« Je dois devenir le Boussoufa de Bruges »

Le Vénézuélien a pris du muscle et de plus en plus d’importance dans le jeu. Sa troisième saison au Club Bruges est en passe d’être celle de la consécration.

Le 2 décembre, il fêtera ses 24 ans. Le Vénézuélien n’a donc plus l’excuse de la jeunesse. Sa troisième saison au service de Bruges est celle de la vérité. Grâce à un travail de musculation pendant les vacances, où le Club avait dépêché un accompagnateur afin qu’il effectue convenablement ses exercices, ses problèmes physiques appartiennent au passé.

Ronald Vargas :  » J’atteins un excellent niveau, meilleur que lors des deux saisons précédentes, et certainement devant le but. Je viens déjà de battre mon record personnel : au Venezuela, j’ai marqué huit fois en un championnat.  »

Qu’est-ce qui a changé sur le terrain ?

Ronald Vargas : Ma position actuelle, en pointe du triangle médian, n’est pas comparable à mon poste précédent. Je dispose de plus de liberté, je suis plus près du but et je peux relayer un partenaire sur le flanc. C’est très différent.

Qu’est-ce qui vous procure le plus de plaisir ? Marquer, délivrer un assist ou simplement montrer vos qualités ?

Développer un football qui fasse plaisir aux gens et qui soit décisif. J’aime être impliqué dans un but, je le reconnais, que ce soit en l’amenant ou en l’inscrivant, mais je veux avant tout être un protagoniste, un élément déterminant. L’essentiel reste cependant le style de jeu.

Comparez-vous à Jelle Vossen.

Je ne sais pas si je peux comparer mon impact sur le football de notre équipe. Nous occupons tous les deux la même position et nous marquons beaucoup. Peut-être allons-nous nous disputer le titre de meilleur buteur mais ce n’est pas l’essentiel. Ce qui compte, c’est le titre. Genk a très bien entamé la saison alors que nous avons pris un départ particulièrement mauvais. Malgré tous les problèmes déjà rencontrés cette saison, je reste convaincu que nous avons une très bonne équipe et que nous sommes en mesure d’être champions.

 » Nous devons nous défaire de ces luttes intestines « 

Qui vous impressionne le plus en Belgique ?

Mbark Boussoufa, pour son impact sur Anderlecht et sa régularité, peut-être davantage que durant d’autres saisons. Romelu Lukaku est encore très jeune mais il a beaucoup de possibilités et les attentes sont élevées. Il est un des plus grands espoirs, selon moi. J’apprécie aussi le style de Matias Suarez.

Vous ne citez que des Anderlechtois…

C’est logique, c’est une bonne équipe, qui recèle de brillants footballeurs. Au Standard, Steven Defour me plaît bien. Il est bien revenu après avoir été longtemps blessé la saison dernière. Il est le moteur de l’équipe, avec Axel Witsel.

Que pensez-vous de cette comparaison : Vargas est au Club ce que Boussoufa est à Anderlecht ?

Elle est très flatteuse car il est un des éléments les plus importants du championnat. Les statistiques expriment son impact sur le jeu offensif du Sporting. Je tends aussi vers cet objectif. Je dois être aussi important pour le Club qu’il ne l’est pour Anderlecht et je crois que j’y parviens progressivement.

Vous considérez-vous comme le moteur du Club ?

Non. A chacun sa tâche. En se cantonnant à la sienne, on facilite la vie des autres. Nous devons nous défaire de ces conflits et des luttes intestines. Avec un peu plus d’unité, le travail de chacun deviendra plus facile.

Vous êtes au point offensivement mais récemment, Vadis Odjidja a constaté que vous vous effaciez quand le Club subissait un match. Est-ce un aspect à travailler ?

Oui ,claro. Je le sais. Je dois aussi me défaire d’un stopper. Ce sont des aspects à perfectionner.

 » Je ne suis pas devenu beaucoup plus lourd « 

De quoi un footballeur a-t-il besoin pour réussir ? De travailler avec plaisir, d’être discipliné ?

Il lui faut de l’ambition davantage que du plaisir. Il doit vouloir être le meilleur pour réaliser les ambitions de son équipe, vouloir remporter un trophée. Beaucoup de facteurs influencent le jeu mais il faut essayer de les éliminer et tout mettre en £uvre en fonction d’un objectif : gagner un prix.

D’où votre travail cet été ?

Je ne suis pas devenu beaucoup plus lourd, deux à trois kilos tout au plus, mais je suis plus musclé. Je devais me développer physiquement mais je n’ai quand même pas passé tous les jours à la salle de muscu. Il ne faut pas exagérer. Je ne devais pas devenir plus costaud mais plus athlétique. Outre l’adaptation au climat, ce travail a été l’élément le plus important pour moi car je sentais que sans cela je ne pouvais être le Ronald Vargas que les gens voulaient voir. Aujourd’hui, je peux m’entraîner et jouer à fond. Je prends soin de mon corps, je me repose et je me sens bien.

Avez-vous douté de vous après ces deux années ? N’avez-vous pas craint de ne pas avoir le niveau requis ?

Jamais. Je suis très fort mentalement. J’en ai déjà vu dans la vie et ce n’est pas à cause d’une blessure que je vais déprimer ni douter.

Au Venezuela, vous avez été impliqué dans une affaire de dopage. Est-ce à cela que vous faites allusion ?

Oui. C’est arrivé à mon insu, en -17 ans et on s’en est rendu compte lors d’un match en équipe nationale. En réalité, les faits remontaient à six mois plus tôt avec une sélection régionale, alors que je venais d’arriver à Caracas. Le médecin a pris l’initiative de m’injecter un produit interdit parce que je souffrais du bras. Je n’en savais rien. Il m’a affirmé que le lendemain, je ne sentirais plus rien. A seize ans, vous obéissez au médecin. Il est diplômé, après tout ! Je n’avais pas de mauvaises intentions, je n’ai jamais voulu tricher.

Vous avez sérieusement envisagé d’arrêter.

Oui, par déception et parce que j’étais suspendu pour un an. On s’entraîne pour jouer. Sinon, on a l’impression que tout est inutile. Finalement, la suspension a été ramenée à sept mois. Le médecin qui m’a trompé est toujours suspendu à l’heure actuelle. J’ai toujours bénéficié du soutien de ma famille et de mes amis. Sans eux, j’aurais sans doute arrêté.

 » J’adore tous les sports de balle « 

Les terrains s’alourdissent. Tiendrez-vous le coup, cette fois ?

Oui. J’y suis beaucoup mieux préparé que les autres années, grâce à Thomas Geschier, le physiothérapeute brugeois qui m’a coaché au Venezuela. Il a eu beaucoup de malchance (il rit) : Il ne faisait que quatre ou cinq degrés et il pleuvait tout le temps.

Regrettez-vous le Venezuela ?

Non, j’ai tout ce qu’il me faut ici, sportivement et à titre privé. Cela reste mon pays, j’y ai d’autres habitudes mais ici je suis constamment entouré par des membres de ma famille. Mes parents viennent régulièrement, comme mon amie, ma s£ur, mon beau-frère. Des amis, aussi. Je ne suis jamais seul. Ramskapelle est très paisible et cela me plaît.

Est-ce comparable à Guatire, où vous avez grandi ?

Absolument pas. Et c’est encore moins comparable au chaos de Caracas !

Si vous n’étiez pas footballeur, que seriez-vous devenu ?

J’aurais étudié, sous la pression de ma mère. La publicité ou la presse. J’ai achevé ma scolarité à son insistance. Je ne pensais qu’à une chose : le football. Pourtant, je n’avais jamais imaginé devenir footballeur professionnel. J’étais attiré parle jeu en lui-même. Au Venezuela, le sport numéro un est le baseball. Je m’y suis adonné aussi car j’adore tous les sports de balle et surtout le futbolito, le foot en salle. C’est ce qui me convenait le mieux. J’ai longtemps joué en rue sans championnat, puis en 2002, des gens de Caracas m’ont découvert durant un petit tournoi. Tout s’est accéléré. Je me suis retrouvé dans une équipe pour -17 ans, j’ai pris les choses au sérieux, d’autant que j’ai été très vite repris en équipe nationale. J’ai commencé à réaliser que j’avais un avenir en sport. Roberto Rosales a alors rejoint Gand et j’ai suivi son évolution, ce qui m’a donné envie de jouer en Europe aussi. Le train était lancé.

C’est surtout votre mère qui aimait le football, au point de vouloir vous appeler Diego Armando.

Oui, mais mon père n’était pas d’accord et on m’a baptisé Ronald, du prénom du président américain. Il voulait que je porte le prénom d’un homme important et en 1986, c’était Ronald Reagan. Mon père n’aimait pas le football, il jouait au baseball et il a failli être professionnel. C’est lui qui m’a poussé dans cette direction. Tous les pères donnent un ballon ou un vélo à leur fils, ici, mais lui m’a donné un gant.

Baisers et telenovela

Laura Chimaras, votre petite amie, est actrice.

Oui, une jolie actrice selon certains et je partage leur avis (il rit). Elle est la fille d’un acteur connu au Venezuela et commence à acquérir une certaine notoriété. On passe une série avec elle pour le moment. Elle est petite mais elle a un caractère bien trempé et sur la scène, aussi, elle est exubérante !

Expliquez-nous l’importance d’une telenovela, un phénomène plus marqué que chez nous.

Ce ne sont pas des histoires libres, elles contiennent généralement un message lié à un thème qui concerne le pays : la violence, l’insécurité, la délinquance…

On peut admirer des extraits de scènes de votre amie sur Youtube. N’êtes-vous pas jaloux quand elle embrasse un autre ?

Oui et non. Youtube montre d’anciens extraits, antérieurs à notre relation. La voir embrasser d’autres à ce moment ne me fait rien. Nous ne sommes ensemble que depuis huit mois. Si ça arrivait aujourd’hui… Ce serait différent. Elle ne le fait plus.

Vous ne le supporteriez pas ?

Je pense que non (il rit). Je sais que les baisers d’acteurs ne sont  » vrais  » mais il doit en rester quelque chose. (Peu convaincant). Je ne suis pas jaloux mais…

C’est son travail et si le scénario le requiert…

Je dois l’accepter. Elle affirme que ça n’arrive plus. Elle prend d’autres rôles. Si elle me voyait avec une autre, ce serait également fini.

Vous n’êtes pas acteur. Que pensez-vous des scènes de nu ?

Je ne sais pas comment je réagirais, vraiment pas.

 » L’entraîneur me répète que je dois me maîtriser « 

Vos adversaires vont peut-être se servir d’elle sur le terrain pour vous provoquer. Or, sur ce point, vous avez encore du pain sur la planche, non ?

Si, si. Mais j’ai déjà progressé par rapport au Venezuela, croyez-moi. Il n’empêche que j’ai déjà écopé de plusieurs suspensions pour avoir réagi à une provocation.

Que s’est-il passé contre Villarreal, un match où vous avez été exclu ?

C’est très bizarre. Je n’ai pas frappé le joueur à la figure mais son nez a commencé à saigner et j’ai été exclu. Le hasard a voulu que je le rencontre ensuite, après le contrôle antidopage. Il m’a dit avoir été également surpris par ce saignement. J’avais touché son bras.

Vous avez reçu une carte jaune à Waregem suite à une autre réaction.

Pour rien, je vous le jure. Le public et le joueur ont commencé à crier. Un arbitre doit juger lui-même de la situation. Prenez la faute qui m’a valu une carte rouge la saison passée à Anderlecht : elle nous a coûté les trois points et j’ai été suspendu alors que je n’avais pas fait grand-chose. Je trouve que les arbitres devraient assumer davantage leurs responsabilités.

N’êtes-vous pas victime du même phénomène que Boussoufa, à savoir qu’on mise sur votre impulsivité pour vous neutraliser ?

En effet. Tous deux, nous savons que nous devons essayer de réagir autrement, sportivement. L’entraîneur me répète que je dois me maîtriser. En dehors du terrain, je suis d’un naturel très paisible, j’aime me promener, effectuer du shopping, à mon aise.

Ne vous êtes-vous pas senti seul cet été après le départ d’Antolin Alcaraz, Rosales et Daniel Chavez ?

Si. Il ne reste plus beaucoup d’hispanophones. Heureusement, Júnior Díaz est arrivé et Stefan Scepovic parle aussi un peu l’espagnol.

Après deux ans en Belgique, êtes-vous aussi loin que vous l’espériez ou votre blessure a-t-elle contrarié votre planning ?

La blessure a peut-être rompu la continuité de ma progression mais j’ai l’impression de toujours aller de l’avant.

Au terme de cette saison, il vous restera un an de contrat. Vous allez recevoir des offres, peut-être déjà en janvier. Les prendrez-vous au sérieux ou resterez-vous à Bruges jusqu’en fin de saison ?

Il faut tout envisager. J’ai déjà eu des propositions de Russie et d’Ukraine, je les ai examinées et je suis toujours à Bruges. Je nourris des ambitions ici mais cela ne m’empêche pas de tout étudier.

PAR PETER T’KINT – PHOTOS: JELLE VERMEERSCH

 » Je suis mieux préparé aux terrains hivernaux que les saisons précédentes « 

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