« Je continue »

Le président du Sporting n’est pas encore découragé: « Mais dans la vie, on ne fait pas toujours ce qu’on veut ».

Avec une équipe qui se débat dans les tréfonds du classement et une situation financière guère plus brillante, le Sporting de Charleroi a des raisons de s’inquiéter. Son président est décidé à se battre.

C’est une année cruciale qui s’annonce, aussi bien pour Charleroi que pour Chaudfontaine…

AbbasBayat: Toutes les années sont cruciales.

Mais Charleroi occupe actuellement une position très inconfortable au classement.

Je fréquente le monde des affaires depuis de nombreuses années. J’ai l’habitude de me frotter à des concurrents redoutables et à relever des défis audacieux.

Estimez-vous que le Sporting a fourni les efforts suffisants pour se maintenir durant la trêve hivernale?

Oui. Nous avons effectué quelques modifications au sein de l’effectif et nous espérons que la chance nous sourira davantage que lors du premier tour.

Doit-on déduire de ces changements que l’évaluation du noyau faite en début de saison était erronée?

N’exagérons rien, nous n’avons pas procédé à une révision totale de l’effectif. Nous avons simplement constaté certaines faiblesses au cours du premier tour et nous nous sommes efforcés d’y remédier. Etienne Delangre était certainement un entraîneur compétent, mais hélas pour lui, il n’est pas parvenu à engranger plus de quatre points en onze matches. Dans ces conditions, c’était difficile de le garder.

Mais vous avez aussi changé quelques joueurs.

Oui, nous avons tenté d’apporter un petit plus. Au sein du club également. Car, c’est vrai: je ne suis pas entièrement satisfait de la manière dont les choses se sont déroulées ces deux ou trois dernières années. »Brogno sera jugé sur les résultats »

Cette saison, si l’on inclut l’intermède Karama-Notaro, le Sporting a connu trois entraîneurs qui étaient tous inexpérimentés au niveau de la D1.

Le duo Karama-Notaro n’a pris les rênes de l’équipe en mains qu’à titre intérimaire. Il y avait un match au programme, à Lokeren, quelques jours après l’éviction de Monsieur Delangre de se retirer. Nous n’avions pas eu le temps de nous retourner et il fallait bien que quelqu’un prenne place sur le banc. Nous verrons au cours de deuxième tour ce que donnera la tentative avec Dante Brogno. Encore une fois, ce n’est pas une solution définitive. Sa pérennité dépendra des résultats.

Si vous avez choisi Dante Brogno, est-ce parce que vous étiez convaincu de ses qualités d’entraîneur ou simplement parce qu’il était déjà présent au club, dans une autre fonction?

En cette période, il était selon moi le meilleur entraîneur immédiatement disponible et j’ai beaucoup insisté pour qu’il travaille en étroite collaboration avec Monsieur Karama. Nous avions besoin d’oeuvrer dans la continuité. Monsieur Karama connaît tous les joueurs, il a travaillé avec eux durant toute la première partie de la saison. La solution de Dante Brogno m’a semblée préférable à l’engagement d’un entraîneur extérieur, qui aurait eu besoin de temps pour se familiariser avec le groupe. Par ailleurs, qui était disponible au milieu de la saison? J’espère que Dante Brogno démontrera que j’ai eu raison de lui faire confiance. Car, je le répète, je jugerai sur les résultats.

Précédemment, il semblerait toutefois que vous ne le considériez pas comme la personne la plus adéquate pour occuper une fonction d’entraîneur?

Je me basais sur les relations qui existaient entre Enzo Scifo et lui. J’avais pris le parti d’Enzo Scifo. Mais, que je sache, Monsieur Brogno n’a jamais été invité à quitter Charleroi. Je lui ai simplement attribué une mission autre que la gestion sportive de l’équipe. Si je n’appréciais pas Monsieur Brogno, je l’aurais directement renvoyé.

Dante Brogno est très populaire parmi les supporters et les édiles locales…

C’est logique, il a défendu les couleurs du club pendant 17 ans. A plusieurs reprises, il a eu l’opportunité de partir, mais il est toujours resté. C’est un vrai Carolo.

La nomination de Dante Brogno au poste d’entraîneur est-elle également un moyen de soigner votre propre popularité auprès des sympathisants du Sporting et de la Ville?

Mon objectif n’est pas d’asseoir ma popularité auprès des supporters, mais de bâtir une équipe qui réalise de bonnes prestations et qui soit capable de survivre financièrement. Lorsque ce sera le cas, les supporters seront d’office satisfaits. Certes, il est préférable d’avoir un entraîneur qui ait la cote auprès des supporters, mais ce n’était pas mon intention première avec la nomination de Monsieur Brogno. »On ne se cache pas »

Charleroi pourra-t-il survivre financièrement?

Je l’espère. Comme beaucoup de clubs de football actuellement, le Sporting rencontre quelques problèmes financiers, mais nous avons choisi de jouer la carte de la transparence. Par voie de conséquence, les problèmes du Sporting apparaissent davantage au grand jour. Nous ne voulons rien cacher. Mais je suis très confiant pour l’obtention de la licence.

Les problèmes du Sporting ne sont-ils pas plus graves que dans d’autres clubs?

C’est la transparence de notre gestion qui donne cette impression. Je suis persuadé qu’ailleurs, il y a des problèmes qu’on essaye de minimiser. Je rencontre tous les mois les présidents des autres clubs et je sais que la vie n’est facile pour personne.

Le Sporting risque d’attraper quelques procès sur les bras…

Je ne m’inquiète pas trop à ce sujet. Je suis persuadé d’être dans mon droit. Dans le monde du football, il est courant que des gens réclament de l’argent et intentent des actions en justice. C’est le cas de Bruno Heiderscheid. Mais je refuse d’accepter une requête qui n’est pas correcte.

Enzo Scifo réclame des arriérés de salaire et veut récupérer ses parts…

Cette affaire est entre les mains de mes avocats.

Etes-vous toujours aussi enthousiaste qu’au début dans votre présidence?

Observez-moi pendant les matches, je n’ai pas l’attitude d’un homme qui demeure indifférent. Je crois, au contraire, que je suis… trop passionné. Je m’implique trop. J’a tellement envie d’offrir à Charleroi un club de football qui gagne.

Vous avez déjà investi beaucoup d’argent…

Oui, mais en agissant de la sorte, je remplis aussi un rôle social. C’est bien pour la Ville, pour la Région, pour les centaines de gosses qui fréquentent notre école des jeunes. Mon investissement va bien au-delà de l’activité économique.

Vous avez, dit-on, effectué un emprunt de cinq millions d’euros qui a essentiellement servi à apurer des dettes du passé. N’est-ce pas décourageant?

Pas exactement. En réalité, avec l’aide de la Ville, nous avons effectivement consenti un emprunt de 5 millions d’euros… et même supérieur pour apurer des dettes du passé, mais cet emprunt est remboursable sur une longue période. 15 ou 20 ans. Ce n’est donc pas une créance qu’il va falloir rembourser demain ou après-demain.

N’est-ce pas frustrant de devoir utiliser cet argent pour payer des dettes plutôt que pour bâtir?

Je savais qu’il y avait des dettes à payer. Je suis un peu frustré, oui, mais uniquement parce que j’ai envie réaliser davantage de choses qu’actuellement. Bien entendu,tout ne va pas toujours aussi facilement qu’on le voudrait. Le Sporting, c’est un business un peu particulier. En football, une semaine on perd, une semaine on gagne. La presse économique ne vient pas chaque semaine demander des nouvelles de Chaudfontaine afin de rédiger un compte-rendu sur le sujet. Le Sporting est un club très médiatique. »J’ai assez investi d’argent »

Comment voyez-vous votre avenir comme président du Sporting?

Je l’ignore. Tout le monde me pose la question, comme si j’avais tout sous contrôle. Je n’ai aucune garantie que… je serai encore en vie demain. Alors, pourquoi faire des projections sur l’avenir? On aimerait que je dise que je resterai encore président pendant dix ans. Moi, j’aimerais encore être là pendant 50 ans. Mais j’ignore si c’est physiquement possible. J’ai toujours déclaré, également, que je n’avais pas l’intention de demeurer toute ma vie en Belgique. Il arrivera donc un jour où je quitterai Charleroi… et un jour où je quitterai le monde des affaires. Je ne continuerai pas à travailler jusqu’à ma mort.

A Charleroi, on s’inquiète de vos intentions, car on ne voit pas qui d’autre pourrait remettre le navire à flot.

Peut-être, mais si cela peut vous rassurer: je n’ai pas l’intention d’arrêter.

A ce jour, vous n’avez pas le sentiment d’avoir investi assez d’argent pour aussi peu de résultats?

Si, j’ai investi assez d’argent, et j’espère ne plus devoir en investir davantage. C’est la raison pour laquelle certains contrats n’ont pas été renouvelés. Mais il faut bien continuer à honorer les contrats existants. J’espère que, la saison prochaine, le Sporting pourra présenter un budget en équilibre.

Et si Charleroi descendait en D2?

Je ne veux pas parler avec des « si ». Je n’ai pas encore envisagé une descente en D2. J’ai suffisamment de problèmes pour ne pas me préoccuper d’événements qui ne se sont pas encore produits.

Suffisamment de problèmes? Quel genre de problèmes?

Des problèmes de la vie de tous les jours: la gestion de mes affaires, l’éducation de mes enfants. Le terme « problèmes » n’est peut-être pas adéquat, mais ce sont des choses dont il faut s’occuper. Alors, je préfère ne pas encore me tracasser pour une descente qui, je l’espère, ne surviendra pas.

Qu’est-ce qui vous permet d’envisager l’avenir avec plus d’optimisme après un premier tour calamiteux?

L’enthousiasme retrouvé, l’apport des nouvelles acquisitions… et l’espoir de bénéficier d’un peu plus de chance qu’au cours du premier tour. Car il faut avouer que la chance a rarement souri au Sporting, en 2002. Avoir autant de guigne, c’est rare.

Ce sont tous des transferts gratuits que vous avez réalisés. Et les contrats, on peut le supposer, sont peu élevés.

Dans le monde des affaires, il ne faut jamais dépenser plus d’argent que ce que l’on a en caisse. En football, c’est pareil. »L’avenir sera meilleur »

Beaucoup de gens déduisent que des joueurs peu onéreux sont forcément de piètre qualité.

On verra sur le terrain. Bertrand Laquait a déjà démontré ses qualités lors des derniers matches du premier tour. J’ai bon espoir que les autres renforts l’imiteront ces prochaines semaines.

Que pensez-vous du cas de Malines, qui défend ses chances avec des joueurs qui lui sont prêtés par d’autres clubs?

Je ne me préoccupe pas de Malines. Nous devrons nous sauver tout seul.

Comment voyez-vous l’avenir du football en général?

Je pense que l’avenir sera meilleur que le passé. Avec l’introduction de la licence en Belgique, et surtout de la licence européenne qui à partir de 2004 obligera tous les clubs qui participent aux compétitions sur le Vieux Continent à répondre aux mêmes conditions, la situation s’éclaircira. Il faudra être exempté de dettes et fournir la garantie du paiement des salaires pour obtenir le droit de participer au championnat. On ne verra plus des cas comme celui de la Lazio, où les joueurs n’ont pas touché de salaire pendant des mois. On finira enfin par comprendre que les footballeurs sont des salariés comme les autres et que les employeurs ont des obligations à respecter. En Italie aussi, toute entreprise normale serait déclarée en faillite si elle n’appliquait pas les critères économiques régis par la loi. Mais, en football, on ferme les yeux. Les clubs peuvent continuer leurs activités.

Daniel Devos

« Je préfère ne pas encore me tracasser pour la descente »

« J’ai l’habitude de me frotter à des concurrents redoutables »

« Nous avons consenti un emprunt de 5 millions d’euros et même plus pour apurer des dettes du passé »

« La presse économique ne vient pas chaque semaine demander des nouvelles de Chaudfontaine »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire