« Januzaj est le jeune le mieux payé au monde »

Il est brillant, élégant, évolue dans un des plus grands clubs du monde et, ce qui ne gâte rien, postule désormais pour les Diables ! Mais on voulait quand même en savoir un peu plus…

« C’est encore plus facile d’entrer en contact avec le pape qu’avec Januzaj « , avait déclaré le sélectionneur albanais, GianniDeBiasi. L’image peut prêter à sourire mais dans les faits on n’est pas très loin de la vérité. Malgré l’annonce officielle faite par Marc Wilmots de pouvoir compter sur le magnifique gaucher de Manchester United, Adnan Januzaj et son entourage proche se sont pour le moins faits discrets sur les raisons de ce choix. Au grand dam des scribouillards du monde entier, le silenzio stampa est le modèle appliqué par le clan Januzaj depuis son arrivée chez les pros de Manchester United. Mais qui pourrait leur donner tort tant les prestations de notre futur Diable ont régulièrement émerveillé le public, pourtant peu gâté cette saison, des Red Devils. La Gazetta Dello Sport ne s’y est pas trompé en le désignant meilleur jeune joueur de moins de vingt ans évoluant sur le sol européen. Son agent, lui, s’en frotte les mains. Dirk De Vriese (voir cadre) a détecté peut-être le plus grand talent que la Belgique ait enfanté. En exclusivité, il lève un important coin du voile sur l’itinéraire à succès d’Adnan Januzaj.

A quand remonte votre rencontre avec Adnan Januzaj ?

Je connais Adnan depuis qu’il a dix ans. Il a d’abord joué dans mon club de coeur : le RWDM (alors le Brussels). Abedin, le père d’Adnan, a notamment travaillé pendant de nombreuses années dans le garage Opel d’Henri Mabille un des dirigeants illustres du RWDM.

Quand vous le découvrez si jeune, vous vous dites que vous avez devant vous un phénomène ?

Malgré sa petite taille, son aspect frêle, j’ai toujours trouvé qu’il avait des qualités exceptionnelles. Et puis sa grande force fut de toujours progresser année après année, ce qui est très rare pour un jeune qui connaît, logiquement, des hauts et des bas. Il a aussi la chance d’avoir un père qui a toujours effectué les bons choix de carrière. Il a notamment refusé une offre d’Anderlecht estimant que ce n’était pas le bon moment, avant d’accepter un an plus tard. Jusqu’à aujourd’hui, son père a toujours pris les bonnes décisions.

Quand Januzaj quitte Anderlecht dès 16 ans ne craignez-vous pas que c’est trop tôt, qu’il risque de se brûler les ailes comme de nombreux jeunes partis à l’étranger ?

Non, d’autant qu’à Anderlecht, Adnan n’était pas considéré comme un tout grand talent. On portait davantage de considérations aux Musonda par exemple. Anderlecht l’a en quelque sorte laissé partir…

Il n’y a eu aucun forcing de la part du club pour le garder ?

Non, ils ont fait bien plus pour le petit Musonda que pour Adnan… J’ai toujours cru que quand tu as un énorme talent au sein de ton école de jeunes, il faut le protéger. Mais dans le cas d’Adnan, ça n’a pas été le cas.

On a dit qu’il était tout près de signer à Lille…

C’est vrai que Lille était intéressé mais comme tous les grands clubs européens. Je pense surtout qu’il avait besoin d’un autre environnement pour progresser. A Anderlecht, il avait développé sa technique, sa vista, son pied gauche mais il devait encore progresser au niveau de la protection de balle, le jeu de tête, le pied droit, etc. En un an et demi en Angleterre, il avait pratiquement gommé tous ses défauts.

L’erreur d’Anderlecht

Si tous les plus grands clubs s’intéressent à votre protégé, comment Anderlecht ne se rend-il pas compte qu’il possède un talent d’exception ?

Herman Van Holsbeeck a été mis au courant un peu tard je pense. C’est normalement la mission du directeur technique d’informer ses supérieurs qu’il possède un joyau au sein de son académie.

Et pourtant Jean Kindermans, directeur des jeunes du RSCA, est extrêmement élogieux quand il est interrogé dans la presse.

Aujourd’hui, c’est plus facile évidemment. Mais il fallait s’en rendre compte quand il avait 16 ans…

Pourquoi faites-vous le choix de Manchester ?

Le fait qu’Alex Ferguson était à la tête de ce club a convaincu la famille d’Adnan. Pour ma part, je connais bien la maison, Warren Joyce, qu’on a connu comme coach à l’Antwerp, et qui est devenu un ami, s’occupe depuis plusieurs années de la réserve de United. Il a su être très convaincant, il m’a parfaitement expliqué comment United allait travailler avec Adnan. En Angleterre, il a appris à travailler défensivement, à tacler, à utiliser son jeu de tête, toutes des caractéristiques qu’il n’apprenait pas à Anderlecht. Il a aussi développé son volume de jeu. Le problème pour un jeune qui évolue à Anderlecht, c’est qu’il a beaucoup trop facile face aux autres équipes de sa catégorie. Et que par conséquent, il ne progresse pas dans certains domaines.

Comment analysez-vous son développement d’un point de vue physique ?

Adnan est le joueur qui a le plus gros volume de jeu dans le noyau pro de Manchester. Mais il peut encore davantage se développer physiquement car le haut de son corps reste fin, ses jambes par contre sont déjà très musclées. Il n’a pas peur d’aller dans les duels car, en Angleterre, on l’a éduqué à aller au combat. L’année passée, lors d’un match avec l’équipe réserve, Ferguson a demandé à ce qu’on le positionne seul en pointe avec deux tours d’un mètre 90 à sa garde. Le père était étonné. De mon côté, je me posais des questions. Mais on a appris par après que ça faisait partie de la méthodologie de Fergusson, il voulait durcir son écolage en le mettant en attaque. Le but était de le préparer à l’équipe première. Adnan est tellement doué qu’il s’est adapté à ce rôle très facilement. Après deux matches à ce poste, j’avais l’impression qu’il jouait comme un pivot expérimenté alors qu’il n’avait, jusque-là, jamais évolué en pointe. Vu son talent intrinsèque, on pourrait croire que tout lui est dû mais au contraire, c’est un énorme bosseur.

Pourquoi se fait-il si rare en interview ?

J’ai un accord avec le père afin qu’il reste le plus discret possible d’autant qu’en Angleterre, la presse tabloïd est à la recherche de la moindre étincelle. On préfère être loin de l’agitation médiatique, moi-même je préfère en dire le moins possible. Jusqu’à aujourd’hui, le père a eu raison dans la gestion de la carrière de son fils. On l’a présenté comme quelqu’un de sévère mais il a tout fait pour son fils et il anticipe très bien ce qui peut arriver. Il a toujours surveillé par exemple les fréquentations d’Adnan, il voulait avoir tout sous contrôle. Aujourd’hui encore, tout est contrôlé, les copains, les copines, où il se rend, etc.

Comment expliquez-vous qu’Adnan Januzaj a finalement décidé de représenter la Belgique ?

Je dirais que c’était le choix le plus logique.

Etiez-vous au courant de sa décision bien avant son officialisation ?

Non, pas du tout. Le père m’a simplement dit qu’il allait attendre le dernier moment pour se décider afin d’analyser tous les paramètres. Je n’avais rien à dire dans ce choix et je n’ai jamais interféré sur ce sujet. C’était un choix presque politique, très compliqué vu la pression qui entourait cette décision. Une partie de sa famille habite le Kosovo, on peut donc comprendre leur attachement. Par contre, on a lancé la Serbie, la Croatie, la Turquie, tous des pays qui ne sont jamais entrés en ligne de compte.

La famille Januzaj a été peu prolixe, le père ne s’est d’ailleurs exprimé que sur la télé kosovare…

Oui car la situation n’était plus tenable, la question du pays qu’Adnan Januzaj allait représenter était même débattu au parlement albanais ! Une séance a même été conclue en disant qu’il n’avait qu’à représenter la Serbie. Le père se devait alors de réagir et mettre certaines choses au point. C’était devenu une affaire d’Etat. Pour le père, l’important a toujours été qu’Adnan fasse son trou en équipe première à Manchester United, le reste était secondaire.

Son pays d’adoption, l’Angleterre, est entré également dans le jeu de séduction…

Ils ont essayé, ils ont insisté. D’un point de vue marketing, ça pouvait être très intéressant. Si son choix n’avait été dicté que par l’argent, il aurait opté pour l’Angleterre. Mais l’argent n’entrait pas en considération malgré tout ce qui a été dit et écrit. Tout comme lors de son départ pour Manchester, l’aspect financier n’était pas primordial. S’il avait voulu gagner plus d’argent, il serait resté à Anderlecht qui lui proposait un contrat bien plus avantageux.

A Manchester, on parle d’un contrat de 20.000 euros par mois dès la deuxième saison auprès des jeunes…

A Anderlecht, il pouvait gagner beaucoup plus. Pour sauver les meubles, et espérer le garder, le club bruxellois lui offrait un montant très intéressant.

Mieux que Cristiano ou Messi

Adnan Januzaj se sent-il belge ?

Oui, il aime son pays. Il a grandi ici, ses amis, comme Romelu Lukaku, sont belges. Je le répète, c’est un choix logique. L’albanais, il ne le parle pas parfaitement. Par contre, c’est un vrai ket qui se débrouille en néerlandais. Mon rôle, c’est d’être un conseiller sportif mais certainement pas de m’immiscer dans le choix du pays qu’on va représenter. Je ne suis pas albanais, je n’ai pas vécu la guerre, je ne peux pas juger de l’affect qui entourait son choix.

Vous avez par contre eu un rôle en octobre dernier quand Adnan Januzaj a prolongé son contrat jusqu’en juin 2018. La presse a évoqué un contrat de 70.000 euros par semaine.

Ce que je peux dire, c’est qu’il est le jeune le mieux payé au monde. A 18 ans, il a un plus gros contrat que Cristiano Ronaldo ou Messi au même âge. C’est significatif et je peux être fier de ça. On aurait pu même aller plus loin tant United voulait le garder et tant la concurrence était féroce.

Parmi les clubs désireux de l’attirer, on a parlé du Barça notamment.

Tous les plus grands clubs ont tenté de le faire signer. Mais c’est surtout le PSG qui était prêt à des folies. Cinq minutes avant qu’on ne signe une prolongation de contrat, un conseiller qatari du président nous a proposé un montant totalement fou. Vu qu’Adnan était libre en fin de saison et qu’il n’y avait donc pas de somme de transfert à payer, les dirigeants qataris étaient prêts à tout, que ce soit en termes de salaire ou de prime à la signature.

Pas de voiture

Quel rapport entretient Adnan Januzaj avec l’argent ?

Il s’en fout, il ne regarde même pas ce qu’il a sur son compte. C’est sa famille qui gère son argent, lui vit comme un ado  » normal « . Il n’a même pas de voiture. Il vit avec ses parents dans une très belle maison à l’extérieur de Manchester.

Votre rôle d’agent vous oblige à en dire beaucoup de bien.

Je connais Neymar depuis qu’il a quatorze ans, ça fait 20 ans que je suis le foot sud-américain, je connais tous les joueurs qui sont sortis des tournois de jeunes et je peux affirmer, sans me tromper, qu’Adnan est un crack. Une de ses toutes grosses qualités, c’est bien sûr sa technique mais c’est surtout sa vista qui est fantastique. Il voit tout avant tout le monde. Et puis, ce n’est pas un fainéant. Il a la mentalité pour réussir. C’est un joueur complet. S’il a été élu meilleur jeune d’Europe, ce n’est pas pour rien. Vu sa progression, il sera pour moi dans les cinq meilleurs joueurs au monde vers 2018.

Comment Manchester vous convainc de prolonger ?

D’abord, c’est un club mythique dont la base de supporters est la plus importante dans le monde. Ce qui veut dire beaucoup à nos yeux. Et puis, on sent que les dirigeants de United veulent bâtir à nouveau une des meilleurs équipes d’Europe. Mais les autres clubs vont continuer à m’appeler, ils guettent la moindre faille d’autant que Manchester ne va pas jouer la Ligue des Champions l’an prochain. Mon téléphone ne s’arrêtera pas de sonner.

La sortie dangereuse de Wilmots

Quels ont été les contours des discussions avec le sélectionneur, Marc Wilmots ?

On s’est vu une seule fois, en janvier, à Manchester. On a évoqué la situation politique, du rapport qu’il entretenait avec la Belgique. Mais il n’y a jamais eu aucune promesse concernant une éventuelle sélection.

Etes-vous surpris quand Marc Wilmots annonce qu’il fera partie de la présélection des 27 ?

Pas du tout. Si j’étais sélectionneur, j’aurais du mal à me passer d’un talent comme Adnan. Et même si c’est pour ne pas jouer une minute, comme ce fut le cas par exemple pour Ronaldo en 1994. Le fait d’accompagner le groupe, ça lui permettrait de grandir en vue du Championnat d’Europe par exemple. Mais je suis certain qu’il pourrait tout aussi bien faire la différence à tout moment dans une rencontre.

Wilmots a évoqué sa polyvalence, il a même déclaré qu’Adnan Januzaj pourrait être un remplaçant à Benteke au poste de numéro 9.

Il peut jouer à quatre positions d’après moi : sur les deux côtés, derrière les attaquants mais aussi en pointe. David Moyes voyait par exemple Adnan comme le back-up de Robin Van Persie en attaque. J’étais plutôt sceptique quand il m’a annoncé ça. Mais c’est vrai qu’il a un peu le même style que l’attaquant hollandais, qui est certes plus costaud. Mais dans quelques années, Adnan devrait avoir le même type de gabarit.

En octobre dernier, Marc Wilmots a effectué une sortie où il déclarait qu’il ne serait pas question de marchandage, des mots qui auraient touché la famille d’Adnan.

Oui c’est vrai car elle ne comprenait pas. Jamais, la famille n’a fait la moindre demande, il n’y a jamais eu de chantage auprès de la Fédération belge. On a toujours reçu des convocations mais on n’y a jamais répondu, point. Ces déclarations auraient pu casser beaucoup de choses.

Le choix est-il définitif malgré les récentes déclarations du père disant que si le Kosovo était reconnu par la FIFA, son fils évoluerait pour ce pays ?

Ce ne serait une éventualité que dans dix ans. C’est une possibilité, voilà tout.?

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS: BELGAIMAGE

 » Le PSG était prêt à des folies pour Adnan.  »

 » À Anderlecht, Adnan n’était pas considéré comme un tout grand talent.  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire