« JE CONNAIS MA MISSION : LE TITRE ! »

Après quelques pérégrinations à l’étranger, le Hollandais veut transformer le Standard en champion.

La semaine passée, Johan Boskamp a passé les journées du lundi, du mardi et du mercredi à Liège pour parler de l’avenir de son nouveau club. Le lundi soir, il s’est rendu à Tubize pour y visionner Marouane Fellaini, un jeune médian défensif des Rouches qui peut aussi évoluer en défense centrale, et qui se produisait avec les -19 ans. Mercredi soir, il s’est déplacé à Genk pour y voir à l’£uvre Karel Geraerts et jauger le niveau de Kevin Vandenbergh et Steven Defour. Jeudi, place au tour final de D2, Geel-Lierse, vendredi Turquie – Ghana parce qu’il a entendu parler d’un bon Ghanéen. Samedi, direction Pays-Bas car il voulait absolument voir Boca Juniors et dimanche dernier, il était à Wielsbeke, une équipe dirigée par de bons amis. Durant la Coupe du Monde, il est consultant de VTM, VT4 et de Het Nieuwsblad

Boskamp a 57 ans mais toujours le feu sacré. Conséquence, il veut combler le plus vite possible le trou opéré dans sa culture footballistique belge par quelques pérégrinations à l’étranger. Avant, affirme-t-il, à peine lui signalait-on un bon joueur à Tournai qu’il en connaissait le nom, l’âge et les caractéristiques :  » A cause de tous mes déplacements, j’ai un peu perdu prise. Je ne connaissais pas Moussa Dembele, par exemple. Je l’ai vu à l’£uvre en équipe nationale et je comprends pourquoi il a été sélectionné. Je veux rattraper mon retard à toute vitesse « .

Le Bos sillonnera donc les routes du pays et en dépassera même les frontières jusqu’au mercredi 14 juin, date de la reprise des entraînements à Sclessin. Entre-temps, il a trouvé un adjoint en la personne de Michel Renquin. Les Liégeois ont été surpris quand Boskamp a cité son nom mais l’ancien Diable Rouge a saisi cette chance des deux mains. La quête d’un entraîneur des gardiens a été moins évidente. Boskamp en a parlé à Filip De Wilde mais la distance réfutait celui-ci. Le Standard s’est donc tourné vers La Louvière où Michel Piersoul a formé Silvio Proto et Michael Cordier… Boskamp disait la semaine dernière :  » J’espère que ce sera réglé le plus vite possible « .

Le Standard a fait du bon travail pendant un an et demi. Meilleure équipe de 2005, vice-champion 2006. Il semble avoir retrouvé sa place de grand club.

Johan Boskamp : Oui, je l’ai remarqué aussi. Tout a été réglé en trois jours avec moi. Et le complexe d’entraînement et de formation qui doit être prêt dans quelques mois est unique en Belgique. A moi de rattraper mon retard. C’est pour ça que je veux visionner beaucoup de matches.

Quel sentiment règne-t-il à Sclessin ? Le club est-il content d’être qualifié pour le tour préliminaire de la Ligue des Champions ou est-il déçu de n’avoir pas gagné le titre ?

Le sentiment d’avoir passé très près du coche, que c’était le moment idéal… Le Standard veut le titre. Je connais ma mission. S’il doit choisir entre une victoire en Ligue des Champions et le titre, je pense qu’il optera pour ce dernier.

Cela ne vous effraie pas ?

Absolument pas. C’est justement chouette. Nous allons travailler en fonction de ça.

Pour des raisons personnelles (la maladie puis le décès de votre épouse Jenny), votre passage à Genk ne s’est pas bien déroulé mais décelez-vous plus de possibilités au Standard qu’à Genk ?

(Il réfléchit longuement). Quand je vois ce que Genk a fait… Il a enrôlé Jantje Moons, Wesley Sonck, Koentje Daerden, Chatelle, Zokora, Roumani, Thijs… Jos Vaessen voulait faire ses preuves, nous avions gagné la Coupe et il fallait reformer une nouvelle équipe. Avec des hauts et des bas. L’année suivante a été stable, Dagano est arrivé, ainsi que Wesley. Vaessen a fait la différence, à l’époque. Mais le Standard aussi a beaucoup de possibilités. Quand je vois la vitesse à laquelle il réagit… J’ai le sentiment que les joueurs veulent y être transférés. Nous allons en embaucher sept ou huit.

 » Tout est facile pour Dupré  »

Vous avez revu Dupré. Est-il exact qu’à Gand, vous l’avez renvoyé de l’entraînement, un jour ?

(Etonné) Je me souviens que Fredje était un talent fantastique. Je crois qu’il a rencontré une brave fille et qu’il est maintenant calme et motivé. A l’époque, il me rendait dingue. Il avait 16 ans et il était content d’être dans le noyau alors qu’il pouvait vraiment viser l’équipe fanion. On peut l’utiliser à différentes positions. Peu de gens le savent, mais il est aussi susceptible d’évoluer en attaque. Même dans l’axe défensif. Tout est facile pour lui…

Connaissez-vous Hakim Bouchouari ?

J’ai joué une fois contre lui avec Al Wasl, je crois, quand il était encore à St. Nicolas. C’est un bon, me dit-on. On verra bien. Pour le moment, je veux construire l’équipe à partir de l’arrière et il me faut un gardien puisque Runje part. Je le regrette, d’ailleurs, mais il semble que c’était convenu. Gert De Vlieger constitue une possibilité, oui. Et nous allons continuer ligne par ligne. Il paraît aussi que Philippe Léonard va se tirer.

Votre français est catastrophique…

J’en suis conscient. Je comprends tant qu’on n’emploie pas des mots compliqués. Je vais suivre un cours car j’estime que si je travaille pour le Standard, je dois parler français. (il rit) Mais que je parle français ou rotterdamois, personne ne me comprend quand même. Cela ne fait donc pas de différence. Je vais suivre deux heures de cours par jour, avec priorité aux termes footballistiques. Je vais essayer, en tout cas. Sinon, il faut me prendre comme je suis.

Etes-vous content de travailler avec Conceiçao ?

Cela me semble fantastique. Je n’ai jamais eu de problèmes avec aucun joueur et j’ai travaillé avec beaucoup de gars spéciaux. Mercredi dernier, j’ai observé Karel Geraerts. Il a la rage de vaincre, l’envie irrésistible de marquer. Il est difficile à tenir pour un défenseur. Mais il ne doit pas aller trop vite se planter devant. Tony Sergeant aussi est capable de surgir de la deuxième ligne.

Il est également droitier.

Ce n’est pas grave, on peut aussi en aligner un à gauche. Ce sont des footballeurs professionnels, hein. Imaginez que vous en avez deux comme ça qui marquent quinze ou seize buts…

 » Il faut que six gars soient capables de marquer  »

Le compteur de Geraerts est resté bloqué à trois la saison écoulée.

Il peut mieux, je l’ai vu contre la Turquie. Il arrive au bon moment et peut ainsi décharger certains joueurs. Il faut simplement réussir une combinaison de cinq ou six gaillards qui ont le sens du but.

Vous avez besoin d’un attaquant qui sache conserver le ballon.

On l’a, je pense : De Camargo. Le docteur dit qu’il se rétablit. Le club a même quelqu’un au Brésil pour le suivre pendant sa revalidation. La classe ! Avec De Camargo, Rapaic et Conceiçao, j’ai trois hommes capables d’adresser des passes, de faire une action et de marquer. On verra plus tard, évidemment. Je peux raconter plein de trucs sur l’équipe, dire qu’elle doit exercer un pressing et tout et tout mais qui sait quelle allure elle aura bientôt ? Mais je dois toujours avoir six footballeurs capables de marquer.

Renquin est votre choix ?

Oui. Je l’ai connu joueur, je sais ce qu’il a fait en Suisse et son caractère devrait convenir au mien. On ne sait jamais si le courant passera mais il connaît la maison. La première chose qu’il m’a dite, c’est : – Si tu voles dehors, moi aussi. Je trouve ça chouette car c’est le club de son c£ur et il doit saisir sa chance.

Le billet pour les qualifications de la Ligue des Champions était-il important pour vous ?

Non, pas du tout. Nous ne sommes pas têtes de série et qui sait contre qui nous allons jouer. Les gens d’Anderlecht me regardent un peu de travers maintenant mais je trouve le défi fantastique. Le feu est revenu.

Ici, on vous lance des mottes de terre si vous n’êtes que deuxième, hein !

Il suffit de les renvoyer, hein !

 » Les Anglais jouent défensivement  »

Quel regard portez-vous sur votre année en Angleterre, dans leur D2, à Stoke City ?

Fantastique. Normalement, je devrais y être encore mais si le directeur technique se mêle de trop de choses, c’est mal me connaître. Jamais de la vie ! Je me reproche de ne pas l’avoir constaté plus tôt. C’était peut-être la coutume avant mais avec moi, ça ne marche pas. Le DT a dû partir mais entre-temps, l’ancien propriétaire a repris le club et il est revenu… C’était à moi de partir. Stoke était vraiment un chouette club. Le public, le stade… Un club populaire. Le début a été très difficile. Je débarquais dans l’inconnu. J’ai dû discuter de contrats avec les joueurs, ce à quoi je n’étais pas habitué. Nous n’avions pas d’arrières latéraux, pas de bagage footballistique et des joueurs qui se repliaient sans arrêt au lieu de mettre l’adversaire sous pression. Cela m’a frappé en Angleterre : même quand une équipe n’aligne qu’un seul avant, les quatre défenseurs restent tranquillement derrière. Il m’a fallu beaucoup de temps pour leur apprendre à participer au jeu et à coulisser dans l’entrejeu. Au début, nos résultats étaient toujours serrés : 0-1, 1-0, nul n’était capable de conserver le ballon devant. Nous avions un attaquant de grand gabarit, Mamady Sidibe, dont je continue à me demander comment il joue. Il montait sur le terrain et commençait à courir mais ni moi ni ses coéquipiers ne pouvaient prévoir où. L’adversaire non plus, heureusement ! (il rit) Mais en matière d’engagement, on ne pouvait lui donner moins de 10 sur 10 chaque semaine. Sammy Bangoura en a profité : il laissait Mama travailler et marquait. Il a été fantastique pendant trois mois. Il est ensuite parti à la Coupe d’Afrique et à son retour, je l’aurais bien pendu. J’en ai été malade. A peine l’avions-nous remis en état qu’il s’est blessé au genou. Je viens d’apprendre que Nancy le convoitait.

Dans votre esprit, c’était clair : un an, pas plus.

A mes yeux, en novembre, suite à cet incident avec le DT, c’était déjà terminé, mais mon contrat comporte toujours une clause qui précise l’indemnité à verser en cas de rupture prématurée, qu’elle vienne de moi ou d’une autre partie. Je ne voulais pas verser la somme et j’étais capable de tenir six mois. A la fin, c’était même très facile. Nous devions tous partir. Durant les trois derniers mois, la rumeur selon laquelle l’ancien propriétaire allait racheter le club s’est amplifiée et quand j’ai discuté avec lui, ce mec m’a dit : – Retourne dans ton pays. Il ne voulait pas travailler avec moi. Après trois ou quatre jours c’était clair. (il rit)

Appréciez-vous le football là-bas ?

L’ambiance oui, mais si quelqu’un vient encore me dire que le football anglais est offensif, je douterai de sa santé mentale. Je ne puis parler que de Stoke en connaissance de cause et je vous le dis : ici, nous sommes plus loin en matière d’organisation et de philosophie du football. Par contre, les Anglais ont le c£ur. On ne peut donc jamais être fâché sur ces garçons. Ils ont un grand c£ur mais nettement moins d’intelligence du football. Ici, quand on combine Ligue des Champions et championnat, il y a 500 personnes à l’entraînement. Là, 20.000. Ils enragent que les grandes équipes n’alignent que des étrangers mais je comprends le point de vue d’Arsenal, Liverpool ou Manchester.

Vous avez terminé 13e sur 24. Ne pouviez-vous pas viser plus haut que le ventre mou ?

Non, à moins d’acheter trois joueurs mais nous n’en avions pas les moyens. Nous avons repêché Junior, sur une voie de garage à Anderlecht. A la fin, il avait retrouvé tous ses moyens. Après un début difficile, Carl Hoefkens a été fantastique. J’ai transféré Josip Skoko de Wigan car je savais qu’il devait jouer en prévision du Mondial. Il a consenti un énorme sacrifice financier et Wigan a aussi versé un peu d’argent. Mon défi consistait à nous maintenir parmi les dix premiers car tout le monde nous vouait à la rétrogradation. Harry Redknapp avait même parié 15.000 euros là-dessus. Suite au grand nombre de matches, notre noyau était trop étriqué. Certaines semaines, les joueurs étaient vidés ou traînaient des blessures… Mais avec tout ce monde dans les tribunes, vous devez y aller à fond.

 » Je pensais aller coacher aux Pays-Bas  »

Vous vouliez travailler aux Pays-Bas mais c’est impossible faute d’avoir le bon diplôme. Fâché ?

Certainement. En mars, tout était réglé avec Vitesse mais je n’ai pas la Licence Pro. Je suis parti dans les émirats du golfe Persique (à Dubaï et au Koweït), il y a quatre ans quand les cours ont commencé ici… Je m’étais informé afin de suivre les cours en Angleterre et c’était possible. Cinq jours de cours, le week-end libre, une nouvelle série de cinq jours et vous avez le diplôme. Mais je devais entraîner. Maintenant, je vais suivre le cours en Belgique. Cela représente sept séries d’un jour et demi, c’est plus facile à caser. Je n’ai encore jamais travaillé aux Pays-Bas et j’en avais donc envie. Personne n’avait pensé à ce bout de papier jusqu’à ce qu’un type du syndicat nous écrive. Je comprends son raisonnement, tout le monde est égal devant la loi mais ça ne m’arrangeait pas. Nous avons tenté de résoudre le problème en embauchant un adjoint détenteur du diplôme mais alors, je ne pouvais pas m’adresser à la presse après le match. Je pouvais le faire dans un café mais pas dans le stade ! Un règlement débile. J’ai discuté d’une dispense avec la KNVB. J’aurais suivi les cours pendant la saison mais au fond, j’ai eu le sentiment qu’elle préférait me voir retourner en Belgique.

Beveren s’est réjoui trop vite : chouette, Boskamp revient !

Frans Van Hoof et moi sommes des amis de longue date. Il y a environ six mois, je lui ai montré mon contrat en lui disant : – Si tu me donnes la moitié et que nous trouvons un accord, je veux bien. Il savait que je négociais avec Vitesse et avec Stoke. Après l’épisode Vitesse, j’ai dit : -D’accord, arrangez tout avec Michel, l’homme qui s’occupe de mes affaires. D’un coup, il y a eu des incertitudes financières et j’ai reçu un e-mail de Michel Preud’homme et j’ai discuté avec Luciano D’Onofrio. Frans était au courant. Le Standard est resté longtemps silencieux. En Thaïlande, je regardais le site tous les jours et je ne voyais rien, à ma grande surprise. J’ai pensé que ça n’aboutirait pas puis tout s’est accéléré. Quand j’ai signé, Frans a été le premier averti. Je lui ai dit qu’on resterait quand même copains !

Que faisiez-vous en Thaïlande ?

J’entraînais des jeunes. J’y allais déjà quand j’organisais mes propres stages, je connais ces gens depuis vingt ans. On s’entraîne de neuf à onze heures et après, on peut aller à la plage mais le temps était trop mauvais. La saison des pluies,… comme ici ! J’avais amené du matériel de Stoke, vous auriez dû voir ces jeunes. Les Asiatiques sont dingues de football. Surtout de football anglais, ils en savent tout, mais ils commencent à s’intéresser au jeu continental aussi. Discuter de football est une autre paire de manches. Dès que c’est marée basse, ils foncent à la plage… Génial.

PETER T’KINT

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