphère qui s’en dégage. Quand je regardais plus jeune les Mbokani, les Witsel, etc, ça faisait vibrer tout Liège. Même en Angleterre, j’avais des échos du Standard. C’est un rêve de jouer pour ce club.

Quelles sensations t’a procurées ton premier but ?

Des frissons incroyables, d’autant que c’était à Sclessin. Tout ce monde qui saute, les sourires sur les visages, ça fait quelques chose. Quand je partirai un jour du club, je pourrai dire fièrement : j’ai joué au Standard, dans ma ville, dans ce stade, avec ses supporters.

Le groupe est-il vraiment plus fort que la saison dernière ?

Oui, je le dis depuis le début du championnat, il faut viser le top 2, pas en dessous. Quand on compare avec l’année passée, le groupe s’est étoffé. Avant, il y avait onze titulaires et quand tu en remplaçais un, ça posait problème. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, il y a plusieurs joueurs pour chaque place.

 » Les Espoirs, c’est un truc de malades  »

Anderlecht fait-il peur ?

Ils ont une nouvelle équipe qui a été écrémée de plusieurs de ses cadres. Mbokani leur assurait au moins 15 buts par saison, Jova c’était 10 assists. L’équipe reste bonne, Mitrovic est un bon attaquant, mais il va falloir reconstruire.

Malgré le sans-faute actuel, on pointe un manque de spectacle à Sclessin.

C’est en partie vrai et pourtant on travaille actuellement beaucoup la possession, le jeu court, etc. On est une jeune équipe qui se projette encore trop vite vers l’avant. Mais pour moi, une victoire apporte toujours une part de spectacle. Les supporters du Standard sont très exigeants et parfois trop par moments. C’est aussi leur force et c’est ce qui nous pousse à nous dépasser.

Quand tu regardes l’équipe nationale, tu te dis que tu es encore loin du compte ?

Il me manque quelque chose, c’est évident. La différence n’est pas énorme mais elle est due essentiellement au fait d’évoluer dans de grands championnats. Tu montes un échelon comme quand tu passes des espoirs à l’équipe première du Standard. L’étape est importante mais quand tu es dans le noyau A, tu progresses vite.

L’équipe belge espoir a réussi un joli 9 sur 9 pour le début de ses éliminatoires de l’Euro avec notamment une victoire marquante en Italie (1-3). A ce sujet, tu avais écrit sur Twitter qu’ on était passé de furbo à turbo. Tu peux expliquer ?

Lors de la théorie, Johan Walem avait indiqué le mot furbo pour définir l’Italie, ce qui exprimait la roublardise, le côté malin de leur jeu. Et c’est ce qui s’est passé puisque la Squadra menait 1-0 à la mi-temps. Mais en deuxième mi-temps, on a mis le turbo. Franchement, c’est quelque chose d’être dans une équipe pareille. La plupart des joueurs de l’équipe Espoirs sont titulaires dans leur club et en sont des joueurs importants. C’est évident qu’il y a énormément de qualité dans cette équipe. C’est un truc de malades (sic). Et puis, on a un très bon coach avec qui j’ai une relation de confiance. Et il n’a pas perdu son coup de patte, il nous le prouve encore aux entraînements. Heureusement, j’ai demandé à son fils qui de nous deux avait la meilleure frappe ? Il a répondu que c’était moi.

 » Bakkali est un phénomène  »

Le fait que Zakaria Bakkali soit appelé si jeune chez les Diables te surprend ?

Non, pas du tout. Je le connais depuis longtemps, déjà quand il était au Standard. Il est très fort le petit Bakkali, et pour son âge il a déjà beaucoup de caractère, de personnalité. C’est un phénomène. Et ce qui me fait marrer avec lui, c’est qu’il est un peu fou. Je crois d’ailleurs que beaucoup de grands joueurs, à l’image d’Eden Hazard, ont besoin d’être  » libres « . Ça ne sert à rien de leur prendre la tête à ce type de joueurs. Walem, Wilmots, comprennent ça parfaitement, eux ont joué au foot.

A quand une sanction disciplinaire pour avoir amené des filles dans ta chambre d’hôtel ?

… Ils sont bêtes, je te jure… Je ne sais pas ce qu’il leur prend des fois. C’est ça le problème, on a une équipe de malades mais on a aussi quelques fous.

PAR THOMAS BRICMONT

 » Je reste attaché à Rednic car c’est lui qui m’a lancé. Et ça ne s’oublie pas.  »

 » En Espoirs, on a une équipe de malades. Mais on a aussi quelques fous. « 

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