Le héros est de retour au Pays de Charleroi. Pour faire aussi bien que lors de son premier passage ?

Jacky est redevenu son ami : Abbas Bayat a récupéré le coach qu’il avait renvoyé après sa signature pour la saison suivante à Bruges, en avril 2007. On a l’impression qu’il a fait le meilleur choix possible. Après s’être planté avec des rebelles (Stéphane Demol), des T1 trop gentlemen pour son club (Robert Waseige, John Collins), des nobodies (Tommy Craig) et des débutants (Etienne Delangre, Dante Brogno, Philippe Vande Walle, Thierry Siquet), le boss des Zèbres a choisi de resservir une vieille soupe qui avait plu.

En trois ans, de 2004 à 2007, Mathijssen avait hissé deux fois l’équipe dans le top-5. Un exploit pour un Sporting qui, pour le reste, demeure sur dix années de galère sous le régime Bayat. Le Limbourgeois a clairement le profil pour gérer cette bande de jeunes et le choix semble aussi judicieux que celui de l’Union belge quand elle a rapatrié Georges Leekens. Dans les deux cas, on peut parler d’une poigne souriante et d’un contact privilégié avec le groupe.

La cote de Mathijssen n’est évidemment plus ce qu’elle était lorsqu’il a quitté Charleroi pour Bruges. Il nous a un jour avoué qu’à ce moment-là,  » tout le monde ou presque me voulait « . Il reste sur deux expériences malheureuses. L’une est anecdotique : il n’a passé que trois mois à Lokeren, la saison dernière, dans un club qui était déjà à bout de souffle. Et il y a eu Bruges. Avec le recul, on se demande de plus en plus s’il a échoué ou pas là-bas. Quand le Club pratiquait le plus beau football de Belgique, il y a quelques mois, plusieurs joueurs et des dirigeants affirmaient qu’Adrie Koster profitait du travail de Mathijssen. Mais l’équipe n’a quand même terminé qu’à la troisième place : même résultat que les deux années avec Jack. Alors que le noyau était plus talentueux et mieux balancé !

En parlant de noyau, il y a du boulot à Charleroi. Le club a flirté avec la D2 la saison dernière et perdu entre-temps une multitude de joueurs. Parmi ceux-ci, il y en a plusieurs qui semblaient capables, une fois placés dans un bon contexte, de rallumer l’équipe :

– Geoffrey Mujangi-Bia, prêté en janvier à Wolverhampton, y restera une saison de plus, toujours en location.

-Adlène Guédioura, qui était parti dans le même club au même moment, y a été définitivement transféré.

-Pelé Mboyo, un des joueurs les plus habiles du groupe, est prêté à Courtrai.

-Grégory Christ, qui reste sur une saison moyenne mais a un vrai potentiel, a signé son transfert à Saint-Trond….

Charleroi n’a pas levé l’option sur Sébastien Chabbert, qui avait montré de bonnes choses avant d’être dégoûté par l’ascension de Cyprien Baguette dans le but. Jan Lella est prêté à Boussu-Dour. Paul Taylor n’a fait qu’un passage éclair. Moussa Koïta retourne à Genk après quatre mois de location sans convaincre. Mouhssine Iajour rentre à Casablanca. Mahamadou Kéré et Abdelmajid Oulmers sont arrivés en fin de contrat et il ne semble pas être question d’une prolongation.

Rayon arrivées, c’est très maigre à quelques jours de la reprise des entraînements. Ederson, prêté par Genk depuis janvier, est définitivement Carolo : une bonne affaire. Orlando rentre de son prêt à Genk. Le médian belgo-turc Onur Kaya, formé à Anderlecht et qui a disputé près de 80 matches en cinq ans de D1 hollandaise avec Vitesse Arnhem, a signé pour deux ans. C’est tout pour le moment. Et beaucoup trop peu pour que le Sporting revive les grandes soirées de l’ère Jack I. Mais c’est un homme requinqué qui commente ce grand défi.

 » A Charleroi, le coach a beaucoup à dire « 

Expliquez-nous votre rapprochement avec Abbas Bayat…

Jacky Mathijssen : Il y a quelque temps, nous avons eu une discussion. Le but était de voir si c’était envisageable de retravailler ensemble. Quand il m’a rappelé pour me dire que c’était bon pour lui, c’était aussi OK pour moi. Cette discussion était nécessaire car il y a eu beaucoup d’événements à Charleroi depuis trois ans. Ce que j’avais notamment retenu de mon premier passage dans ce club, c’est que l’entraîneur y a beaucoup de choses à dire et peut forcer certaines choses parce que tout se discute avec une seule ou deux personnes.

Les critiques du président au moment de votre départ à Bruges, c’est définitivement de l’histoire ancienne ?

Il voulait bien que je m’en aille mais il était déçu que rejoigne le Club parce qu’il pensait que je ne pourrais pas bien travailler là-bas. Sur ce plan-là, il avait en partie raison ! A l’époque, il aurait apprécié que je parte à l’étranger car cela aurait eu de bonnes répercussions pour Charleroi. Il était même prêt à collaborer à une transaction pareille. C’était ça, le problème entre nous deux. Mais je ne pense pas que ce soit suffisamment grave pour revenir là-dessus jusqu’à la fin de nos jours…

Charleroi était très mal quand vous y étiez venu la première fois, c’est à nouveau le cas aujourd’hui. Vous voyez des différences entre les deux situations ?

Quand je suis arrivé pour la première fois, il y avait des facteurs que je ne connaissais pas. Je ne savais pas dans quelles conditions j’allais être amené à travailler. Un des problèmes de Charleroi, ce sont ses infrastructures d’entraînement. Plusieurs entraîneurs venus ici après moi s’en sont beaucoup plaints. Moi, je les connais et cela a peut-être joué pour moi quand le président a dû nommer son nouveau coach. Il s’est sans doute dit que si j’étais motivé, je ne passerais pas mon temps à critiquer nos conditions d’entraînement. Je recherche déjà des solutions pour qu’elles s’améliorent.

En quoi avez-vous changé depuis votre premier séjour dans ce club ?

Toutes les expériences, bonnes ou mauvaises, font progresser un homme. A Bruges, ça ne s’est pas trop mal passé, même si on a dit et écrit le contraire. Je n’ai pas conduit l’équipe au titre, ce qui était mon objectif en signant mon contrat. C’était plus mon but que celui de la direction, d’ailleurs. Aujourd’hui, avec le recul, je constate que ça s’est moins mal passé que l’impression donnée au moment des faits. Entre-temps, des gens importants du Club ne m’ont fait que des compliments.

Pourquoi êtes-vous le seul entraîneur capable d’avoir de bonnes relations avec les Bayat ?

Les expériences que j’ai déjà eues avec Mogi et Abbas collent mal avec l’image que l’on donne d’eux. Je ne suis pas du style à écouter tout ce qu’on raconte sur X ou Y, je ne me concentre que sur mon propre vécu. Ce serait bien si tout le monde faisait la même chose…

Votre façon de travailler a-t-elle changé depuis votre premier passage à Charleroi ?

A ce moment-là, je pensais que je devais m’occuper de tout. J’ai entre-temps compris que c’était difficile et que je m’occupais trop de détails. J’essaye de déléguer plus qu’à l’époque. Je connais la ville et le club, et j’ai eu des échos très positifs sur Tibor Balog, mon adjoint. Ici, on veut en faire, à terme, un entraîneur principal. Si je peux aider Balog dans cette entreprise, je ne m’en priverai pas.

 » J’étais à Lokeren pour me tester « 

C’est rare qu’un entraîneur qui revienne dans un club y fasse aussi bien que lors de son premier séjour.

Ce serait presque un miracle si je faisais mieux que la première fois. Mais ce n’est pas non plus mon ambition. Le but est de replacer Charleroi sur la carte du foot belge, de reconquérir un public qui a perdu l’habitude de venir au stade et aussi de faire l’un ou l’autre coup. Je connais le vestiaire, je pense que ça peut marcher.

Mais jusqu’à présent, il y a eu beaucoup plus de départs que d’arrivées.

Non, il ne faut pas raisonner comme ça. Beaucoup de dossiers ont été préparés ces dernières semaines et la direction a attendu d’avoir choisi son entraîneur pour aller plus loin. Nous allons nous y mettre dès maintenant. Ici, on sait travailler à très court terme et on ose prendre des risques. Avec Mogi Bayat et le DT Raymond Mommens, nous allons dès maintenant passer à la vitesse supérieure.

Depuis quelques années, Charleroi donne clairement la priorité au côté financier, avec la vente de nombreux bons joueurs. Le sportif est évidemment délaissé.

Je sais que le financier a pris le pas sur le sportif mais nous allons essayer de trouver le bon équilibre. Cela ne me pose pas de problème quand un club donne une chance à des jeunes puis les vend en faisant du bénéfice s’ils sont capables de jouer plus haut. J’espère seulement que j’aurai sous la main des joueurs avec ce profil : ils pourront préparer leur avenir et assurer celui du club. l

Par Pierre Danvoye et Geert Foutré

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