Jamais claqué !

A 34 ans, l’arrière droit estime qu’il a encore de belles années devant lui.

L’une des exigences d’Eric Deflandre, au moment de rejoindre le FC Brussels durant l’été 2007, était d’obtenir un contrat de deux ans. Johan Vermeersch lui a donné satisfaction sur ce point et il a donc accepté de faire partager son expérience aux jeunes pousses de la capitale.

A part cela, tout se déroule-t-il comme vous l’espériez ?

Non, bien sûr. J’espérais de meilleurs résultats. Je savais que je ne jouerais plus le top, mais je songeais malgré tout au ventre mou. Les blessures nous ont causé un lourd préjudice. A peine Alan Haydock était-il revenu d’une longue indisponibilité de près d’un an, que Steve Colpaert s’est occasionné une fracture tibia/péroné avec les Espoirs en juin. Depuis, il y a encore eu Richard Culek et Mickaël Citony. Tous des blessures de longue durée et des joueurs importants dans chaque ligne. C’est beaucoup pour un club comme le nôtre. Colpaert aurait pu sécuriser l’axe central de la défense. Culek était l’un des seuls joueurs de l’effectif capable de surgir de la deuxième ligne et de porter le danger dans le rectangle adverse, un peu comme le faisait Karel Geraerts au Standard. Citony était capable, grâce à sa technique, d’éliminer un ou deux adversaires sur une action individuelle, puis d’adresser un bon ballon pour un partenaire. Malgré tout, j’estime qu’on a toujours une bonne équipe, mais aussi longtemps qu’on ne parviendra pas à gommer ces fautes de concentration de notre jeu, on ne s’en sortira pas.

Et à titre personnel ?

Je retire pas mal de satisfactions. Je me suis bien intégré dans le groupe et j’ai retrouvé beaucoup de plaisir à jouer. Je peux me livrer à fond sur mon flanc. Je sais que, si je monte, Julien Gorius me couvrira. Cela me change du Standard. Là-bas, on me demandait de défendre et d’attaquer à 100 %, mais ce n’était pas évident car la couverture était rarement assurée.

Tactiquement, l’équipe est donc mieux en place au Brussels ?

Oui, mais c’est dû aussi aux joueurs qui occupent les flancs. Je lance une petite fleur à Gorius : il a parfois été critiqué parce que son apport offensif n’était plus aussi impressionnant que la saison dernière, mais tactiquement, il remplit très bien son rôle. C’est trop souvent passé inaperçu. Et comme, de surcroît, il commence à retrouver ses sensations sur le plan offensif, c’est tout bénef pour l’équipe. Lors des matches de préparation, on avait déjà réalisé de très bons matches ensemble.

 » Impossible de s’entraîner correctement « 

Johan Vermeersch vous aurait reproché de ne pas assez parler ?

En fait, il m’a reproché de ne pas être assez dur avec les jeunes, mais il est satisfait de l’enthousiasme que je démontre lors de chaque entraînement. Selon le président, les jeunes du Brussels auraient tendance à ne pas toujours écouter les conseils des anciens. Il m’a exhorté à hausser le ton à leur égard. J’ai l’habitude de beaucoup parler sur le terrain, mais je n’aime pas engueuler un coéquipier en public ou devant les caméras. Lorsque j’ai une remarque à faire, cela se passe entre quatre yeux. Ou entre six yeux, avec l’entraîneur, lorsque c’est nécessaire. Je suis un leader, mais un leader posé, qui réfléchit à tout ce qu’il fait. Sous mes airs gentils, je suis capable d’être très dur.

Vous souvenez-vous d’une grosse colère ?

J’en ai piqué une, pas plus tard que la semaine dernière, à l’encontre de Jean-Paul Lutula. Après l’entraînement, je l’ai pris à part parce qu’il n’avait pas témoigné d’une envie de marquer durant les exercices de finition que l’on avait effectués sur le terrain synthétique. Lorsqu’on rate, on doit être fâché sur soi-même. Or, Jean-Paul me donnait l’impression que cela lui était égal. Ce n’était pas un tempérament de gagneur. Je lui ai fait la remarque devant tout le monde : devant l’entraîneur, devant tous les joueurs. Je veux que ma mentalité déteigne sur mes coéquipiers. Ma mentalité, c’est de m’amuser en dehors du terrain et de prendre du plaisir sur le terrain. Et puis : travailler, travailler et encore travailler. Il n’y a que cela qui compte, si l’on veut réussir dans le football. Mais je ne suis pas le seul à incarner ce rôle de leader : Haydock, Bruno, Petö et Culek – avant sa blessure – sont là pour cela également. Malheureusement, deux ou trois leaders ne suffisent pas à inverser la courbe des résultats. On ne peut pas être constamment en train de parler ou de corriger les autres joueurs, on doit aussi penser à sa propre prestation.

Après avoir connu Bruges, Lyon et le Standard, qu’est-ce qui vous a le plus surpris en arrivant au Brussels ?

Il est clair que, dans ces clubs-là, c’était le professionnalisme poussé à l’extrême. Mais je ne parlerais certainement pas d’amateurisme en évoquant le Brussels. Au niveau des vestiaires, des équipements ou de l’encadrement, je n’ai guère de griefs à formuler. On est, aussi, toujours payé en heure et en temps. Mon principal grief concerne l’état du terrain d’entraînement. J’espère qu’on va y remédier rapidement, car actuellement, c’est impossible de s’entraîner dans de bonnes conditions : le ballon reste constamment collé dans la boue. On doit souvent s’entraîner en salle ou sur le terrain synthétique. Pour les genoux, ce n’est pas l’idéal. Même au FC Liège, jadis, je m’entraînais dans de meilleures conditions. Or, le terrain d’entraînement, c’est l’outil principal d’un joueur de foot, il l’utilise tous les jours.

 » Vermeersch m’avait déjà contacté à Liège « 

Connaissiez-vous Albert Cartier ?

J’avais déjà discuté avec lui lors d’une soirée, mais c’est tout. Pourtant, c’est un entraîneur avec lequel j’avais toujours eu envie de travailler. Il est psychologue et parle beaucoup avec ses joueurs.

Des points de comparaison avec Jacques Santini et Paul Le Guen, les entraîneurs que vous aviez connus à Lyon ?

Principalement le fait que les entraînements sont souvent effectués avec le ballon. Il y a beaucoup d’exercices techniques, des petits jeux également.

Une autre tendance qui se retrouve en Ligue 1 : on veille d’abord à ne pas encaisser, avant de songer à marquer un but de plus que l’adversaire ?

Peut-être, mais je trouve cela logique : lorsqu’on construit, on commence par les fondations. Bien défendre, ce n’est pas uniquement le rôle des défenseurs : chacun a un rôle à remplir, à commencer par les attaquants. Lorsque la défense est mise sous pression, la faute n’incombe pas aux défenseurs mais aux joueurs des autres lignes qui n’ont pas fait leur boulot. Cartier insiste beaucoup sur cet aspect-là, et cette philosophie se défend d’autant mieux que nous n’avons pas des attaquants capables de marquer à tout moment.

Quels sont les entraîneurs qui vous ont marqué ?

En premier lieu, Eric Gerets. J’ai aussi beaucoup apprécié Daniel Boccar. Deux entraîneurs qui ont marqué mon début de carrière et qui se sont toujours montrés intransigeants avec moi. Sans eux, je n’aurais peut-être pas réussi.

Et Johan Vermeersch ? Une découverte pour vous ?

Pas vraiment. J’avais déjà discuté avec lui, il y a bien longtemps, lorsque je m’apprêtais à quitter le FC Liège. Il m’avait contacté en vue d’un transfert vers le RWDM. J’avais finalement pris la direction du Germinal Ekeren. C’est un président que j’apprécie, parce qu’il aime son club et qu’il formule toujours ses remarques droit dans les yeux. Je préfère cela à un président qui se tait, vous serre la main en disant : – Bienjoué !, puis vous plante un couteau dans le dos à la première occasion. Au quotidien, Vermeersch est très facile à vivre. Lorsque j’ai quelque chose sur le c£ur, je le lui dis et il l’accepte volontiers. Peut-être parce que j’ai, moi aussi, un certain vécu dans le monde du football.

Comment avez-vous vécu l’affaire Zola ?

Je me suis volontairement tenu à l’écart du débat. J’estime que cela ne me concerne pas. Vermeersch n’utilise peut-être pas toujours les termes les plus appropriés, mais il faut le connaître. Il emploie expressément des termes forts pour blesser les joueurs dans leur amour-propre et les faire réagir. Les termes utilisés adressés à l’encontre du joueur congolais étaient sans doute maladroits, mais il s’est excusé. S’il était réellement raciste, on ne trouverait pas autant de joueurs africains au Brussels. Ce qui m’irrite surtout, c’est ce que ces propos n’auraient jamais dû sortir du vestiaire. Car toute cette affaire est née d’un article publié dans la presse.

Et sur la polémique concernant les gardiens, avez-vous un avis ?

Je préfère ne pas me prononcer. Les trois gardiens du Brussels sont mes coéquipiers et je n’ai pas à prendre parti pour l’un, ni pour l’autre. C’est le groupe qui compte et ce n’est pas à un joueur qu’il incombe de discuter des choix de l’entraîneur.

 » Un ou deux attaquants en plus ne feraient pas de tort « 

Comment voyez-vous l’avenir immédiat ?

Il faudra s’accrocher durant la fin du premier tour. Logiquement, le deuxième tour devrait être meilleur. Le retour de l’un ou l’autre blessé devrait déjà renforcer l’équipe.

On peut aussi s’attendre à ce que le président délie les cordons de la bourse durant le mercato.

On pourrait se débrouiller avec l’équipe actuelle, mais un ou deux attaquants supplémentaires ne feraient pas de tort. On manque aussi d’ailiers de débordement. On a de bons joueurs, capables de bien jouer lorsqu’ils ont le ballon dans les pieds, mais pas de joueurs de flanc spécifiques, capables de déborder et d’adresser de bons centres. C’est vers ce type de joueurs-là qu’il faudra orienter le recrutement.

Y a-t-il assez de talent ?

Oui, certainement. Ce n’est pas au niveau du talent que le bât blesse.

Au niveau de la mentalité, alors ?

Peut-être. Mais, surtout, au niveau de la concentration. Cela dit, la concentration fait partie de la mentalité.

Et votre avenir personnel ?

Je suis sous contrat jusqu’en juin 2009. J’aurai alors 36 ans. Mais j’ai l’intention de continuer au-delà de cette échéance. Mon contrat actuel ne sera pas mon dernier comme joueur, je peux vous l’assurer. Je ne me suis pas fixé d’âge limite pour raccrocher. Je dévore toujours autant de kilomètres sur le terrain et je prends toujours autant de plaisir. J’ai la chance que la nature m’ait doté d’une bonne morphologie. Aujourd’hui encore, je suis capable de réaliser des frappes de 50 ou 60 mètres sans échauffement. Et, touchons du bois, je ne me suis jamais claqué. Sauf blessure, je serai capable de continuer à un très bon niveau pendant plusieurs années. Si un club de D1 veut encore de moi, dans un an et demi, j’examinerai certainement sa proposition avec grande attention. En cas contraire, il ne me déplairait pas de boucler la boucle en terminant ma carrière au FC Liège. C’est même l’un de mes objectifs. Mais pour cela, il faudrait que les SangetMarine arrivent au moins en D2.

Si vous avalez encore beaucoup de kilomètres sur le terrain, vous le faites aussi… en voiture !

Mon épouse et moi avons acheté une maison dans le Limbourg. Je n’avais pas envie d’encore déménager lorsque j’ai signé au Brussels. Si nous sommes revenus en Belgique, c’était aussi pour acquérir une certaine stabilité. Mon fils de 2,5 ans entrera en maternelle en janvier et ma fille de 7,5 ans va à l’école en néerlandais. J’ai aussi une maison à Bruges, et je l’aurais occupée si j’avais joué, par exemple, à Mouscron ou dans ce coin-là du pays, mais actuellement, les déplacements ne me pèsent pas trop. Pour se rendre à l’entraînement, Olivier Werner et moi, nous nous donnons souvent rendez-vous à Hognoul. On fait la route ensemble.

Et au terme de votre carrière ?

Je commence les cours d’entraîneur, ce mercredi précisément. Ce sont des cours accélérés réservés aux anciens footballeurs de haut niveau. Cela me plairait de faire partager mon expérience aux plus jeunes. J’ai vu tellement de méthodes d’entraînement, en Belgique ou en France, que je pourrai certainement en retenir quelque chose. Mais je conseillerais aussi aux enfants de ne pas négliger leurs études, car une carrière de footballeur pro est souvent aléatoire.

par daniel devos – photos: reporters/ buissin

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire