« JE CROYAIS DEVENIR SOUDEUR »

L’itinéraire tortueux d’un Carolo pur jus qui a finalement retrouvé les chemins du club de son coeur.

Aime ce que tu as avant que la vie ne t’enseigne à aimer ce que tu as perdu.  » Cette phrase empreinte de philosophie est tatouée sur l’intérieur du biceps de RomanFerber, le Carolo qui monte dans le Pays Noir. Et elle résume bien la complexité d’un personnage attachant mais au corps de colosse, un joueur doté d’une technique de haut vol alors qu’il a le physique d’un pivot de basket.

De son restaurant favori, à deux pas du Marsupilami, au terrain où il a frappé ses premiers ballons, le Zèbre nous a emmenés à travers sa ville, sur les traces de son enfance, de ses souvenirs, de ses passions et de ses nouvelles ambitions. Roman Ferber arrive en retard au  » Piccolo Mondo « . Très en retard même. Mais il affiche un large sourire et s’excuse aussitôt.

La séance distillée par FeliceMazzu, ce jour-là, a duré plus longtemps que de coutume et le voici assis sur la terrasse de ce restaurant bien connu à Charleroi, tenu depuis belle lurette par Mano et son épouse.  » Roman, c’est vraiment un gamin en or. Il est atypique et n’oublie pas d’où il vient. C’est important parce qu’il incarne aussi, à sa façon, la fierté d’une ville qui aime son club et les joueurs du cru « , explique le patron.

Pour mieux cerner celui qui se cache derrière une coupe à la Dragon Ball, voici cinq thèmes qui découpent son existence et qui retracent un parcours compliqué.

1. L’ENFANCE

C’est à Montignies-sur-Sambre, Rue des Cartiers, que le petit Roman a grandi. Avec sa maman, qu’il vénère, et un peu plus loin de son père.  » Nos parents se sont séparés quand Roman avait trois ans « , explique Logan, son frère aîné.  » Notre mère s’est sacrifiée en travaillant dur pour que nous puissions vivre décemment alors qu’elle n’avait, en plus, droit qu’à une maigre pension alimentaire. Elle enchaînait les heures de labeur pour que nous puissions payer la cotisation au Sporting ou fréquenter les stages de DanteBrogno.  »

Roman est un sentimental. Un croyant aussi. Ce qui explique les tatouages qui ravagent son bras de haut en bas :  » La Sainte Vierge, un ange, une rose, une croix ; le tout sur un fond nuageux « , explique l’attaquant des Zèbres.  » Oui, c’est vrai que j’ai la foi. C’est dû à l’éducation que j’ai reçue. J’ai appris à respecter les gens et à protéger ceux qu’on aime. La maison dans laquelle j’ai toujours vécu, c’est mon grand-père qui l’a construite. Elle a donc une grande valeur sentimentale à mes yeux.  »

Pour ce gamin aux racines italiennes, le football fut rapidement un exutoire.  » Nous jouions tout le temps. Après l’école, le soir, le week-end, pendant les congés scolaires. Notre terrain de prédilection était un agora près du Cora de Châtelineau « , ajoute Roman.

Roman s’est logiquement inscrit dans un premier club : Châtelineau. Puis il passa deux saisons à Farciennes avant de rallier le grand Sporting.  » Petit déjà, il m’arrivait de devoir prendre le bus le soir pour me rendre à l’entraînement.  » Mais c’est évidemment le club dont tout petit Carolo naît supporter. A cette époque, il fréquentait l’école Notre-Dame de Ville Basse.

Il allait, au final, rester huit ans chez les Zèbres et aujourd’hui, il le reconnaît très honnêtement :  » Je n’ai pas tout fait pour réussir. Le foot était un hobby, un plaisir. Et je n’étais probablement pas assez sérieux. Je ne pensais pas non plus que je pourrais un jour en faire mon métier.  » Commence alors un drôle de parcours…

2. L’OUBLI

A dix-huit ans, comprenant qu’il était bouché, peut-être perdu pour le football et lassé, Roman rallie Farciennes en P2. Officiellement pour rejoindre son frère.  » Je lui ai tout de suite dit qu’il était con « , en rigole aujourd’hui Logan.  » Il était non pas une classe, mais dix classes au-dessus des autres. C’était un gamin qui débarquait dans un vestiaire et un championnat d’hommes mais chaque fois qu’il touchait le ballon, les gens restaient bouche bée.  »

En P2, Roman fait ce qu’il veut. Il se refait une santé mentale, oublie le passé. Il enfile les buts comme d’autres comptent les moutons pour s’endormir.  » J’ai fini meilleur buteur de P2. Je pensais vraiment trouver un job et m’amuser avec les potes à n’importe quel niveau mais je n’avais plus aucune ambition sinon le plaisir.  »

Parallèlement, Roman continue de pratiquer le foot en salle.  » C’est à toutes ces années passées avec les copains en rue ou en club au mini que je dois ma bonne qualité technique « , affirme-t-il. Une saison d’exception plus tard, ce grand fan de la Juventus fait un premier saut. Direction l’Olympic de Charleroi.

 » J’ai eu un peu peur parce que je me suis demandé comment il allait digérer ce bond de quelques divisions « , se souvient son frère.  » Mais quand j’ai vu ses premiers matchs et l’aisance qu’il avait, j’ai su que les Dogues ne seraient qu’une nouvelle étape, même si lui pensait le contraire. Il n’avait pas l’air d’avoir plus d’ambitions que cela alors que moi, je l’encensais et je le poussais à aller de l’avant.  »

 » Je fréquentais les bancs de l’Université Technique de Charleroi où j’étais assez bon élève. J’étais même premier de classe « , raconte le numéro 45 des Zèbres avec un petit sourire.  » A cette époque, je ne savais pas vraiment vers quoi je me dirigeais puis j’ai découvert la soudure et cela m’a plu.

Jusqu’il y a peu, je bossais dans le bâtiment. Je me levais tôt le matin pour me rendre sur des chantiers à travers le pays. Ce n’était pas facile tous les jours mais j’ai beaucoup appris, sur moi-même et sur les autres. Puis cela m’a permis de relativiser. J’ai aussi fait des connaissances exceptionnelles comme DamianoSigona, l’un de mes meilleurs potes.  »

L’homme est juste à côté de lui et il opine du chef :  » Nous passons dix-huit heures sur vingt-quatre ensemble. Je ne rate quasiment aucun de ses matchs et j’ai toujours cru en lui. Nous vivions à 500 mètres d’écart et nous avons aussi joué ensemble dans un club de foot qui s’appelle les Gallins Montagnards à la Ligue.

Nous bossions ensemble dans la même société de construction et les longs trajets que nous faisions ensemble me laissent beaucoup de bons souvenirs.  » Damiano est encore dans le bâtiment. Roman, lui, a pu compter sur un coup de pouce du destin pour sortir du bois et de l’oubli. Sa dévotion a payé.

3. LA RENAISSANCE

A l’Olympic, il est bon. Très bon même. Il accumule les prestations brillantes, s’entraîne dur mais là encore, il n’y croit pas.  » Pour moi, le vrai déclic de sa carrière, ce fut son transfert à Mons. Il a alors commencé à prendre conscience qu’il avait peut-être ce qu’il fallait pour se faire un petit nom et une place dans un monde difficile « , explique Logan.

Pourtant, deux saisons plus tard, il a ce qu’il mérite. Un billet pour la D2 et un club wallon reconnu. Entre-temps, le  » serial-buteur  » a étoffé son jeu. Il a parfois évolué sur un flanc voire en tant que meneur de jeu. Mais toujours en déplaçant sa grande carcasse avec aisance et en faisant parler sa technique avec douceur.

 » C’est grâce à DidierBeugnies que j’ai pu rallier le stade Tondreau. Cela a été un tournant important dans ma vie. J’ai découvert le professionnalisme, le rythme soutenu des entraînements, le haut niveau parce que certains matchs de D2 valent quand même le détour. J’y suis arrivé avec beaucoup d’insouciance en partant du principe que je recevais une opportunité en or qui n’arrive qu’à un type sur vingt ou trente. J’ai mordu sur ma chique et finalement, tout s’est bien passé même si la fin de l’Albert a été difficile à vivre.  »

Alors que le RAEC Mons fait faillite, Roman Ferber fait ses valises et trouve la plus fiable des bouées de sauvetage. Un coup de fil lui permet de revenir au bercail par la grande porte :  » MogiBayat m’a appelé pour savoir si un retour à Charleroi pouvait m’intéresser. Inutile de vous dire que ma réponse fut un grand oui. C’était effectivement très sympa comme idée et le club avait beaucoup changé. J’ai foncé.  »

4. LA SUEUR

D’abord celle que coûte sa passion pour les tatouages chez un artiste bien connu : Boris. C’est là qu’il a entrepris de faire de son corps une oeuvre d’art tout en ne se détachant pas de son sentimentalisme.  » C’est vrai que c’est une qualité que seuls ceux qui me connaissent bien peuvent me reconnaître « , dit-il. Une autre phrase tatouée le confirme :  » Un grande pezzo delmoi cuore vive in cielo « , traduisez  » Une grande partie de mon coeur vit dans le ciel « . Pensée pour ceux qui ont disparu trop tôt.

Ensuite, la sueur qu’il met aux entraînements pour réussir, même si ses proches et ceux qui le côtoient tous les jours vous diront qu’il peut faire mieux encore.  » Il a toujours aimé s’amuser et quand il m’arrive d’aller le voir à l’entraînement, je trouve qu’il a gardé son esprit un peu ‘jouette’ « , explique son frère.

Roman Ferber savoure son bonheur mais mène une vie rangée pour mettre tous les atouts de son côté :  » Aujourd’hui, quand j’entends un équipier se plaindre, je lui rappelle la chance qu’il a. Il y a quelques mois seulement, j’étais de l’autre côté du miroir. Je travaillais, c’était dur. Je me rappelle tous ces matchs que je venais voir au Mambourg quand j’étais gosse. Je rêvais moi aussi de monter sur cette pelouse.  »

5. L’AMBITION

Première titularisation en D1 et premier but face à Lokeren. Avouez que l’on peut difficilement faire mieux comme entrée en matière. De quoi propulser le Carolo sous les feux de la rampe. Il faut dire que le public hennuyer a tout connu au cours de la dernière décennie, de la descente aux enfers jusqu’à l’Europa League mais dans cette croissance permanente, il n’y avait jamais eu de place pour un gosse du quartier. Roman Ferber peut et doit devenir celui-là.

 » Beaucoup de choses me sont passées par la tête au moment où j’ai marqué mon premier but en D1. C’est un sentiment exceptionnel. J’ai d’abord pensé à mes proches et à ma mère en particulier. Je lui dois tellement de choses. Je lui dois tout, en fait. Je sais que je serai jugé sur mes buts parce qu’en D1, le seuil d’exigence est très élevé. Mais je compte bien le battre pour jouer un maximum.

Je ne veux pas me fixer d’objectifs précis parce que tout est encore très frais mais je sais que le fait d’avoir rejoint Charleroi depuis le mois d’avril, une fois que j’ai été libéré par Mons, m’a permis de trouver mes marques et de pouvoir attaquer la nouvelle campagne au même tempo que les autres et je n’ai finalement pas l’impression d’être le petit nouveau de la bande.  »

 » Je dis souvent à Roman qu’il doit respecter tout le monde mais qu’il ne doit craindre personne « , dit son aîné.  » La concurrence est rude à son poste, avec DavidPollet, qui est un joueur chevronné et qui a gagné des titres. Mais je sais aussi qu’avec Felice Mazzu, il a un coach idéal qui va le comprendre et le façonner. Quand je repense à la facilité avec laquelle il a surmonté tous les écueils jusqu’ici, je me dis qu’il n’a peut-être pas encore atteint son sommet.  »

 » Eclore dans un club comme le Charleroi actuel, c’est du bonheur à l’état pur. Quand je vois cet engouement populaire, ce bonheur dans les yeux des gens au terme des rencontres, je me dis que je fais le plus beau métier du monde « , conclut Roman.

PAR DAVID DUPONT – PHOTOS BELGAIMAGE

 » Aujourd’hui, quand j’entends un équipier se plaindre, je lui rappelle la chance qu’il a.  » ROMAN FERBER

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