?J’étais venu pour le plaisir ! »

L’ancien international français revient sur ses deux premiers mois en bord de Meuse.

Cela fait deux mois qu’un grand joueur français a posé ses valises à Sclessin. En fin de parcours, à 35 ans, après avoir offert ses services à Strasbourg, Everton, Lens, Leeds, l’AS Roma, l’Inter et Fulham, Olivier Dacourt est venu prodiguer ses conseils aux jeunes du Standard. Celui qui a connu les heures de gloire du football hexagonal et a porté la vareuse des Bleus à 21 reprises, n’a pourtant montré que des éclairs de talent. En manque de rythme, gêné par des petits pépins physiques, il n’a pas encore aidé le Standard à sortir de l’ornière.

Après deux mois au Standard, êtes-vous satisfait de votre choix ?

Olivier Dacourt : Je me suis posé des questions et je n’ai pas encore trouvé de réponses. Parce que j’étais venu non pas pour l’argent mais pour le plaisir.

Vous en prenez ?

C’est super dur. Mais on ne fait pas d’omelette sans casser des £ufs. J’ai essayé de revenir assez rapidement. Vu que je manquais de condition, je me suis fait mal. J’ai voulu brûler les étapes. Et je me suis blessé. Le bilan est assez mitigé. Deux mois avec des petits problèmes vu que l’équipe ne va pas bien.

Est-ce que vous vous êtes demandé ce que vous faisiez là ?

Je venais vraiment pour retrouver le foot et découvrir une nouvelle culture. Je n’entrais pas en terrain inconnu puisque j’arrivais quand même chez les champions de Belgique ; le meilleur club belge du moment.

Vous êtes déçu du niveau ?

Non. Certaines équipes, comme Westerlo ou Saint-Trond, ont battu la seule équipe belge présente en Ligue des Champions. On s’aperçoit donc que le niveau du championnat n’est pas aussi faible. Mais c’est le football : si on ne rentre pas sur le terrain avec le bon esprit, on ne gagne pas.

Avez-vous éprouvé plus de difficultés que prévu ?

Non. Quand je rentre sur le terrain, je donne tout. Enfin, ce que je peux donner puisque je revenais d’une inactivité. Pour l’instant, je ne suis pas prêt à jouer 90 minutes. Mais le Standard a la chance d’avoir un préparateur physique, Guy Namurois, super compétent. J’essaye d’expliquer aux jeunes que le travail paie toujours.

Avez-vous pensé arrêter votre carrière ?

Oui ! Je m’étais inscrit à l’Université du Sport et du droit d’économie à Limoges pour devenir manager général. Mais c’est une session tous les deux ans et j’ai préféré venir ici.

Pourquoi ?

Car on reste des passionnés du football, du jeu.

Pourquoi pas un retour en France ?

J’avais quelques touches. Puis j’ai été contacté par Laszlo Bölöni avant de rencontrer Luciano D’Onofrio. J’ai visité les installations et j’ai vu que tout était réuni pour que je puisse venir prendre du plaisir.

La présence de coéquipiers français…

… ( il coupe ) non, non, je ne les connaissais pas.

 » Un grand joueur se met au service de l’équipe « 

Pour quelqu’un qui a connu l’ultra-professionnalisme pendant 11 ans, ce ne fut pas difficile d’opter pour notre championnat ?

Non car je voulais d’abord aider ces jeunes qui ont de la qualité. Il faut juste leur apprendre que footballeur, ce n’est pas qu’un jeu, c’est aussi un métier. Cela demande beaucoup d’exigences et de rigueur. Et probablement qu’il manquait un peu de rigueur.

Il en manque toujours, non ?

Toujours un petit peu, oui. Le football, c’est une somme de concessions à faire. On ne s’en rend pas vraiment compte parce qu’on fait miroiter aux joueurs après trois matches qu’ils sont des phénomènes alors qu’ils ont encore tout à prouver. Un grand joueur brille sur de nombreuses années. Pas sur trois matches. Pour franchir un palier, il faut aller dans un autre pays car il y a davantage de concurrence et puis, il faut s’adapter à une nouvelle culture. Et tout cela, on ne l’apprend pas du jour au lendemain.

La Ligue des Champions, à laquelle vous ne pouviez pas participer à moins d’une qualification, a influencé votre décision ?

Oui car le groupe avec Olympiacos et AZ était serré. Je savais qu’il y avait une possibilité pour que je ne la dispute pas mais je préférais vivre avec des regrets que des remords. Qui risquait d’être le plus déçu ? Defour ou moi, sachant que lui s’est blessé alors qu’il avait aidé le club à gagner le titre et donc à se qualifier pour la Ligue des Champions ? Moi, ma carrière est derrière moi.

Comment expliquez-vous les deux visages du Standard ?

Quand on joue la Ligue des Champions, il est très difficile de se montrer régulier en championnat car l’Europe pompe de l’énergie psychologique et physique. On donne tellement qu’en championnat, on est lessivé. C’est pour cela que les grands clubs ont deux équipes quasiment de la même valeur. Mais traverser cette mauvaise passe va former les jeunes et les servir dans leur carrière. Après trois matches, on en a fait de grands joueurs alors que ce sont encore des espoirs. C’est facile d’arriver en haut mais le plus dur, c’est d’y rester. Pour eux, cette galère car soyons clair, c’en est une, leur donne une grande leçon d’humilité.

On vous avait survendu certains joueurs ?

Non, non. On m’avait vanté les mérites de Defour mais il n’est pas là. Ceci dit, un joueur ne résout pas tout. Quand cela ne va pas, il faut faire son autocritique individuelle et collective. Un grand joueur, c’est celui qui se met à la disposition de son équipe. Un grand joueur est super humble et c’est pour cela qu’il devient un grand joueur. Un Luis Figo, un Zinédine Zidane, c’est pour cela qu’on les respecte. Quand Zidane se mettait le cul par terre, je lui disais que j’allais faire le sale boulot à sa place. Je savais qu’en retour, il allait nous faire gagner. Figo, à 36 ans, il travaillait encore et encore. C’est ce que j’essaye d’enseigner aux jeunes, aujourd’hui. La qualité, cela ne suffit pas.

Au niveau de la qualité du jeu, ce n’est pas cela…

C’est clair qu’on attend autre chose du champion en titre.

Certains joueurs semblent avoir snobé le championnat…

C’est une erreur car ils ont un devoir, un contrat. Quand le Standard est champion, tous les joueurs sont contactés par toute une série de clubs mais si on termine quatrième, on verra s’il y aura toujours autant de clubs intéressés.

Quel joueur vous a impressionné ?

Dieumerci Mbokani. Lui, c’est un diamant brut. J’essaye vraiment de lui faire passer un message car il a la qualité pour aller très haut. C’est le plus impressionnant du Standard. Du moins en potentiel.

 » Domenech n’a pas de griffe, d’empreinte « 

Avez-vous certains regrets sur la façon dont la presse française vous voit ?

Non, non. Ils se sont même demandé pourquoi j’avais signé en Belgique. J’avais des propositions de certains clubs français, notamment Strasbourg, mon club formateur, mais tout n’était pas réuni pour que j’y signe.

Pourtant vous avez déclaré un jour :  » Comme je suis parti il y a longtemps, on a oublié que je faisais du bon boulot. « 

C’est vrai que parfois, c’est comme si je faisais partie des meubles. On est moins d’actualité. Pourtant, je ne suis pas oublié par les médias. Je passe souvent à Canal+ ou à RMC .

Vous avez quitté l’équipe de France depuis 2005. Victime de Domenech ?

C’était avant la Coupe du Monde 2006. Je ne suis pas arrogant mais j’avais assez attendu. J’étais titulaire à l’AS Rome et j’estimais que si j’allais en équipe de France, c’était pour jouer. Pour être remplaçant, je préférais ne pas y aller.

Avec l’équipe de France, est-ce qu’il n’y a pas un peu d’arrière-goût dans la bouche ?

J’ai quand même gagné deux Coupes des Confédérations.

Ce sont des lots de consolation pour cette fameuse génération, victorieuse de la Coupe du Monde et de l’Euro…

La concurrence était rude. A mon poste, il y avait Deschamps, Petit, Vieira, Makelele. A côté, il y avait Zidane, Karembeu, Djorkaeff. On parle beaucoup de Vieira mais il ne fut titulaire qu’à partir de 2000, Makelele en 2002. Eux aussi ont dû attendre.

N’êtes-vous pas né dix ans trop tôt ?

C’est vrai qu’aujourd’hui, c’est plus facile dans l’entrejeu. En même temps, j’ai la chance d’avoir connu ces footballeurs. Et c’en est une ! Voir travailler les joueurs de France 98 et 2000, c’était une source d’exemple. Je n’ai aucun regret car j’ai connu ce qui se faisait de mieux.

Votre réaction en 2005 vous a privé d’une Coupe du Monde, seul manque dans votre palmarès. Vous avez participé à l’Euro, à la Coupe des Confédérations mais pas au Mondial…

Là, il y a un regret. Si j’avais mis mon orgueil de côté, j’y serais allé. En même temps, c’est mon orgueil qui m’a conduit à réaliser cette carrière. J’ai de la personnalité et beaucoup de caractère et c’est ce qui m’a permis d’aller au dessus. Cela m’a joué un mauvais tour mais je l’assume.

Que pensez-vous de Domenech ?

Pas grand-chose. ( Il réfléchit ) J’en ai déjà dit assez sur lui.

Et de sa longévité ?

Il fait partie des entraîneurs qui seront restés le plus longtemps à la tête de l’équipe de France. Sans jamais avoir rien gagné avec l’équipe de France. Ça veut tout dire. Mais je ne suis qu’un joueur. Il y a des experts pour tout disséquer. Cependant, mon constat est le même : il n’y a pas de griffe, d’empreinte.

Que pensez-vous de la qualification des Bleus ?

Le plus important, c’est qu’ils sont qualifiés. La manière, ce n’est pas ça. Il reste six mois pour montrer un autre visage car sur la qualité intrinsèque des joueurs, il n’y a pas photo. Sur le papier, il y a des joueurs capables de faire des grandes choses. En 2006, les matches de préparation n’avaient pas donné grand-chose et pourtant, ils sont parvenus en finale.

 » Rome, c’est inimaginable au niveau de la pression « 

Vous avez une image de gagneur…

C’est un peu ma marque de fabrique. A Fulham, à 34 ans, j’avais l’impression parfois d’être un peu l’entraîneur. Je gagnais tous les petits jeux du vendredi. Je ne voulais rien lâcher. Et ma récompense, c’est de voir que le club pointait à la 15e place quand je suis arrivé et qu’il a finalement accroché l’Europa League en finissant sixième.

Votre parcours ne renseigne aucun grand club français. Pourquoi ?

Cela ne servait à rien. A l’époque, pour être en équipe de France, il fallait partir à l’étranger.

Vous n’avez évolué que dans des clubs avec des publics chauds…

Oui. J’aime quand le public stimule ou transcende. Beaucoup de joueurs de-viennent timorés quand cela chauffe. Moi, j’ai besoin de cela.

Lequel vous a le plus marqué ?

Celui de Rome. C’est inimaginable au niveau de la pression. Quand il y avait un problème, 5.000 supporters débarquaient à l’entraînement. Un joueur qui supporte la pression de l’AS Rome peut évoluer partout !

Vous avez cité Nietzsche en conférence de presse…

On a l’impression que les footeux ne sont pas instruits. Mais on est simplement à l’image de la société. Il y en a qui sont cultivés et d’autres pas. Benjamin Nicaise est par exemple super intéressant. Il touche à tout et on peut discuter de beaucoup de sujets avec lui. Igor de Camargo parle cinq ou six langues. Il y en a beaucoup quiparlent cinq langues ?

Et Nietzsche ?

J’aime la philosophie. Certains, quand ils ont un moment de libre, jouent à la PlayStation. Moi, je vais lire. Des biographies et surtout des livres de psychologie pour essayer de comprendre l’être humain. Je sors d’un livre qui s’intitule L’amour de soi sur le fait que pour aimer les autres, il faut d’abord s’aimer soi-même.

C’est aussi cette même logique qui vous pousse à voyager ?

Exactement. J’ai arrêté en juin car j’avais un rêve : celui de jouer deux ans et partir avec toute ma famille au Japon. J’adore cette culture. J’ai déjà visité ce pays à cinq reprises et j’ai même fait un pèlerinage d’un mois là-bas, visitant le pays du nord au sud. Là-bas, on voit le monde différemment.

Comment percevez-vous la Belgique ?

Les gens sont chaleureux. Cela res-semble à ce que j’ai vécu à Lens. Quand on me demande comment c’est la Belgique. Je réponds – Bienvenue chez les Ch’tis mais en pire ! ( Il rigole ). Je connais des personnes depuis peu de temps mais elles resteront à jamais présentes dans mon c£ur.

par stéphane vande velde – photos: reporters/ gouverneur

« On croit que les footeux ne sont pas instruits. »

« Pour les jeunes, la galère actuelle du Standard, c’est une leçon d’humilité. »

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