» Je connais trop le foot pour m’enflammer « 

Le buteur de Dragons garde la tête sur les épaules mais décoche ses flèches en direction de Lokeren, qui ne lui a pas fait de cadeaux.

Son retour près du Doudou a constitué la trame d’un des feuilletons de l’été. Lokeren ne voulait pas garder Jérémy Perbet dans son effectif mais espérait le vendre au prix de l’or. Mons ne pensait qu’à ce renard des surfaces, venu du Daknam pour six mois en 2010-2011, qui lui avait permis de remonter en D1. Le finisseur français ne songeait qu’au Charles Tondreau. La location a au final été remplacée par un transfert en bonne et due forme avec, à la clef, un contrat de trois ans et une option pour un exercice de plus en cas de maintien en D1.

Mons n’est pas du tout le même avec ou sans sa force de frappe, un homme but au caractère tranquille. Son come-back lui permet de plus de s’installer pour de bon près de Tubize où il a rencontré la femme de sa vie. Lui qui avait l’habitude de voyager à la fin de chaque saison a gardé une bonne habitude : déménager les défenses adverses…

Si je vous dis Lokeren, vous me répondez quoi ?

Jérémy Perbet : Fin du film. J’espérais que tout se clôture le plus vite possible mais ce ne fut pas le cas. Pas facile à vivre, pas évident du tout même car je me suis entraîné seul durant une dizaine de jours à Lokeren en début juillet puis avec le groupe pendant deux semaines et enfin à nouveau en solo dans le Bois de Hal. J’ai été banni de l’effectif parce que les tractations s’éternisaient entre Lokeren et Mons. C’était une façon de mettre la pression sur moi comme cela se fait dans tous les clubs quand on veut se défaire d’un joueur. Je n’ai pourtant pas eu de problème avec la direction qui était même prête à me réintégrer. Ce n’était pas le cas de la seule personne qui ne voulait pas de moi : le coach, Peter Maes.

N’est-ce pas Jacky Mathijssen qui vous fit venir à Lokeren ?

Tout à fait. En janvier 2010, j’ai hésité entre Saint-Trond et Lokeren. J’ai donné la priorité à ce dernier parce qu’il était coaché par Jacky Mathijssen que j’avais connu à Charleroi. De plus, le manager de l’époque, Willy Verhoost, me voulait autant que le coach. Et, pour moi, après avoir passé six mois en D2 avec Tubize, c’était une belle opportunité pour rebondir. Au bout d’un mois, Mathijssen et Verhoost ont été virés et remplacés par Emilio Ferrera et Willy Renders. Les cartes n’étaient plus les mêmes pour moi. Je perdais le T1 qui m’avait recruté. Je n’ai rien à reprocher à Ferrera mais comme Lokeren était dans le trou, il y avait une mauvaise mentalité dans le vestiaire. Ce n’était pas évident : l’effectif était très cosmopolite. Quand les résultats suivent, pas de problèmes mais quand la roue tourne, c’est délicat, plus difficile à gérer, à unifier. Pour moi, ce n’était pas la bonne période pour débarquer à Lokeren. Maes a pris la succession de Ferrera pour 2010-2011. Et…

 » Maes n’est pas là pour faire du sentiment mais c’est un coach particulier « 

Et cela a coincé entre vous !

J’avais été le meilleur buteur de Lokeren durant la campagne de préparation. Pourtant, il m’a installé sur le banc en début de championnat, je ne sais pas pourquoi, et j’ai joué 10 minutes lors des deux premiers matches avant de me blesser au genou (rupture du ligament interne). Je suis resté sur le côté durant trois mois et Lokeren a tout gagné pendant que je me retapais. Maes n’est pas là pour faire du sentiment mais c’est un coach particulier. Je n’ai eu aucun dialogue avec cet entraîneur qui, c’est vrai, a obtenu de bons résultats à Malines et durant une période à Lokeren ; mais il est sans cesse dans l’énervement et va même dans les extrêmes… Ce coach parle à ses joueurs comme s’ils étaient des moins que rien, c’est sa façon et elle a fonctionné, rien à dire alors.

C’est le Cartier flamand ?

Cartier est gentil comparé à Maes.

Ah bon ?

C’est pas comparable. Cartier défie l’homme entre quatre yeux, le regard dans le regard. L’autre, c’est, comment dire… malsain. La pression psychologique qu’il exerce est difficilement supportable. Je ne veux pas aller plus loin. Je ne dois pas être l’ami du coach, ce qui n’est jamais une bonne chose, mais ce côté entraîneur ennemi n’est pas idéal non plus. A Lokeren, c’était chacun pour soi. Dans ces conditions, on n’a pas envie de s’investir, d’apprendre le néerlandais. Non, le climat général était trop négatif avec un coach qui ne parle que néerlandais alors que c’était du chinois pour moi. Un équipier traduisait, jamais le coach. Ce sont des détails, quelques mots parfois, une attitude ou une ouverture, un encouragement ; ce n’est rien mais cela peut faire la différence entre réussite et galère. A la longue je me suis fait une raison. Je savais que je ne jouerais jamais avec lui, point final. Je ne convenais pas à son style de jeu… Et j’ai continué à bosser.

Avez-vous appris quelque chose pendant cette traversée du désert avec Maes ?

Maes joue sans attaquants. Ils se replient très bas et, au bout du compte, tous les contres partent de la ligne médiane. Moi, je peux décrocher quelques fois mais je vis plus haut, je veux être dans le rectangle adverse pour marquer des buts. J’ai réfléchi, remis mon style en question ; je voulais progresser, être plus complet. Je n’ai pas suivi la traditionnelle filière des centres de formation en France. J’ai joué dans un petit club jusqu’à 18 ans, où j’avais deux entraînements par semaine, et on m’a souvent dit que les statistiques étaient prépondérantes pour un attaquant. C’est vrai mais il y a le reste : le job défensif. A Tubize, je me contentais de marquer. J’étais seul en pointe et c’est tout ce qu’on me demandait de faire. Maintenant, j’essaye d’étoffer mon jeu, de travailler davantage pour l’équipe.

Ce que vous avez appris chez… Maes, non ?

Il me demandait plus, toujours plus. Et quand on réfléchit, même une expérience globalement négative peut être enrichissante. En décembre 2010, j’ai eu des offres d’Allemagne, de Chypre, de Grèce où je pouvais rejoindre Emilio Ferrera. Tous ceux qui ont été là-bas sont revenus ; ce qui ne fut pas forcément une bonne chose pour leur carrière. J’ai hésité mais j’ai préféré le projet montois. Je ne suis pas redescendu de gaieté de c£ur en D2 mais c’était la meilleure solution pour me relancer et rester dans le circuit belge. Le but était de remonter et en cas d’échec, que je n’envisageais pas, il me restait un an de contrat à Lokeren.

 » Le footballeur est globalement seul « 

La montée de Mons a été acquise dans le stress…

Oui, on peut le dire. Mas le groupe a su se reprendre avant et pendant le tour final, dans la préparation du test-match contre Beveren Waasland à Tubize que j’ai abordé avec une fracture du nez (trois heures avant le coup d’envoi, je ne voyais rien d’un £il). Je n’ai pas été bon ce jour-là mais il fallait que je joue et c’est l’équipe qui importait, pas moi. Une chose est sûre, que ce soit avec Geert Broeckaert ou Dennis van Wijk après, Mons a toujours eu à c£ur de produire du jeu. Van Wijk sent les choses et a modifié son schéma tactique avant le tour final alors que nous traversions une période de doute. Mons a abandonné le 4-4-2 et est revenu au 4-3-3, ce qui me convenait car j’étais mieux servi et entouré. Nous encaissions aussi trop de buts. Ce coach me voulait déjà quand il était à Roulers. Le coach sait faire la part des choses, exigeant quand c’est nécessaire mais cool quand cela s’impose.

L’oiseau pour le chat s’est vite bien débrouillé en D1.

Il était logique que les médias s’interrogent. Le tour final s’est achevé tard, il n’y avait plus qu’un joueur sous contrat, la direction a attendu le verdict. A partir de là, je crois que le club a gardé son calme et bien posé les jalons de sa nouvelle politique. Avec un ou deux joueurs en plus, ce vestiaire sera armé pour aborder les impondérables d’une saison qui sera longue : blessures, suspensions, fatigues, périodes de méforme, etc. Mons commence à avoir une bonne petite équipe.

Et pour vous, c’est le jour et la nuit…

Il y a un mois, j’étais dans l’impasse la plus complète. Je suis fier de ne pas avoir lâché mentalement. J’ai bossé seul sans voir le bout du tunnel. Je n’ai pas abattu tout ce boulot pour rien. Il y a huit ans que je prépare pour un début de saison dans un club professionnel ; je connais la musique mais j’ai encore du retard malgré mes buts. J’ai quand même mal aux articulations et il faudra doser, ne pas trop en faire. Je n’ai pas eu droit à une préparation collective et ce n’est pas à négliger.

Quel calme dans le succès : avez-vous une recette contre la grosse tête ?

Je connais trop bien le football pour m’enflammer. Je sais comment cela se passe : j’ai connu des hauts et quelques bas…

Qu’espérez-vous de ce groupe ?

Pour moi comme pour le club, le plus important, c’est le maintien. Quand le maintien sera acquis, on pourra préparer les play-offs, la prochaine saison, etc. Dans le passé, le club a dépensé sans compter et ce fut une erreur. La leçon a été retenue. Mons a d’autres arguments dont on parle peu et qui épatent les nouveaux joueurs. Quand ils font le tour du stade de Mons avec Dominique Leone, Alain Lommers, Dimitri Mbuyu, ils sont ravis.

A ce point-là ?

Oui, l’outil de travail est magnifique. Lokeren, c’est… catastrophique à côté de ce que nous avons à Mons. Peu de clubs ont d’aussi belles installations que les nôtres : tout est bien organisé. C’est aussi pour cela que Mons doit rester en D1. En D2, c’est l’enfer avec des défenses en béton armé, de l’engagement à mort. Pour un attaquant, c’est éprouvant car il n’y a pas de qualité de matches : il n’y a que des duels et pas d’espaces. C’est difficile de remonter. Pour avancer, il faut rester en D1 où il y a plus de jeu. Je n’ai pas à me plaindre car je reçois de bons ballons avec Ibou, Zola, Matthys et la qualité de passe de Nicaise. Je ne suis pas un attaquant spectaculaire. Je laisse cela à d’autres…

Trop modeste ?

Non, je soigne mes ballons, j’essaye de les garder pendant que le bloc remonte. Je progresse dans ce domaine-là aussi. Je ne lâche rien, je suis tous les ballons. A 26 ans, c’est le moment pour moi de signer une grosse saison. J’ai acquis du caractère, c’est certain, car il faut être solide dans un milieu où le footballeur est globalement seul et a peu d’amis. L’argent a quand même tout pollué et il y a beaucoup de jalousies. Je ne vais pas me plaindre car je gagne bien ma vie et quand j’étais dans le doute à Lokeren, j’avais quand même mon contrat. Mais cette solitude, c’est une réalité. Cela dit, au vu de son salaire, le footballeur se doit d’être exemplaire.

Vous êtes désormais un des leaders du groupe et…

Je ne tiens pas de longs discours pour me montrer. J’observe et je parle quand il le faut et surtout sur le terrain. Je suis un des trois ou quatre leaders de Mons. Il y a de la cohésion, un excellent mix entre anciens et jeunes. Je suis ambitieux et je ne compte pas en rester là, à ce bon début de saison.

C’est votre quatrième club belge de D1…

Charleroi, Tubize, Lokeren, Mons. Grâce à Charleroi, je me suis retrouvé à Angers où une blessure a coulé mes plans. Tubize a constitué ma planche de salut. J’aimais ce club familial mais tout a peut-être été trop vite. Mons doit m’apporter la stabilité en D1.

PAR PIERRE BILIC – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Maes parle à ses joueurs comme s’ils étaient des moins que rien. « 

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire