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James Rodriguez, itinéraire d’un enfant retrouvé

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Six ans après un transfert royal au sein de la Maison Blanche, le Cafetero au pied gauche soyeux tente de rebondir au sommet du ventre mou de la Premier League. Analyse d’une trajectoire au goût amer.

Quelle meilleure scène que la course à l’étoile, quand on recherche des Galactiques ? Dans le théorème de Florentino Pérez, l’homme qui brille plus fort que les autres quand tous les projecteurs se braquent sur le même pays l’espace d’un été, aura forcément les épaules taillées sur mesure pour le maillot blanc le plus célèbre de la planète. Le président du Real Madrid a fait de la Coupe du monde son casting grandeur nature. Au bout du seul Mondial de sa première présidence, le Madrilène attire Ronaldo, Fenomeno ressuscité, dans la capitale espagnole. Un an après l’entame de son deuxième mandat, il tombe amoureux de Mesut Özil sur les pelouses sud-africaines. Quatre étés passent, et au coup d’envoi de l’édition brésilienne de 2014, il se raconte que l’homme fort de la Casa Blanca ne perd pas une miette des prestations de Luis Suárez.

Le buteur uruguayen, tout juste de retour de blessure, met l’Angleterre à genoux avant de planter ses canines dans l’épaule de Giorgio Chiellini, un geste qui le prive de l’amour de Florentino, et surtout de la participation aux huitièmes de finale. Pourtant, le président du Real reste un spectateur attentif pour le quatrième match de la Celeste. Ses yeux passent seulement dans le camp d’en face. Ils se posent sur le pied gauche de James Rodriguez, qui claque un doublé pour porter son total à cinq buts en quatre sorties, dont un contrôle de la poitrine assorti d’une reprise de volée qui fait le tour de la planète. Un match, un nouveau but et un Soulier d’or du Mondial plus tard, le Cafetero prend la direction de Madrid.

Pas assez dynamique pour être un bon médian, James reste une menace constante quand le football d’Ancelotti le dépose près de la surface adverse.

Au Real, James s’empare directement du numéro 10. Les attentes locales sont gigantesques, pour celui que les Merengues achètent 75 millions, malgré certaines hésitations au sein de la cellule sportive sur sa compatibilité avec le jeu des Blancos. Jugé trop cher douze mois plus tôt, quand Monaco n’en demandait que 45, le Colombien change de dimension. La preuve se trouve dans les clauses de son contrat, révélées par les Football Leaks : le club du Rocher recevra un bonus de cinq millions d’euros en cas de présence du gaucher sur le podium du Ballon d’or, plus cinq autres en cas de victoire.

LE PUZZLE DE LA MAISON BLANCHE

Reste à se faire une place au sein du puzzle pailleté de Carlo Ancelotti. Emmenée par la redoutable BBC, formée par Karim Benzema, Gareth Bale et Cristiano Ronaldo, l’équipe du Mister italien vient de remporter la Coupe aux grandes oreilles dans un 4-3-3 qui ne permet pas vraiment à James de trouver sa position naturelle, celle de numéro 10 en 4-2-3-1. Difficile, pour le Colombien, d’endosser le costume porté par Ángel Di María lors de la conquête de la Décima, car Rodriguez a un point faible qui le pénalisera longtemps dans sa quête des sommets : entre les lignes, il reçoit toujours le ballon dos au jeu, mal orienté, et s’oblige ainsi à effectuer une touche de balle supplémentaire, celle que la vitesse du football moderne ne tolère plus.

James Rodriguez, itinéraire d'un enfant retrouvé
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Pas assez dynamique pour être un bon milieu de terrain, le merengue reste une menace constante quand le football d’Ancelotti, plus léché que jamais quand il l’associe à Luka Modric et Toni Kroos au milieu, le dépose près de la surface adverse. Le Cafetero boucle sa première année madrilène avec 18 buts et 17 passes décisives au compteur, mais sans trophée dans la poche. L’année européenne du Real laisse l’héritage d’une nuit magique à Anfield, avec une victoire décrochée grâce au plus beau football blanco des dernières années, mais surtout une élimination en demi-finale de Ligue des Champions fatale à Ancelotti, distancé par l’intouchable Barça de la MSN en championnat.

Son successeur, Rafael Benítez, ne porte pas le même amour au football esthétique de James. Dès la préparation, le Colombien semble être hors des plans du tacticien espagnol. Lors de la déconvenue du Clasico (0-4), il est le premier à quitter la pelouse, avant même l’heure de jeu. L’illusion revient dans les premiers jours de l’année 2016, quand le banc de touche est confié à un Zinédine Zidane qui partage tant de points communs avec son numéro 10, à commencer par cette discrétion hors de la pelouse qui contraste avec un football flamboyant sur le pré.

CARLO ET FILS

Le mariage ne tient pas ses promesses. Pour le remake de la finale continentale de 2014, James ne décolle pas du banc de San Siro. Un an plus tard, c’est depuis la tribune de Cardiff et sans ses crampons qu’il regarde ses coéquipiers se débarrasser de la Juventus. Loin du devant de la scène, il est pourtant l’un des atouts les plus précieux du Real dans sa quête de la Liga. Patron du  » Real B « , où il anime le secteur offensif en compagnie d’ Álvaro Morata, le Colombien conclut la saison avec quinze buts et seize passes décisives, mais réclame son bon de sortie, à l’image des principaux artisans de cette Liga, conquise par les seconds couteaux du meilleur noyau de l’histoire. Dépassé par l’éclosion de Marco Asensio, il doit trouver son bonheur ailleurs.

Prêté pour deux saisons, le Cafetero ne parvient jamais à mettre la main durablement sur le jeu du Bayern Munich.

Toujours amoureux, Carlo Ancelotti lui ouvre les portes du Bayern, où il a succédé à Pep Guardiola. Prêté pour deux saisons, avec une option d’achat posée autour de quarante millions, le Cafetero ne parvient jamais à mettre la main durablement sur le jeu d’une équipe qui cherche encore la bonne formule en plein déclin de sa doublette Robbery. Si Jupp Heynckes parvient à le faire briller en lui offrant le poste de milieu offensif axial, derrière l’attaquant, après des années passées sur les flancs du Real, James ne convainc finalement pas le club bavarois. Déjà réticents au moment d’accéder à la demande d’Ancelotti, les dirigeants du Bayern ne lèvent pas l’option d’achat, et Rodriguez revient à Madrid, à un an de la fin de son contrat et sans récupérer son numéro 10, passé sur les épaules de Luka Modric.

Proche de l’Atlético grâce aux bons contacts de son agent Jorge Mendes de l’autre côté de la ville, puis du Napoli, où Ancelotti a posé ses valises, sa saison 2019-2020 est finalement aussi blanche que la maison qui l’abrite. Désormais libre, il prend cet été la route d’Everton. Sur le banc, on retrouve évidemment Carletto. Sans doute soulagé d’enfin pouvoir lui confier les clés de son football.

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