JACKY MUNARON

1 Tu as gagné 2 finales sur le terrain et 4 sur le banc, tu es le recordman des victoires : l’impression d’avoir marqué l’histoire de la Coupe ?

Toutes ces finales ont laissé une grosse trace dans ma mémoire. Une victoire en Coupe, ce n’est pas la même chose qu’un titre. Il y avait la magie du Heysel toujours plein, la montée des marches de la tribune d’honneur, le tour d’honneur. J’ai la fierté d’avoir gagné avec trois clubs : Anderlecht, Liège et le Standard. Et gagner avec Liège, ça a encore plus de saveur.

2 La finale Anderlecht – Bruges sera un duel à distance Proto – Ryan : qui est le king ?

On a deux kings ! Si je dois choisir, je donne un léger avantage à Ryan parce qu’il est plus jeune et qu’il a une marge de progression. Il est prêt pour un grand championnat : il s’est imposé directement en débarquant d’Australie, il a brillé dans des matches européens, il a montré qu’il supportait bien la pression en gagnant la Coupe d’Asie. Ma seule réserve concerne sa taille. Un gardien moderne doit être au-dessus d’un mètre 85. Il a un très bon timing mais je suis curieux de le voir contre les armoires à glace du championnat anglais par exemple.

3 En 44 sélections avec les Diables, tu n’as joué que 8 matches parce que tu avais le monstre Pfaff devant toi. La situation de Mignolet par rapport à Courtois te rappelle des mauvais souvenirs ?

C’est vrai que les stats de Mignolet ressemblent aux miennes… J’imagine ce qu’il vit. Je l’ai vécu. Tu sens que tu peux faire aussi bien que le gars qui a du talent et les faveurs du coach mais on ne t’en donne pas l’occasion. Sur la fin de ma carrière internationale, c’est Preud’homme qui débarquait ! Si j’avais été gardien quelques années plus tôt ou plus tard, j’aurais peut-être tout joué avec les Diables.

4 La non-prolongation de ton contrat de coach des gardiens à Gand l’été passé, ça te reste en travers de la gorge ?

Oui. C’était un terrible manque de tact et de classe. Michel Louwagie m’a annoncé la nouvelle au moment où je rentrais de la première séance de chimio avec mon fils, à qui on venait de diagnostiquer un cancer. Louwagie savait pourquoi j’allais à l’hôpital ce jour-là. Ils ne pouvaient rien me reprocher, ils m’ont donc fait comprendre que j’étais trop vieux. Mais alors, le manager a aussi dépassé la limite d’âge ! Gand veut devenir un grand club mais il y a encore du boulot au niveau de la gestion des hommes.

5 Tu passes ton temps à envoyer des CV. Tu trouves ça plutôt étonnant ou plutôt injuste, vu ton palmarès ?

Etonnant et injuste. Je n’ai pas non plus 70 ans hein ! Je dois rappeler avec quels gardiens j’ai travaillé ? De Wilde, Zitka, Proto, Jorgacevic, Courtois, Mignolet, Bolat,… On a une association des entraîneurs censée nous ouvrir des portes à l’étranger, mais le résultat de son action, c’est zéro virgule zéro. Des coaches professionnels sont obligés d’aller vendre des chaussures. Quand je vois comment les Hollandais se profilent partout ! Ce ne sont quand même pas ceux-là qui vont nous apprendre comment prendre un ballon, on a un passé nettement plus prestigieux en matière de gardiens. J’envoie plein de CV, bien souvent les clubs n’ont même pas la politesse de répondre. Si j’en envoie autant, c’est aussi par obligation légale ! Tous les trois mois, le FOREM me casse les pieds, veut savoir si je fais le nécessaire pour trouver du boulot. Ces gens-là ne comprennent rien au foot, ils ne savent pas qu’on change rarement un coach de gardiens en pleine saison. C’est lourd. Si je ne trouve rien l’été prochain, j’essayerai de faire autre chose. Pas le choix, je suis trop jeune pour passer mes journées devant la télé et aller faire les courses avec madame.

Jacky Munaron (58 ans) a été gardien à Anderlecht (15 saisons comme pro), à Liège et au Standard. 8 matches avec les Diables, réserviste aux Coupes du Monde 82 et 86, et à l’EURO 84. Comme titulaire ou sur le banc : 4 x champion, 6 Coupes de Belgique, 1 Coupe des Coupes, 1 Coupe de l’UEFA. Comme entraîneur des gardiens : Alost, Anderlecht, équipes nationales de jeunes, Trabzonspor, Gand.

PAR PIERRE DANVOYE

Jacky Munaron  » On a une association des entraîneurs qui doit nous ouvrir des portes à l’étranger, mais son action, c’est zéro virgule zéro. Des coaches professionnels sont obligés d’aller vendre des chaussures. « 

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