« Je devais ça à Manchester »

Le Hollandais rejoint le club de ses rêves avec un an de retard. Il est devenu le transfert le plus cher de Grande-Bretagne.

Le marché a été conclu en 48 heures. Manchester United a accepté de verser au PSV la somme demandée, 1,2 milliard, pour un attaquant qui relève à peine d’une grave blessure au genou. Mais le temps manquait car le Real Madrid s’intéressait aussi à Ruud van Nistelrooy.

L’intérêt du Real ne vous a pas fait douter?

Ruud van Nistelrooy : C’est un honneur mais je préférais Manchester United. Il m’a attendu pendant un an. Il n’a contacté aucun autre attaquant pendant un an. Ce témoignage de respect m’obligeait à le rejoindre. Mais ce n’est pas un devoir. J’ai toujours rêvé de United. Je veux vraiment y jouer. Les entretiens que j’y ai eu avec les gens, l’esprit de club qui y règne, l’implication de tous m’ont impressionné. C’est un grand club mais il est chaleureux. Ma première impression a été confirmée lorsque je me suis blessé. Ferguson m’a rendu visite. Ça n’a pas plu au PSV mais ça m’a touché: c’était un geste humain. Nous sommes restés en contact. J’aurais compris qu’un club pareil dise: -Dommage, mais au suivant.

Le 28 avril 2000 reste ancré dans votre mémoire.

Tout s’est effondré, ce jour-là. Mon transfert à United venait de capoter, j’étais déçu. J’espérais réaliser un bon EURO, de nature à faire changer Manchester d’avis. Rater un transfert et l’EURO est dur mais on peut le digérer si on joue. Moi, j’en ai été privé pendant près de dix mois. C’était angoissant.

Je ne connaissais pas le moindre passage à vide. Je ne pensais qu’au match suivant. J’ai appris à mieux savourer le moment présent. Je n’ai pas assez profité de ma bonne période. J’étais trop soucieux de me concentrer sur la tâche suivante. Je n’étais jamais content. Peut-être suis-je ainsi fait: le lendemain, le match est oublié. Je crois qu’à l’avenir, je serai différent.

Avez-vous été dans le trou?

Certainement, mais c’était surtout dû à la fatigue. Parfois, le physio me renvoyait à la maison, car j’étais à plat. On avait l’impression que j’étais infatigable, tant je voulais revenir. C’est pour ça que j’ai pu m’entraîner autant. A midi, je m’endormais sur la table de massage de l’hôpital pour me réentraîner l’après-midi. Ensuite, je mangeais, je me reposais, j’allais au lit pour être frais le lendemain matin. Je voulais absolument revenir en force. En effet, ça m’a aidé pendant la revalidation.

Et les réactions de l’extérieur?

Incroyables. Je me suis blessé le 28. Deux jours avant la fête du titre. Elle a commencé dans le stade avant un cortège dans la ville. Ensuite, j’ai été inondé de cartes, de lettres, de fleurs, d’e-mails, par milliers. Les premiers jours ont passé comme dans un rêve. L’ambiance était tellement prenante que j’ai fait le fou pendant cette fête. Je ne savais plus où j’étais.

Vous deviez avant tout faire preuve de patience. Est-ce dans votre nature?

Non, j’ai dû l’apprendre. Je recherche constamment mes limites. Parfois, il m’arrive d’être tellement fanatique que j’explose. Je peux alors puiser dans mes réserves sans même être fatigué. L’ambiance des stades me transcende. C’est différent pendant une revalidation. Il faut faire attention. Chaque geste est étudié. Sur le terrain, je me fie à mon intuition. Je peux faire tout ce qui me passe par la tête, sans devoir penser à une blessure. Une fois blessé, j’ai atterri dans un autre monde. J’ai dû procéder par étapes. La première, après l’opération, est de remarcher. Ensuite, il faut poser sa jambe en faisant attention. C’est inimaginable. Je devais me concentrer sur ma jambe droite, veiller à ne pas dépasser les limites de l’exercice.

D’un coup, le duo Nilis-Van Nistelrooy a été touché.

Nous étions exceptionnellement motivés, un avenir doré nous attendait. Nous devions nous affronter en Premier League, nous en rêvions déjà, sans parler de tous nos souvenirs communs. Mais la réalité nous a rappelés, brutalement, à l’ordre. Je peux poursuivre ma carrière, pas Luc. J’en souffre pour lui. Il reste sur une brillante carrière. Il est triste de l’achever ainsi. Toutefois, ce qu’il a réalisé doit prendre le pas sur la manière dont sa carrière a pris fin. Maintenant que je rejoue, je comprends mieux à quel point il était bon. Jouer avec Luc, c’était quelque chose d’indicible. A cause de sa présence, de son jeu. Pendant deux ans, nous avons formé un vrai couple.

Quand avez-vous compris que vous touchiez au bout de vos efforts?

J’ai achevé ma revalidation tranquillement. J’avais réfléchi à la façon dont je pouvais meubler cette période. Nous avions longuement discuté, convenu de délais. Savoir comment travailler est la base de tout. Si on n’y réfléchit pas avant, on risque de réagir de manière impulsive.

Avez-vous obtenu l’assurance que votre genou ne resterait pas un point faible?

J’ai été opéré à Vail, Colorado. On m’a placé un nouveau ligament croisé antérieur. En Amérique, ils disent: – Now it’s like a normal knee again.

Avez-vous peur?

La peur fait partie intégrante de la revalidation. On a peur de remarcher après l’opération. On surmonte ce sentiment lors de l’étape suivante car on retrouve confiance et c’est ainsi qu’on progresse. Un moment donné, j’ai refait l’exercice qui m’avait valu cette blessure. Après plusieurs répétitions, la peur disparaît. Puis vient le moment où vous avez tout refait: disputé des duels, shooté. Toute anxiété doit avoir disparu après un entraînement complet avec le groupe. Nous avions discuté de ces étapes.

Le PSV a conquis un nouveau titre sans vous.

On disait que ce serait difficile sans Nilis et moi. Kezman était inconnu et les gens le considéraient comme un problème potentiel. Bruggink était la doublure de Nilis mais encore fallait-il voir comment le duo allait s’entendre. Kezman a réalisé un exploit dès sa première saison. Il a connu un début difficile mais ensuite, il n’a cessé de marquer. Il ne garde pas le ballon. C’est un finisseur, doté d’une rage de vaincre incroyable. Kezman est constamment en mouvement, il passe de l’attaque à la défense sans répit. Depuis qu’il se concentre sur ses points forts, il a inscrit plus de vingt buts. En Coupe d’Europe aussi, il a marqué des buts décisifs. Il mérite le respect.

Le raffut provoqué par votre absence contre le FC Kaiserslautern a dû vous mettre en rage.

Le PSV l’a remarqué. C’est dans ce genre de match qu’on peut effectuer les derniers pas. On ne participe pas tous les jours à un quart de finale UEFA.

Quels étaient vos sentiments, pendant Portugal-Pays-Bas?

Notre déplacement au Portugal a été le meilleur match de l’équipe nationale depuis des années. A 0-2, le Portugal n’avait pas encore eu la moindre occasion. A 2-2, j’ai été au lit.

Pourquoi n’avez-vous pas été sélectionné pour ce match?

J’avais joué deux fois une heure en championnat. C’est trop peu. J’étais en condition, là n’était pas le problème. Ce n’eût pas été correct à l’égard des autres. Nous ne manquons pas d’attaquants… Van Hooydonk, Kluivert, Makaay, Hasselbaink, Vennegoor of Hesselink, Bruggink.

Vous avez votre place dans cette lignée.

Tout dépend des résultats. Deux fois une heure, c’est trop peu pour menacer des garçons qui ont signé de bonnes performances toute une saison. Ma sélection se justifiera quand j’aurai aligné de bonnes prestations pendant un certain temps. Après Kaiserslautern, je savais que je ne serais pas repris. Si j’avais pu disputer ce double duel, c’eût été différent.

Vous ne craignez pas de rater aussi la Coupe du Monde?

Nous avons assez de qualités pour nous qualifier.

Tirez-vous toujours les penalties?

Oui. Je m’en suis toujours chargé au PSV. J’étais désigné pour en botter lors du match amical Pays-Bas-Allemagne, l’année dernière. Je comprends qu’on parle tant de ces tirs au but. Ils ont causé notre perte à l’EURO comme pendant le Mondial précédent. Le groupe doit se mettre d’accord. Je tire comme ça, je le prends comme ça, tu suis. Ce n’est que dans ces conditions qu’on peut tirer convenablement.

Wim Raucamp et Ted van Leeuwen, ESM

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