» Jans a beaucoup de bonnes cartes dans son jeu « 

Blessé, le maître à penser des Rouches n’a pas pu aider ses équipiers à Charleroi : il en faut désormais beaucoup plus pour ébranler le stratège de l’équipe de Sclessin…

Ron Jans a préparé le safari chez les Zèbres avec quelques soucis en tête. Marvin Ogunjimi a perdu du poids et est au repos forcé car sa thyroïde fait des siennes, comme cela lui est déjà arrivé au Racing Malines ou à Genk, et lui interdit de prononcer de gros efforts. Ce genre de convalescence peut parfois prendre du temps. Une tuile ne venant jamais seule, le précieux Nacho Gonzalez, principal dépositaire du jeu des Liégeois depuis le début de la saison, a été légèrement touché au genou gauche par William Vainqueur deux jours avant le déplacement au Pays de Charleroi.

Et c’est uniquement par mesure de précaution que le meneur de jeu uruguayen a décidé, à l’issue d’un dernier test samedi, de ne pas prendre part au voyage à Charleroi où Jans a précisé :  » Il aurait pu jouer mais je préfère aligner des joueurs en pleine possession de leurs moyens. « 

Nacho a été logiquement remplacé par Astrit Ajdarevic au cours d’une rencontre marquée par la classe confirmée du petit Imoh Ezekiel. C’est la bombe et la grande révélation d’une équipe qui monte en puissance en misant sur la technique et la vitesse. Ce Standard-là a au moins deux solutions pour chaque poste.

Pourquoi cette équipe a-t-elle tardé à trouver son rythme de croisière ?

Nacho Gonzalez : A part les géants mondiaux qui modifient leurs équipes par petites touches, tous les autres clubs chamboulent souvent les leurs. C’est propre au football actuel. Les clubs ne peuvent pas refuser une affaire. Quant aux joueurs, il faut les comprendre : une carrière est courte et un bon transfert peut constituer une garantie pour l’avenir et leur reconversion. Les débuts de saison sont compliqués à cause de ces mouvements, que ce soit au Standard ou ailleurs. Il est tout simplement impossible de tourner à plein régime après trois ou quatre matches de championnat. A mon avis, les équipes de D1 sont en place après une dizaine de rencontres. C’est alors le moment de tirer les premières conclusions. J’estime en tout cas que le Standard est sur la bonne voie comme cela se voit dans le jeu.

 » En décembre, je me suis posé des questions sur mon avenir au Standard « 

Avant d’aborder ce sujet, quel bilan avez-vous tiré de votre première saison au Standard ?

Je m’attendais à mieux, surtout durant les six premiers mois. En 2011-2012, je suis venu d’Espagne avec la ferme intention de m’imposer et donc de beaucoup jouer. J’ai d’ailleurs fait d’importants sacrifices financiers car j’avais un meilleur contrat en Espagne. Cela en dit assez sur mes intentions de réussir en Belgique. J’ai alors été handicapé par deux problèmes. J’ai d’abord été freiné par un souci à la cuisse. Puis je suis passé sur le billard pour une ablation du ménisque. Ce n’est pas grand-chose du tout mais j’ai quand même perdu un temps précieux. L’intégration dans un autre championnat n’est jamais facile et cela se complique encore plus dans ces conditions-là. Or, le contexte était intéressant avec, notamment, pas mal de matches européens. Sur le plan familial, je suis le papa d’une petite Belen qui nous comble de bonheur ma femme et moi. C’est notre premier enfant et cela demande quelques changements. En décembre, je me suis posé des questions sur mon avenir au Standard. La suite fut heureusement plus intéressante pour moi.

Comment expliquez-vous que le Standard soit passé à côté de ses objectifs en 2011-2012 ?

Je ne suis pas tout à fait d’accord. Le Standard a raté le final de sa saison. Un club de ce niveau doit être européen. Quand on n’y arrive pas, cela constitue un échec mais il y a quand même eu du travail, des progrès, une belle présence en Europa League où le Standard a étonné tout le monde, je crois, et les joueurs ont mûri. Or, il ne faut pas l’oublier, ce club a subi des changements en profondeur. Le Standard a totalement réorganisé sa ligne médiane qui a perdu Axel Witsel, Mehdi Carcela et Steven Defour. Malgré cela, le club a trouvé des solutions et mis des choses en place. L’agenda a peut-être été trop éprouvant pour cet effectif qui n’a jamais eu le temps de souffler. Cela a laissé des traces avec la blessure de Gohi Bi Cyriac, qui a formé un magnifique duo avec Mémé Tchité. Toute la D1 nous les enviait : la preuve, ils sont partis. Puis ce fut au tour de Mémé d’être sur le flanc.

Cela explique tout ?

Non mais quand on perd toute une ligne d’attaque, ce n’est pas rien. Le Standard a dû innover et se débrouiller durant les PO1. Même si la conclusion fut décevante, je me suis senti beaucoup mieux dans mon football durant la deuxième partie de la saison. Le temps de l’adaptation était terminé. Je savais comment me mettre au service des autres et mes équipiers ont compris ce que je pouvais leur apporter. Ici, on ne joue pas comme en Espagne. Le niveau technique de la Liga est unique mais le championnat espagnol est aussi plus tactique qu’en Belgique. Tout le monde a besoin d’adaptation.

 » J’ai 30 ans et je suis le plus âgé de la bande. Incroyable, non ? « 

Quelles sont les grandes différences entre José Riga et Ron Jans ?

C’est le genre de questions que je n’aime pas trop. Et, de toute façon, le passé, c’est le passé. Les temps changent vite dans le monde du football. Ce sont des comparaisons impossibles à faire. Riga a travaillé un an et Jans n’est là que depuis quelques mois. En gros, on peut quand même dire que les grandes lignes sont les mêmes en ce qui concerne l’occupation du terrain. La différence passe par la métier : William Vainqueur, Luis Seijas et Yoni Buyens, entre autres, profitent de la première saison qu’ils ont passée au Standard sous les ordres de Riga. Les automatismes sont forcément mieux huilés. Et cela se voit dans le collectif. C’est un acquis…

Mais le Standard de Jans n’est-il pas plus homogène, donc meilleur, que celui de Riga ? Ce Standard-là pense au titre et vous ?

J’apprécie ce que le Standard propose comme jeu. Il a tout pour séduire et être meilleur que la saison passée mais je préfère être patient. C’est en fin de saison qu’on dresse les comptes, pas à la fin du mois d’août. Mais c’est vrai, il se passe des choses très intéressantes avec des variantes à chaque poste. C’est une richesse qui peut nous permettre de passer des caps difficiles. Le Standard utilise plus sa tête et mise sur la patience quand l’adversaire se retire en masse. Le stade de Sclessin est tout à fait phénoménal, j’adore, mais les jeunes ne l’ont pas encore apprivoisé. Nos supporters ne cessent de nous porter vers l’avant. C’est utile et impressionnant mais cela ne doit pas donner lieu à de la précipitation dans le chef des joueurs. J’ai 30 ans et je suis le plus âgé de la bande. Incroyable, non ? Je prends mes responsabilités comme ceux qui ont des planches : Jelle, Laurent, Réginal, Poco. Cette équipe est donc jeune et dispose d’une belle marge de progression. Quelque chose se met en place mais cette équipe devra aussi attendre son heure pour gagner des matches difficiles. L’effectif a été secoué, traumatisé même, par la défaite contre Zulte Waregem.

Pourquoi ?

On ne s’y attendait absolument pas. Les matches de préparation ont apporté beaucoup de réponses. En défense, Laurent Ciman et Jelle Van Damme ont tout de suite donné l’impression de jouer ensemble dans cette zone depuis 10 ans. Jelle remplace un joueur important mais dont on ne soulignait pas assez l’importance : Felipe. Jelle est une montagne comme lui et il donne beaucoup d’impulsions offensives comme sur les longues passes en profondeur. Ses transversales sont souvent des modèles de précision qui posent des gros problèmes aux adversaires. Il est évidemment redoutable sur les phases aériennes offensives ou défensives. Ciman et Van Damme forment un des meilleurs duos de D1, c’est certain. Or, la défense a quand même changé : un autre axe central, un nouveau gardien de but, Elji Kawashima. Seuls Sébastien Pocognoli et Reginal Goreux n’ont pas changé de place. Poco est cité dans de grands clubs comme Benfica. Je préfère qu’il reste mais si ce n’est pas le cas, il faut respecter sa décision : c’est sa carrière. Personne n’est indispensable ; tous les joueurs sont importants. Tout fonctionnait si bien que le ciel nous est tombé sur la tête. Nous avons eu du mal à digérer.

 » Je suis un 10, un meneur de jeu « 

A ce point-là ?

Oui quand même car il était important de bien entamer la saison devant notre public. On a dit que nous n’étions pas au top physiquement. Non, je l’ai déjà dit, c’est un problème de mise en place, rien de plus. Le Standard a quand même accueilli trois ou quatre joueurs offensifs qui doivent trouver leurs marques, être à la fois concentré dans leur jeu. J’ai évoqué la patience ; il y aussi la vitesse, la technique, le travail et l’intelligence dans le jeu. Le Standard détient tout cela mais il faut l’exprimer sur le terrain. Zulte Waregem nous a empêché de le faire et cela arrivera encore. Il faut alors utiliser sa tête et ne pas se jeter dans la gueule du loup : en Belgique, un club dominé peut lancer des contres ravageurs, surtout s’il s’accroche à un 0-0. Cette défaite nous a fait réfléchir. Les progrès sont évidents depuis le voyage au Lierse.

Vous êtes l’architecte de cette formation, n’est-ce pas ?

C’est gentil, ce que vous dites. Je l’ai toujours affirmé, je suis un 10, un meneur de jeu. J’adore orienter la man£uvre, reculer s’il le faut, proposer des solutions à tout le monde, percuter quand c’est possible. Notre attaquant de pointe a parfois été isolé mais ce n’est plus le cas car les ailiers rentrent désormais très bien dans le jeu, comme le font Luis Seijas, Frédéric Bulot, Maor Buzaglo, Mujangi Bia, etc. Au centre, il faut gérer ces mouvements, les favoriser, les exploiter et j’aime faire cela. Pour le moment, le triangle central prévoit deux médians défensifs avec Vainqueur et Buyens dans le rôle d’essuie-glace. Quand tout est bien organisé, cela ne les empêche pas d’être dangereux à la finition. Yoni a l’art de surgir près de moi et de tenter sa chance au but. Le Standard évolue plus haut car il pose bien son jeu. J’adore être près des attaquants mais je peux reculer, me retrouver dans la peau d’un pare-chocs, trouver des solutions avec Ajdarevic.

Etes-vous complémentaires Astrit et vous ?

Tout à fait. Astrit est un grand joueur. Au plus il y a de technique dans un effectif, au plus il y a de raisons de se réjouir. Vous voyez que le Standard s’est découvert beaucoup de solutions qu’il faudra confirmer sans cesse. Jans a beaucoup de bonnes cartes dans son jeu. Par rapport à la concurrence, nous n’avons pas de programme européen et nous avons plus de temps pour récupérer entre les matches à l’Académie Robert Louis-Dreyfus. J’ai eu la chance de voyager et de connaître pas mal de clubs dont Monaco, Valence et Newcastle. Ce centre d’entraînement, c’est le top international. Le stade de Sclessin est important mais à l’Aca aussi on mesure que le Standard est un grand club.

 » Sa vitesse nous fait un bien fou mais Imoh ne se contente pas de cela « 

La révélation s’appelle Imoh Ezekiel…

Oui, Imoh avait déjà saisi sa chance lors des matches de préparation. Sa vitesse nous fait un bien fou. Mais Imoh ne se contente pas de cela. Il sait marquer, garder un ballon, attendre l’arrivée des ailiers ou des médians. Imoh est bien parti pour éclater cette saison mais il ne faut surtout pas oublier les autres attaquants. Dudu Biton et Marvin Ogunjimi vont nous rendre de fameux services. Je me réjouis de jouer avec des attaquants qu’on sert autrement qu’Imoh ou Michy Batshuayi. Dudu et Marvin sont plus des hommes de rectangle. Un numéro 10 doit s’adapter aux qualités de chacun et cela fait le charme de ma fonction.

Seijas a beaucoup cité son but contre Waasland Beveren : qu’en pensez-vous ?

Je comprends parfaitement ce qu’il a voulu. Le Standard ne pouvait pas être muet durant trois matches. Waasland Beveren a mené un contre : 0-1. L’équipe qui dominait a réagi plus sereinement que contre Zulte Waregem. Nous savions que cela ne pouvait plus durer. Et, c’est vrai, le but de Luis est tombé rapidement et au bon moment. Je suis d’accord avec lui : c’est ce genre d’action que le Standard travaille beaucoup à l’entraînement. A trois, nous sommes passés dans l’axe de la défense de Waasland Beveren. Bulot a isolé Luis, une-deux avec moi dans un mouchoir de poche. A partir de là, on a eu la preuve que tout était possible dans un autre style, vif, imaginatif, osé. J’étais heureux pour nous et pour mon ami Luis.

C’est le style de jeu que veut Ron Jans ?

Oui. Et cela passe par des confirmations, une série de succès. On le sait, c’est le football et les résultats qui dictent tout. L’ambition de bien jouer peut être réduite à néant par des résultats négatifs. Nous avons évité ce piège-là.

Mais en tant qu’architecte du jeu liégeois, que rêvez-vous de construire au Standard ?

Il est dangereux de se projeter à long terme. C’est un club ambitieux qui vise les PO1, un rôle important à ce niveau. Le Standard ne peut plus passer inaperçu dans les PO1. A partir de là, je reste prudent. Il ne sert à rien de parler de ceci ou cela alors que le championnat vient à peine de commencer. Je suis incapable de prédire l’avenir. Il faut mériter les joies de fin de saison. Le chemin est long et je me concentre sur le prochain match. Je rêve d’un beau jeu, de créativité, de bonheur dans le stade. C’est là que se situe mon rôle.

 » Je me suis évidemment adonné au rite du maté « 

On vous dit parfois fragile…

C’est faux. Tous les joueurs se blessent. Au Standard, la saison passée, j’ai eu deux pépins, rien d’anormal.

Tout le monde a quand même l’impression qu’on a découvert un nouveau Gonzalez à la reprise des entraînements : qu’avez-vous fait durant les vacances ?

Rien de vraiment spécial. Nous avons d’abord passé une semaine en Espagne où le soleil nous a fait du bien. Puis, il y a eu la traversée de l’Atlantique pour revoir mes parents, ma famille, mes amis. Je n’avais plus été à Montevideo depuis la naissance de notre fille. J’y ai passé trois bonnes semaines même si c’est l’hiver pour le moment dans l’hémisphère sud. Je me suis évidemment adonné au rite du maté. En Uruguay, au Brésil, au Paraguay et en Argentine, cela fait partie des traditions. Dès qu’on se retrouve entre amis, on boit du maté, beaucoup de maté. Vous connaissez ?

C’est une infusion ?

Oui, une infusion de yerba maté. Les feuilles sont torréfiées et on les infuse dans de l’eau tiède. Pour moi, c’est aussi bon que le café.

Qui dit maté dit Uruguay et la Céleste : envisagez-vous d’encore jouer avec votre équipe nationale ?

Tout à fait. La dernière coupe du monde m’a laissé un très grand souvenir. Je n’ai pas pu me rendre au Havre la semaine passée où mon pays a rencontré la France. Le déplacement était trop long. J’espère retrouver ma place et il n’y a pas de secrets : cela passe par un bon championnat avec le Standard. L’Uruguay a assez de qualités pour réussir une belle coupe du monde au Brésil.

La Belgique aussi…

Tout à fait, ce serait chouette d’y retrouver des équipiers comme c’est arrivé à Kawashima et Seijas pour le match amical Japon-Venezuela, la semaine passée. Luis a été nommé capitane de son équipe nationale ; quel honneur !

Avez-vous des hobbies à Liège ?

Notre hobby, c’est Belen. J’habite dans le centre et nous nous promenons dès que nous le pouvons. Liège nous plaît. Ma femme est comptable de formation et aimerait trouver du travail. Elle va se mettre à l’étude du français, une langue que j’aime bien comme l’anglais d’ailleurs. Je suis en fin de contrat et j’ai une option pour quatre ans de plus. C’est aussi un de mes objectifs.

PAR PIERRE BILIC – PHOTOS: IMAGEGLOBE

 » Je rêve d’un beau jeu, de créativité, de bonheur dans le stade. « 

 » Le Standard utilise plus sa tête et mise sur la patience quand l’adversaire se retire en masse. « 

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