» JE DOIS ÉCLATER CETTE SAISON « 

Il entame sa troisième saison dans le noyau pro mauve. Avec des sentiments mitigés et conscient qu’il doit progresser dans ses statistiques. Voici pourquoi il pense qu’il va réussir.

Une petite blessure à la hanche lui a joué des tours pour la Supercoupe mais elle n’a pas entamé son humeur. Sa poignée de mains est ferme, son sourire contagieux. Dennis Praet est prêt, au début du championnat qui doit être le sien. Enrôlé par Anderlecht avec le titre de plus grand talent belge, il s’est fait rattraper par Youri Tielemans et dépasser par Massimo Bruno. Marc Wilmots est parti pour le Brésil avec la plus jeune délégation de tous les temps mais on n’a jamais cité son nom. Pourtant, Adnan Januzaj et Divock Origi, qui sont encore plus jeunes que le Louvaniste, ont été repris.

Comment as-tu vécu le Mondial ?

Dennis Praet :Très intensément. On dit souvent que je ne suis pas un véritable fan du football parce que je ne suis pas tous les matches à la télé mais j’ai vécu le Mondial avec passion. C’était évidemment lié aux Diables Rouges. Toute la Belgique a vécu à leur heure, c’est clair.

Tu as aussi orné tes rétroviseurs de housses aux couleurs nationales ?

Non mais j’ai pendu des drapeaux à ma fenêtre. Je me suis même costumé et j’ai peint le drapeau belge sur mes joues. Surtout parce que mes amis le faisaient : c’est chouette de participer. Atteindre les quarts de finale n’est pas mal du tout mais tout le monde espérait que la Belgique irait plus loin. Le jeu développé n’a pas été terrible, tout le monde l’a vu. Sauf contre les Etats-Unis : quel match formidable ! Incroyable. Nous étions tous à la maison, mon père, la famille, les amis.

J’ai assisté à deux matches des Diables dans un café de Louvain, où Dries Mertens, le héros local, était acclamé. C’est ce qui t’attend.

(Il rigole). Je l’espère, bien sûr, mais j’en suis encore très loin.

Tu as 20 ans et la sélection belge était la plus jeune du tournoi.

Oui mais regardez les noms : ils jouent tous dans des grands clubs étrangers. Essayez de vous faire une place là… Michy Batshuayi, Thorgan Hazard, Maxime Lestienne, Massimo Bruno avaient tous une chance. Ce ne sera pas facile. Je sais que les joueurs actuels sont plus avancés que moi et je l’accepte mais c’est quand même un rêve.

As-tu aimé voir les Belges à l’oeuvre ou l’envie d’en être prédominait-elle ?

Je me suis amusé. J’ai été extrêmement déçu quand ils ont été éliminés. D’un coup, tout était terminé. Ça donne la gueule de bois.

On a bien dû constater que malgré son talent, l’équipe manquait de vitesse d’exécution et de réflexion, à l’exception de Kevin De Bruyne. Or, ce sont deux de tes principales qualités.

En effet mais je joue en championnat de Belgique. C’est peut-être à cause de ça. Ensuite, je pense que notre entrejeu possédait un bon mix avec Witsel, De Bruyne et Fellaini. De Bruyne pense et agit rapidement, Fellaini excelle dans les duels et Witsel apporte son calme.

 » Faire la différence comme Thorgan Hazard à Zulte Waregem  »

Quand Anderlecht t’a transféré de Genk, tu avais seize ans et tu étais considéré comme un des plus grands talents belges. Es-tu satisfait du chemin accompli en quatre ans ?

Partiellement. J’ai connu des hauts et des bas. Je ne pense pas qu’une carrière puisse n’être qu’ascendante mais j’aurais sans doute pu être plus avancé. Je ne me suis pas encore exprimé à cause de certaines circonstances.

Lesquelles ?

Avant, je marquais beaucoup, je délivrais des assists, j’étais dangereux. J’y suis mieux parvenu pendant les play-offs mais je dois être plus présent dans le rectangle et faire plus souvent la différence, comme Thorgan Hazard à Zulte Waregem. C’est très important pour un footballeur offensif.

Tu te distingues trop peu ?

Peut-être à cause de mon jeu. J’hésite à entreprendre une action difficile. Je préfère jouer simplement, chercher les combinaisons alors que je devrais parfois oser entreprendre une action.

D’après Jean Kindermans, le responsable de la formation au Sporting, tu dois avoir plus d’impact sur les résultats. Il a dit, après le titre, que tu devrais pouvoir te vanter d’avoir marqué une dizaine de buts et donné une quinzaine d’assists. Tu es d’accord ?

C’est quand même ce que je dis, non ? Je dois être plus déterminant. J’ai eu un déclic pendant les play-offs. J’ai marqué deux buts et délivré deux assists. J’espère être définitivement lancé. Ce n’est pas facile mais je dois placer la barre plus haut. Mon père ne cesse de me le répéter et il a raison.

Pourquoi as-tu mieux joué pendant les play-offs ?

Je suis généralement meilleur contre les équipes plus fortes. C’est souvent contre elles que je dispute mes meilleurs matches.

Est-ce dû à Besnik Hasi ?

Le changement d’entraîneur a certainement provoqué un changement de mentalité et un déclic dans le groupe, peut-être parce que tout le monde veut faire ses preuves quand l’entraîneur change mais aussi parce que nous avons compris que c’était indispensable. Les derniers résultats sous John van den Brom n’étaient pas bons du tout. Nous n’avons pas eu d’équipe type pendant toute l’année. J’ai joué à gauche, à droite, au milieu défensif, au milieu offensif. Il n’a pas trouvé la bonne occupation de terrain. Besnik Hasi nous a offert de la clarté d’emblée et, au final, nous avons gagné nos cinq derniers matches.

Cette clarté a eu une conséquence : tu n’as pas joué à ta position favorite !

Non mais je n’avais pas été assez brillant à cette place de prédilection pour pouvoir y rester à tout prix. Celui qui joue au numéro 10 doit faire la différence. Je ne l’ai pas faite assez. Le nouveau coach m’a posté à gauche et j’y ai été bon.

Ça t’a permis de montrer des qualités dont on commençait à douter : abattage, volume, participation au travail défensif. L’inconvénient, c’est que maintenant, on va te considérer comme un travailleur alors que tu es avant tout un beau footballeur.

Bof… Je trouve qu’on peut être un beau footballeur quand on effectue son travail défensif. Cela ne m’a pas empêché d’apporter un plus offensif à l’équipe pendant les play-offs. Ce n’est donc pas incompatible.

 » Mais je ne suis pas malheureux à gauche !  »

Est-il plus difficile d’être décisif depuis le flanc gauche ?

Je ne trouve pas. Mes statistiques y sont meilleures qu’au centre.

Mbark Boussoufa y a joué pendant des années et a été très déterminant.

Voilà. James Rodriguez a également joué à gauche pendant la Coupe du Monde et il s’est distingué. Un centre tiré du droit depuis le flanc gauche est toujours dangereux. Donc, il m’a été plus facile d’être menaçant depuis le flanc. C’est une révélation.

Tu n’y joues donc pas contre ton gré ?

Pas du tout. L’entraîneur a changé de tactique et il n’a plus de vrai numéro dix. Il faut s’adapter. Tant mieux si ça réussit. Ma force, c’est de pouvoir bouger entre les lignes et de pivoter au bon moment. Je ne peux pas l’exploiter là. Sur le flanc, je n’ai personne dans mon dos, je fais face au jeu. Ça exige un autre style de jeu mais je l’apprécie aussi.

Comme ailier en 4-4-2, tu dois courir plus pour arriver dans la zone de vérité. Dans ces conditions, ce n’est pas plus difficile d’être menaçant et déterminant ?

J’ai joué les onze derniers matches de la saison à gauche. Je ne pense pas avoir été trop peu décisif. Je suis arrivé suffisamment dans le rectangle, en tout cas plus souvent que pendant le reste de la saison. Mais, de fait, Besnik Hasi nous a fait jouer plus bas. Parfois, j’ai dû revenir tout à fait derrière, comme Andy Najar de l’autre côté. Pour arpenter le flanc comme ça, il faut une bonne condition et du volume.

En d’autres termes, tu as été plus décisif quand l’équipe a joué plus bas.

Mais l’équipe a mieux joué qu’avant.

Comment Hasi y est-il parvenu ?

Par l’organisation. Nous avons encaissé trop de buts faute d’une bonne organisation. Hasi a commencé par expliquer l’abc du football à tous les joueurs. Il a immédiatement aligné son équipe. Tout était clair. Combien de buts avons-nous encaissés pendant les play-offs ? Peu. Et nous avons exploité nos contres.

 » Accuser les jeunes, ce n’était pas correct  »

Pourquoi l’organisation s’est-elle relâchée sous la direction de Van den Brom ?

A cause de plusieurs facteurs. Le laxisme des joueurs, un entraîneur trop peu sévère, trop peu d’entraînements tactiques aussi.

Vous ne saviez pas ce qu’on attendait de vous ni vos tâches respectives.

L’équipe changeait toutes les semaines, nous n’avions pas d’automatismes. Nous avons été champions la première année mais nous possédions une équipe capable de réfléchir en possession du ballon. Biglia, Jovanovic, Mbokani : tout tournait. Nous neutralisions l’adversaire, nous conquérions rapidement le ballon et nous jouions. Nous n’avions pas une équipe pareille l’année dernière. Nous avons dû réfléchir à ce qu’il fallait faire en perte de balle mais nous n’y sommes pas toujours bien arrivés. John van den Brom se focalisait sur la possession du ballon et le beau jeu. Hasi juge l’organisation plus importante et il essaie de développer son jeu à partir de là.

Un moment donné, Guillaume Gillet, le capitaine, a fustigé le manque de discipline des jeunes joueurs.

Ce n’était pas marrant. Ne pointer que les jeunes du doigt n’était pas correct non plus. Nous étions tous mouillés : aucun élément de l’équipe ne fonctionnait.

Le club a ensuite déclaré que les joueurs plus chevronnés n’avaient pas assez épaulé les jeunes, qui ont donc été soumis à une pression trop forte pour leurs épaules fragiles. L’as-tu ressenti ?

Un peu. Nous n’avions pas de vrai leader comme Biglia l’était. Il n’y avait personne pour nous diriger alors que c’est nécessaire, surtout pour les jeunes. Il nous fallait quelqu’un qui prenne le match en mains et dise : -On fait ça et ça.

Ce n’est pas dans ta nature non plus ?

Je devrais être plus présent mais je n’ai jamais été un bavard. Toutefois, je progresse : je parle plus souvent. C’est normal. Un jeune ne doit pas commencer à l’ouvrir quand il débarque quelque part.

Tu entames ta troisième saison complète en équipe Première. Tu auras 21 ans à son terme.

C’est pour ça que c’est une année très importante pour moi. L’année durant laquelle je dois éclater.

 » Content pour Massimo Bruno… pas d’autre commentaire  »

Kindermans a dit que c’était un moment déterminant de ta carrière :  » Soit il effectue un nouveau pas en avant, soit il devient un très bon joueur de club.  » Cette issue ne te satisferait certainement pas.

Non. Je veux accomplir un nouveau pas en avant, être important pour l’équipe, marquer plus de buts, délivrer plus d’assists, présenter de meilleures statistiques.

Pour ça, tu n’as pas besoin de jouer à ton meilleur poste ?

Absolument pas. Je peux jouer au dix mais je dois aussi réussir de la gauche. Même un cran plus bas mais différemment, en étant alors celui auquel on passe le ballon, celui à partir duquel le jeu part. En bref, je dois devenir important, peu importe de quelle manière.

Et pourquoi vas-tu réussir ?

Quand je recevais un ballon que je pouvais facilement passer alors qu’un adversaire était devant moi, je le faisais. Mais si je dribble cet adversaire, je peux être dangereux moi-même. Donc, je dois avoir l’audace de ne pas opter pour la solution la plus facile pour tenter ma chance. Je n’ai pas été assez présent dans le rectangle sur les passes. Je dois y surgir plus souvent pour finir le boulot sur le deuxième ballon. L’entraîneur insiste là-dessus mais ce n’est pas un chantier : je dois juste le faire. Agir !

Pourquoi ne l’as-tu pas fait ?

Peut-être parce que je n’étais pas suffisamment au point physiquement pour arriver au rectangle et revenir. Je travaille beaucoup mon volume afin de pouvoir courir pendant nonante minutes.

Un chiffre indique ton importance croissante pour l’équipe. Après Kouyaté, Mbemba et Proto, c’est toi qui as totalisé le plus de minutes de jeu, la saison passée.

C’est bien, non ? Ça veut dire que j’ai quand même été un maillon important de l’équipe, malgré toutes les critiques. Il y en aura toujours d’ailleurs, mais ce n’est pas grave : je les accepte.

Massimo Bruno et toi avez été les premiers fruits du rajeunissement du Sporting. Bruno tient son transfert à l’étranger.

Je suis content pour lui. Il le mérite. Je ne m’étendrai pas davantage sur le sujet.

Bruno avait plus de talent intrinsèque que toi mais il a aussi été plus motivé, peut-être à cause de ça. Sa route vers l’élite a également été plus capricieuse que la tienne.

Il a été découvert un peu plus tard mais il a du talent. Il a une action comme peu de footballeurs en ont en Belgique. Je ne l’ai pas mais il a plus de mal que moi à faire une passe quand quelqu’un est dans son dos.

Il est parti, Youri Tielemans attire l’attention, et toi, tu es banal.

C’est comme ça. Si un nouveau talent émerge dans deux ans, il attirera l’attention. Ça ne m’ennuie pas du tout. Je préfère ne pas trop attirer la presse. Par exemple, je refuse beaucoup d’apparitions à la télévision parce que je ne trouve pas ça important.

Comprends-tu l’attention que suscite Tielemans ?

Naturellement ! Youri est un talent d’exception.

PAR JAN HAUSPIE- IMAGES : BELGAIMAGE

 » Je dois maintenant devenir important, peu importe la manière.  »

 » Essayez de vous faire une place chez les Diables… Batshuayi, Thorgan Hazard, Lestienne, Bruno non plus n’y arrivent pas.  »

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