Jacobs et Preud’homme : imitez dEUS…

Mai 68 a aussi bouleversé le foot : qu’en reste-t-il 40 ans plus tard ? Depuis quelques semaines, la presse a placé le plus célèbre des mois du muguet au centre du débat. Paris brûlait-il ? Ce ne fut pas la seule bûche au c£ur du brasero : la Belgique, l’Allemagne, les Etats-Unis, la Chine, la Grande-Bretagne, l’Italie ou la Tchécoslovaquie furent embarqués dans d’importantes secousses. Au hasard des débats, Daniel Cohn-Bendit, le leader de l’université de Nanterre où tout démarra, a égrené les acquis de la révolution des jeunes. La flamme de mai 68 a vacillé mais ne s’est jamais éteinte : et le foot dans tout cela ? Qui a osé lever un poing ganté de noir comme Tommie Smith et John Carlos sur le podium du 200 m des Jeux Olympiques de Mexico en 1968 ? Y avait-il un étudiant un peu fou dans les rangs du Real Madrid, du FC Barcelone ou de l’AC Milan ? Cette année-là, le 29 mai exactement, 10 ans après l’accident d’avion qui décima ses rangs, Manchester United remporte à Londres sa première Coupe des Champions face au Benfica d’ Eusebio (4-1 après prolongations) en alignant l’équipe suivante : Stepney, Brennan, Dunne, Crerard, Foulkes, Stiles, Best, Kidd, Charlton, Sadler, Aston. Rien que des jeunes du cru, immense différence par rapport au large brassage de l’époque actuelle.

Même si les Rolling Stones chantent alors Street fighting man, la révolution du foot de 68 vient d’ailleurs, d’Amsterdam où des ados aux cheveux longs font éclater les limites du jeu. Les Ajacides sont champions de leur pays et prônent un style de rêve sous la direction de Johan Cruijff, le révolutionnaire que le foot attendait. Avec les cracks de cette nouvelle vague, il est interdit d’interdire : 1968 est plus l’année de leur décollage (suivis par trois succès d’affilée en CE 1 : 1971, 72, 73) que celle du triomphe de Manchester United à Wembley.

Une telle aventure est-elle encore envisageable de nos jours ? L’argent est devenu plus fort que le goût du défi et l’esprit d’aventure qui animaient des artistes comme Cruijff, Johan Neeskens, Johnny Rep ou Arie Haan. A l’heure actuelle, cette collection de talents ne resterait pas deux ans dans le musée de l’Ajax. Or, il faut du temps pour inventer. Cruijff serait un joueur du top mondial en 2008 mais il aurait rapidement quitté sa Hollande natale. Manchester United et d’autres l’auraient tout de suite approché. L’équipe de Sir Alex Ferguson a magnifiquement joué contre Barcelone afin de se qualifier pour la prochaine phase finale de la Ligue des Champions. Le célèbre sir a aligné l’équipe suivante : Van der Sar ; Hargreaves, Ferdinand, Brown, Evra (Silvestre 90) ; Nani (76′ Giggs), Carrick, Scholes (76′ Fletcher), Park ; Ronaldo, Tevez.

Par rapport à 1968, la différence est importante. Ce club peut acheter tout le talent que bon lui semble. Sa trésorerie n’a pas de limites et explique aussi ses succès internationaux. Les équipes de Premier League sont assises sur des droits de télé colossaux alors que la radio était encore le média le plus important il y a 40 ans. Que pourrait faire Ferguson avec le budget d’Anderlecht et du Standard ? Rien de plus qu’Ariel Jacobs ou Michel Preud’homme. Ces deux-là ont grandement participé au renouveau de vie de notre D1 (les Mauves ont brillamment éloigné le Club Bruges de la deuxième place, le Standard célèbre toujours le titre) qui fêtera ses plus brillants éléments lors de la soirée de gala du Footballeur pro dimanche prochain à Ostende.

A eux de continuer sur leur lancée, d’imiter Tom Barman et dEUS qui, avec des moyens belges, donc réduits au début de leur carrière, n’ont pas hésité à tutoyer les grands groupes avec The Architect, leur dernier succès. S’il faut chanter et jouer en anglais pour conquérir le monde, why not ? Le Standard n’a-t-il pas rudoyé Zenit Saint-Pétersbourg (finaliste de la Coupe de l’UEFA) et Anderlecht n’a-t-il pas mis Bordeaux en bouteille ? Un jour viendra où les repères actuels seront balayés comme en mai 68 : Cristiano Ronaldo peut-il être le révolutionnaire du football moderne ? L’est-il déjà ? Ne sera-t-il pas dévoré par la machine à fric qu’est devenu le foot avant qu’une nouvelle idole ne l’écarte en lui disant :  » Sous les pavés la rage  » ?

PAR PIERRE BILIC

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